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Et que fon tour adroit n'ait rien qui nous effraie.
Alors, comme j'ai dit, tu la fais écouter,

Et fans crainte à tes yeux on pourroit t'éxalter.
155 Mais fans t'aller chercher des vertus dans les nues,
Il faudroit peindre en toi des véritez connuës:
Décrire ton Esprit ami de la Raifon,

Ton ardeur pour ton Roi puifée en ta Maison;
A fervir fes deffeins ta vigilance heureuse;

160 Ta probité fincère, utile, officieuse:

Tel, qui hait à fe voir peint en de faux portraits
Sans chagrin voit tracer fes véritables traits.
Condé même, Condé, ce Heros formidable,

Et non moins qu'aux Flamans aux Flatteurs redou
table,

165 Ne s'offenferoit pas fi quelque adroit Pinceau
Traçoit de fes Exploits le fidelle Tableau:
Et dans Seneff en feu contemplant fa peinture,
Ne défavotiroit pas Malherbe ni Voiture.
Mais, malheur au Poëte infipide, odieux,
170 Qui viendroit le glacer d'un éloge ennuïeux.

REMARQUES.

Le Grand, l'illuftre Abel, cet Esprit fans pareil
Plus clair, plus pénétrant que les traits du Soleil.

VERS 167. Et dans Seneff en feu.] La Bataille de Seneff en Flandre gagnée par le Prince de Condé, le 11. d'Août 1674. contre les Allemans, les Espagnols, & les Hollandois, au nombre de plus de foixante mille hommes come mandez par le Prince d'Orange.

R&

VERS

Il auroit beau crier: Premier Prince du Monde,

Courage fans pareil, Lumière fans feconde :
Ses Vers jettez d'abord, fans tourner le feuillet,
Iroient dans l'antichambre amuser Pacolet.

VERS 171.

REMARQUES.

Premier Prince du monde, &c.] Com

mencement du Poëme de Charlemagne adreffé au Prince de Condé..

Premier Prince du fang du plus grand Roi du Monde 3.
Courage fans pareil, Lumière fans fecondez.

Et dont l'Esprit égal en diverse Saifon,

Sait triompher de tout, & cède à la Raifon, &c.

LOUIS LE LABOUREUR, Tréforier de France, & Bailli du Duché de Montmorenci, Auteur de ce Poëme, le publia en 1664. Dans l'édition de 1666. il changea ainfi le fecond vers:

Prince d'une valeur en victoire féconde.

La même année 1665. il parut un autre Poëme de Charlemagne, par Mr. COURTIN, Profeffeur en Rhétorique. VERS dernier. Amufer Pacolet.] Fameux Valer de pié du Grand Prince de Condé. Quand Mr. le Laboureur eut prefenté à ce Prince fon Poëme de Charlemagne, il en lût quelque chofe; après-quoi il donna le Livre à Paolet, à qui il renvoïoit. Ordinairement tous les Livres qui Enuïoient,

PRE

PRÉFACE,

Sur les trois Epîtres fuivantes.

397

E ne fai fi les trois nouvelles Epitres que je donne ici au Public, auront beaucoup d'Approbateurs: mais je fai bien que mes Cenfeurs y trouveront abondamment dequoi exercer leur critique. Car tout y eft extrèmement bazardé. Dans le premier de ces trois Ouvrages, fous prétexte de faire le procès à mes derniers Vers, je fais moi-même mon éloge, & n'oublie rien de se qui peut être dit à mon avantage. Dans le fecond je m'entretiens avec mon Jardinier de chofes très-baffes, & très-petites; & dans le troifième je décide hautement du plus grand & du plus important point de la Religion, je veux dire de l'Amour de Dien. F'ouvre donc un beau champ à ces Cenfeurs, pour attaquer en moi, & le Poëte or gueilleux, & le Villageois groffier, & le Théologien témeraire. Quelque fortes pourtant que foient leurs attaques, je doute qu'elles ébranlent la ferme refolution que j'ai prife il y a long-tems, de ne rien répondre, au moins fur le ton férieux, à tout ce qu'ils écriront contre moi.

