Page images
PDF
EPUB

Dans la poudre du Greffe un Poëte naissant.
On vit avec horreur une Muse effrénée
Dormir chez un Greffier la graffe matinée.
Dès-lors à la richeffe il fallut renoncer.
120 Ne pouvant l'acquerir, j'appris à m'en paffer;
Et fur tout redoutant la baffe fervitude,

La libre Vérité fut toute mon étude.

Dans ce métier funefte à qui veut s'enrichir,

Qui l'eût crû, que pour moi le Sort dût fe fléchir?
125 Mais du plus grand des Rois la bonté fans limite,
Toujours prête à courir au devant du Mérite,
Crut voir dans ma franchise un mérite inconnu,
Et d'abord de fes dons enfla mon revenu.

La brigue, ni l'envie à mon bonheur contraires, 130 Ni les cris douloureux de mes vains Adversaires,

REMARQUES.

Ne

tiers à fond-perdu fur l'Hôtel de Ville de Lyon, qui lui fit une rente de quinze cens livres pendant fa vie. Mais fon bien s'augmenta confiderablement dans la fuite, par des fucceffions, & par des penfions que le Roi lui donna.

VERS 112.

Frere, Oncle, Coufin, Beau-frere de Greffier.] Frere: de JEROME BOILEAU fon aîné, qui a poffède la Charge du Pere. Il mourut au mois de Juillet,

1679.

Oncle: de Mr. DONGOIS, Greffier de l'Audience à la Grand' Chambre; fils d'une Sœur de l'Auteur.

[ocr errors]

Coufin du même Mr. DONGOIS, qui a époufé une coufine germaine de notre Poëte.

Beau-frere de Mr. SIRMOND qui a et la même Charge de Greffier du Confeil de la Grand Chambre.

VERS 118. La graffe matinée] Il étoit un grand dormeur, particulièrement dans fa jeunesse: car il fe levoit ordinaiIement fort tard, & dormoit encor l'après-dinée.

VERS 130. Ni les cris douloureux de mes vains adversaires, }

[ocr errors]

Le

Ne pûrent dans leur courfe arrêter ses bienfaits.
C'en eft trop: mon bonheur a paffé mes fouhaits.
Qu'à fon gré deformais la Fortune me jouë,

On me verra dormir au branle de fa rouë.
335 Si quelque foin encore agite mon repos,
C'eft l'ardeur de louer un fi fameux Heros.
Ce foin ambitieux me tirant par l'oreille,

La nuit, lorsque je dors, en furfaut me réveille; Me dit que ces bienfaits, dont j'ose me vanter, 140 Par des Vers immortels ont dû fe mériter.

C'est là le feul chagrin qui trouble encor mon ame.
Mais, fi dans le beau feu du zèle qui m'enflame,
Par un Ouvrage enfin des Critiques vainqueur,

Je puis fur ce fujet fatisfaire mon cœur ;

145 GUILLERAGUES, plain-toi de mon humeur légère, Si jamais entraîné d'une ardeur étrangère, Ou d'un vil interêt reconnoiffant la loi,

Je cherche mon bonheur autre part que chez moi.

REMARQUES.

Le Roi aiant donné une penfion de deux mille livres à l'Auteur, un Seigneur de la Cour, qui n'aimoit pas Mr. Despréaux, s'avifa de dire, que bien-tôt le Roi donneroit des penfions aux voleurs de grand Chemin. Le Roi fut cette réponse, & en fut fort irrité. Celui qui l'avoit faite fut obligé de la defavoüer.

IMIT. Vers 133. Qu'à fon gré deformais la Fortune me jože:] CORNEILLE, Illufion Comique, A&te V. Scene V.

Ainfi de notre espoir la Fortune fe jonë :

Tent s'élève on s'abaisse au branle de sa ronë.

347

A M. DE LAMOIGNON,

AVOCAT GENERAL.

UI, LAMOIGNON, je fuis les chagrins de la
Ville,

Et contre eux la Campagne eft mon unique azile.
Du Lieu qui m'y retient veux-tu voir le Tableau?
C'est un petit Village, ou plûtôt un Hameau,
5 Bâti fur le penchant d'un long rang de collines,

REMARQUES.

