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95 Contez-lui, qu'allié d'affez hauts Magiftrats,
Fils d'un Pere Greffier, né d'Aïeux Avocats;
Dès le berceau perdant une fort jeune Mere,
Réduit, feize ans après, à pleurer mon vieux Pere:
J'allai d'un pas hardi, par moi-même guidé,
roo Et de mon feul Genie en marchant secondé,
Studieux amateur & de Perfe, & d'Horace,
Affez près de Regnier m'affeoir fur le Parnaffe.
Que par un coup du Sort au grand jour amené,

REMARQUES.

Et

VERS 95. Allié d'assez hauts Magiftrats.] Mrs. de BRAGELONNE; AMELOT Préfident à la Cour des Aides; GILBERT Préfident aux Enquêtes, Gendre_de Mr. DONGÓIS; DE LIONNE, Grand-Audiencier de France; & plufieurs autres Maifons illuftres dans la Robe.

VERS 96. Fils d'un Pere Greffier, &c.] GILLES BOILEAU, Greffier du Confeil de la Grand-Chambre, né le 28. de Juin, 1584.

Ibid. Né d'Aïeux Avocats.] 11 tire fon origine de JEAN BOILEAU, Notaire & Secretaire du Roi, qui obtint des Lettres de Nobleffe pour lui & pour fa poftérité, au mois de Septembre 1371. Jean Boileau fut un des quatre nommez pour éxercer fa charge près du Parlement; & HENRI BOILEAU fon Petit-fils, fut reçû en 1408. Avocat du Roi en la même Cour. Quelques-uns de leurs Descendans ont été de célèbres Avocats.

VERS 97. Dès le Berceau perdant une fort jeune Mere.] il n'avoit qu'onze mois quand ANNE DENIELLE fa Mere mourut âgée de 23. ans, en 1637.

VERS 98. Réduit, feize ans après, à pleurer mon vieux Pere.] Il mourut en 1657. âgé de 73. ans.

VERS 102. Affez près de Regnier m'affeoir fur le Parnaffe.] Cela eft bien modefte. Il a parlé plus hardiment quand il n'a fait que rapporter les fentimens du Public: Et leur Aw reur jadis à Regnier préféré. vers 35.

VERS 108.

Craïonnat fes exploits.] Il fut nommé pour écrire l'Hiftoire du Roi avec Mr. Racine, au mois

d'Octo

Et des bords du Permeffe à la Cour entraîné, 05 Je fûs, prenant l'effor par des routes nouvelles, Elever affez haut mes Poëtiques aîles;

Que ce Roi, dont le nom fait trembler tant de Rois, Voulut bien que ma main craïonnât ses exploits: Que plus d'un Grand m'aima jusques à la tendreffe, 10 Que ma vûë à Colbert inspiroit l'allégreffe: Qu'aujourd'hui même encor de deux fens affoibli, Retiré de la Cour, & non mis en oubli:

d'Octobre 1677.

REMARQUES.

Plus

VERS 109. Que plus d'un Grand &c. J. Madame la Ducheffe d'Orléans, première Femme de Monfieur. Le Grand Prince de Condé, & Mr. le Prince fon Fils. Mr. le Prince de Conti. Mr. le Premier Préfident de Lamoignon; Mr. le Maréchal de Vivonne; & Mesdames de Montespan, & de Thiange, fes Soeurs: enfin toute la Cour, excepté Mr. le Duc de Montauzier: Prater atrocem animum Catonis. Ce Duc lui donna même fon amitié dans la fuite.

VERS IIO. Que ma vûë à Colbert &c.] Mr. Colbert mena un jour dans fa belle maifon de Seaux, Mr. Despréaux, & Mr. Racine. Il étoit feul avec eux, prenant un extrême plaifir à les entendre; quand on vint lui dire que Mr. l'Evêque de. demandoit à le voir: Qu'on lui faffe

voir tout, hormis moi, dit Mr. Colbert. VERS III.

de l'ouïe,

De deux fens affoibli.] De la vûë, &

VERS 112. Retiré de la Cour, &c.] Il n'y alloit plus de puis l'année 1690. & il s'en étoit retiré pour jouïr de la liberté & du repos. Après la mort de Mr. Racine, il alla voir le Roi pour lui apprendre cette mort, & recevoir fes ordres par raport à fon Hiftoire dont il fe trouvoit feul charge. Sa Majefté le reçut avec bonté, & quand il voųJut fe retirer, le Roi en faifant voir fa montre qu'il tenoit par hazard à la main, lui dit obligeamment : Souvenezvous que j'ai toujours à vous donner une heure par semaine, quand vous voudrez, venir

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VERS

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Plus d'un Heros épris des fruits de mon étude,
Vient quelquefois chez moi goûter la folitude.