A quoi bon en effet perdre inutilement du papier?
Si mes Epitres font mauvaises, tout ce que je

REMARQUES..

di

1. Si mes Epitres font mauvaises.] JOAN. OWEN, Epigr. ad Lectorem, pag. m. 1227

Noftra patrocinium non poscunt carmina: quare ?

Si bona funt, bona funt: fi mala funt, mala funt,

dirai ne les fera pas trouver bonnes: & fi elles font bonnes, tout ce qu'ils feront ne les fera pas trouver mauvaises. Le Public n'eft pas un Fuge qu'on puiffe corrompre, ni qui fe règle par les paffions d'autrui. Tout ce bruit, tous ces Ecrits qui fe font ordinairement contre des Ouvrages où l'on court ne fervent qu'à y faire encore plus courir, & à en mieux marquer le mérite. Il est de l'effence d'un bon Livre d'avoir des Cenfeurs; & la plus grande disgrace qui puiffe arriver à un Ecrit qu'on met au jour, ce n'eft pas que beau coup de gens en difent du mal, c'est que perfonne n'en dife rien..

"

Je me garderai donc bien de trouver mauvais qu'on attaque mes trois Epitres. Ce qu'il y a de ya certain,c'est que je les ai fort travaillées, & principalement celle de l'Amour de Dieu, que j'ai retouchée plus d'une fois, & où j'avoue que j'ai ems ployé tout le peu que je puis avoir d'esprit & de lumières. F'avois deffein d'abord de la donner toute feule, les deux autres me paroiffant trop frivoles, pour être préfentées au grand jour de L'impreffion avec un Ouvrage fi férieux. Mais des Amis très-fenfez m'ont fait comprendre que ces deux Epitres, quoique dans le ftile enjoné, étoient pourtant des Epitres morales, où il n'étoit rien enfeigné que de vertueux qu'ainfi étant liées avec l'autre, bien loin de lui naire, elles pourroient même faire une diverfité agréable; & que d'ailleurs beaucoup d'honnêtes gens fouhaitant de les avoir toutes trois ensemble je ne pouvois pas avec

REMARQUE S

Il ajofite dans une autre Epigramme:

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Nemo poteft verfus (nec tanta potentia Regum)
Vel fervare malos, vel jugulare bonos

bien

bienséance me dispenfer de leur donner une fi légère fatisfaction. Je me fuis rendu à ce fentiment &on les trouvera raffemblées ici dans un même cabier. Cependant comme il y a des Gens de pieté, qui peut-être ne fe foncieront gueres de lire les entretiens, que je puis avoir avec mon Jardinier & avec mes Vers, il eft bon de les avertir qu'il y a ordre de leur diftribuer à part la dernière, savoir celle qui traite de l'Amour de Dieu; & que non feulement je ne trouverai pas étrange qu'ils ne lifent que celle-là; mais que je me fens quelquefois moi-même en des dispofitions d'esprit, où je voudrois de bon cœur n'avoir de ma vie compofe que ce feal Ouvrage, qui vraisemblablement fera la dernière Pièce de Poefie qu'on aura de moi: mon génie pour les Vers commençant à s'épuiser,& mes Emplois hiftoriques ne me laissant guères le tems de m'appliquer à chercher & à ramaffer des rimes. Voilà ce que j'avois à dire aux Lecteurs. Néanmoins, avant que de finir cette Préface, il ne fera pas bors de propos, ce me femble, de raffûrer des perfonnes timides, qui n'ayant pas une fort grande idée de ma capacité en matière de Théologie, douteront peut-être que tout ce que j'avance en mon Epitre foit fort infaillible; & apprehenderont, qu'en voulant les conduire, je ne les égare. Afin donc qu'elles marchent farement, je leur dirai, vanité à part, que j'ai lu plufieurs fois cette Epître à un fort grand nombre de Docteurs de Sorbone, de Peres de l'Oratoire & de Jésuites

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REMARQUES.

59

2

"très

2 Féfuites très-célèbres.] Le R. P. DE LA CHAIZE, CONfeffeur du Roi: le P. GAILLARD, fameux Prédicateur, & quelques autres. Vorez ci-après (T. III.) une Lettre écrie par FAuteur à Mr. Racine fur ce fujet,

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