D'où

CEtte Epitre a été composée en l'année 1677. après l'E pitre VII. l'Auteur étant allé paffer quelque tems à Hautile, petite Seigneurie près de la Roche-Guion, qui apartenoit à Mr. Dongois fon Neveu. Mr. de LAMOI GNON le Fils, Avocat Général, lui écrivit une Lettre par laquelle il lui reprochoit fon long féjour à la Campagne & l'exhortoit de revenir à Paris. Mr. Despréaux lui envoïa cette Epître, dans laquelle il décrit les douceurs dont il jouït à la Campagne, & les chagrins qui l'attendent à la Ville. On peut lire la Satire fixième d'Horace, Livre fecond, qui est sur le même sujet. Mr. CHRESTIEN FRAN ÇOIS DE LAMOIGNON, à qui cette Epître eft adreffée, étoit né le 26. de Juin, 1644. & il mourut le 7. d'Août, 1709, après s'être fait admirer fucceffivement dans les Charges d'Avocat Général, & de Prefident à Mortier.

VERS 4. C'est un petit Village, &c.] Hautile, près de la Roche-Guion, du côté de Mante à treize lieues de Paris Dans toutes les éditions il y avoit à la marge: Hautile, proche la Roche-Guion. Je fis remarquer à l'Auteur cette confonance vicieuse, proche la Roche, & il la corrigea dans fa dernière édition de 1701. La description qu'il a faite de ee Village & des environs, eft très-éxacte & d'après nature.

P 6

VERS

D'où l'oeil s'égare au loin dans les plaines voifines.
La Seine au pié des monts, que fon flot vient laver,
Voit du fein de fes eaux vingt Iles s'élever,

Qui partageant fon cours en diverfes manières,
10 D'une Rivière feule y forme vingt Rivières.
Tous fes bords font couverts de Saules non plantez,
Et de Noïers fouvent du Paffant infultez.

Le Village au deffus forme un amphithéatre,
L'Habitant ne connoît ni la chaux ni le plâtre."
15 Et dans le roc, qui cède & fe coupe aisément,
Chacun fait de fa main creufer fon logement.
La Maison du Seigneur, feule un peu plus ornée,
Se présente au dehors de murs environnée.
Le Soleil en naiffant la regarde d'abord;
20 Et le mont la défend des outrages du Nord.

[ocr errors]

REMARQUES.

C'eft

VERS 25. Tantôt, un Livre en main &c.] Il lifoit alors les Effais de MONTAGNE, dont il marque le caractère par ce

vers:

Foccupe ma Raifon d'utiles rêveries.

En effet, Montagne donne lui-même à fes Ecrits le nom de Rèveries: Aussi moi, dit-il, je vois mieux que tout autre que ce font ici des resveries d'homme qui n'a goufté des Sciences que la croufte première. L. I. ch. XXV.

VERS 29. Quelquefois aux appas.] On croit que l'Auteur auroit dû mettre à l'appât : ce dernier mot ne fe mettant au pluriel, que dans le fens figuré: les appas d'une Belle. IMIT. Ibid. Quelquefois aux appas&c.] Martial,1. Epigr.

56.

[merged small][ocr errors]

C'eft-là, cher LAMOIGNON, que mon esprit

tranquile

Met à profit les jours que la Parque me file.
Ici dans un vallon bornant tous mes defirs,
J'achète à peu de frais de felides plaifirs.

25 Tantôt, un Livre en main errant dans les prairies, J'occupe ma Raifon d'utiles rêveries.

Tantôt cherchant la fin d'un Vers que je conftrui, Je trouve au coin d'un Bois le mot qui m'avoit fui. Quelquefois aux appas d'un hameçon perfide, 30 J'amorce, en badinant, le poisson trop avide; Ou d'un plomb qui fuit l'œil, & part avec l'éclair, Je vais faire la guerre aux habitans de l'air. Une table, au retour, propre & non magnifique Nous préfente un repas agréable & ruftique. 35 Là, fan s'affujettir aux dogmes du Brouffain,

REMARQUES.

Tout

VIRS 31. Ou d'un plomb qui fuit l'ail,& part avec l'éclair.} Il faut lire, fuit l'ail, & non pas, fuit, comme quelquesuns l'ont crû. La légéreté & le fon de ce vers, expriment bien l'éclat & le promt effet d'un coup de fufil.

IMIT. Vers 33. Une table au retour &c.] Martial, I. Epigr. LVI.

Pinguis inaquales onerav cui Villica menfas,

Et fua non emptus præparat ova cinis.

VERS 35. -Aux dogmes du Broussain. ] RINE BRU
LART, Comte du BROUSSIN, fils de Louis BRULART,
Seigneur du BROUSSIN & du RANCHER; & de MA-
DELAINE COLBERT. Voïez la Remarque qui eft au
commencement de la Satire troisième,
P 7

VERS

« PreviousContinue »