Mais des heureux regards de mon Aftre étonnant
Marquez bien cet effet encor plus furprenant,
Qui dans mon fouvenir aura toujours fa place;
Que de tant d'Ecrivains de l'Ecole d'Ignace,
Etant, comme je fuis, ami fi déclaré,
[120 Ce Docteur toutefois fi craint, fi réveré,

Qui contre Eux de fa plume épuifa l'énergie,
Arnauld, le grand Arnauld fit mon apologie.
Sur mon tombeau futur, mes Vers, pour l'énoncer,
Courez en lettres d'or de ce pas vous placer.
125 Allez jusqu'où l'Aurore en naiffant voit l'Hydaspe,
Chercher, pour l'y graver, le plus précieux Jaspe.
Sur tout, à mes Rivaux fachez bien l'étaler.

Mais je vous retiens trop. C'eft affez vous parler. Déja, plein du beau feu qui pour vous le transporte,

130 Barbin impatient chez moi frape à la porte.

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VERS 113. Plus d'un Heros &c.] Mr. le Marquis de Termes, Mr. de Cavois, Mr. de Pontchartrain, Mr. Dagueffeau, & plufieurs autres; mais particulierement Mr. le Duc, & Mr. le Prince de Conti qui l'honoroient souvent de leurs vifites à Auteuil.

VERS 118. Que de tant d'Ecrivains de l'Ecole d'Ignace.]
Les Peres, RAPIN, BOURDALOUE, BOUHOURS,
GAILLARD, THOULIER, &C.

VERS 122.
Le grand Arnauld fit mon apologie. ]
Mr. Arnauld a fait une Differtation où il le juftifie contre

fes

Il vient pour vous chercher. C'eft lui: j'entens fa

voix.

Adieu, mes Vers, adieu pour la derniere fois.

REMARQUES.

fes Cenfeurs; & c'eft fon dernier Ouvrage. On le trouve ra dans le Tom. III. de cette Edition.

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L

E PITRE XI.

A MON JARDINIER.

ABORIEUX Valet du plus commode Maître,

Qui, pour te rendre heureux ici-bas, pouvoit naître ;

ANTOINE, Gouverneur de mon Jardin d'Auteuil, Qui diriges chez moi l'If & le Chevre-feuil, 5 Et fur mes Espaliers, industrieux Génie, Sais fi bien exercer l'Art de la Quintinie; O! que de mon esprit trifte & mal ordonné,

REMARQUE S.

Ainfi

Notre Poëte travaillant à fon Ode fur la prife de Namur, fe promenoit dans les Allées de fon Jardin d'Auteuil. Là il tâchoit d'exciter fon feu, & s'abandonnoit à l'Enthousiasme. Un jour il s'aperçut que fon Jardinier l'écou toit, & l'obfervoit au travers des feuillages. Le Jardinier furpris ne favoit à quoi attribuer les transports de fon Maître, & peu s'en falut qu'il ne le foupçonnât d'avoir perdu l'esprit. Les poftures que le Jardinier faifoit de fon côté, & qui marquoient fon étonnement, parurent fort plaifantes au Maître: de forte qu'ils fe donnèrent quelque tems la Comédie l'un à l'autre, fans s'en apercevoir. Cela lui fit naître l'envie de compofer cette Epître, dans laquelle il s'entretient avec fon Jardinier, &, par des discours proportionnez aux connoiffances d'un Villageois, il lui explique les difficultez de la Poëfie, & la peine qu'il y a fur tout d'exprimer noblement & avec élégance, les chofes les plus communes & les plus fèches. De là il prend occafion de lui démontrer que le Travail eft nécessaire à l'Homme pour être heureux.

Cette Epître fut compofée en 1695. Horace a auffi adreffé une Epître à fon Fermier: c'est la quatorzième du premier Livre. Mais ces deux Poëtes ont fuivi des routes differentes,

YERS

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