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Saint-Sorlin Janféniste, & Saint-Pavin bigot.

Quittons donc pour jamais une Ville importune, 130 Où l'Honneur a toûjours guerre avec la Fortune:

Où le Vice orgueilleux s'érige en Souverain,

Et va la mitre en tête & la croffe à la main

REMARQUES.

ΟΙ

Mr. de SAINTE BEUVE étoit un célèbre Docteur de Sorbonne.

Ibid. Arnauld à Charenton devenir Huguenot.] Meffire ANTOINE ARNAULD, Docteur de Sorbonne. Les Ouvrages que ce favant Docteur a publiez contre les Calviniftes, prouvent affez combien il étoit éloigné d'embraffer leurs fentimens.

VERS 128. Saint-Sorlin Janfenifte.] JEAN DES MARETS DE SAINT-SORLIN, après avoir ceffé d'écrire pour le Théatre, publia un écrit en 1665. contre les Religieuses de Port Royal, qui étoient accufées de Janfénisme.

Ibid. Et Saint Pavin bigot.] SANGUIN DE ST. PAVIN, étoit un fameux Libertin, disciple de Théophile, auffi bien que Des-Barreaux, Bardouville, & quelques autres. Saint Pavin a fait lui-même la peinture de fes fentimens, & de fes moeurs, dans les vers fuivans: *

Je n'ai l'esprit embarrassé

De l'avenir ni du passé.

Ce qu'on dit de moi peu me choque.

De force chofes je me moque;

Et fans contraindre mes defirs,

Je me donne entier aux plaisirs,

Le jeu, l'amour, la bonne chère, &c.

Cependant, St. Pavin ne pût fouffrir que l'on eût mis fa converfion au rang des impoffibilitez morales On verra ci-après, dans les Remarques fur les Epigrammes, ce qu'il fit pour s'en vanger, & ce que lui repliqua notre Auteur.

Portrait de S. Pavin, fait par lui-même.

Adrien

Où la Science triste, affreufe, délaiffée,

Eft par tout des bons lieux comme infame chaffée; 135 Où le feul Art en vogue eft l'Art de bien voler: Où tout me choque enfin, où... Je n'ose parler. Et quel Homme fi froid ne feroit plein de bile,

REMARQUES.

A

Adrien de Valois s'eft trompé * en difant que St. Pavin s'étoit converti, à cause d'une voix terrible qu'il ouït au moment de la mort de Theophile, qui mourut en 1626.

Gui Patin nous aprend la mort de St. Pavin, dans une Lettre du 11. d'Avril 1670., & il ajoute, que le Curé de St. Nicolas l'obligea d'emploïer en legs pieux le bien qui lui reftoit.

VERS 132. Et va la mitre en tête & la crosse à la main.] Après ce vers il y en avoit quatre autres que l'Auteur a fupprimés depuis l'édition de 1674.

Où l'argent feul tient lieu d'efprit & de noblesse
Où la Vertu fe pèse au poids de la Richeffe:

Où l'on emporte à peine, à suivre les neuf Sœurs,
Un laurier chimérique, & de maigres honneurs.

IMITATIONS. Vers 133. Où la Science trifte, &c.] Ces deux vers font imitez de Regnier, Satire III.

Si la Science pauvre, affreuse, & méprisée,

Sert an Peuple de fable, aux plus grands de risée.

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VERS 136. Où tout me choque: Enfin, où.... Je n'ofe parler.] Dans les premières éditions, la ponctuation du dernier hémiftiche étoit ainfi: Enfin, où je n'ofe parler. M. Racine confeilla à l'Auteur de marquer une fuspenfion après la particule où.... ce qui rend le fens bien plus fort, & l'expreffion plus vive.

* Valefiana p. 320

B 4

IM I

A l'aspect odieux des mœurs de cette Ville ?

Qui pourroit les fouffrir? & qui, pour les blâmer, 140 Malgré Mufe & Phébus, n'apprendroit à rimer ?

Non, non, fur ce fujet pour écrire avec grace,
Il ne faut point monter au fommet du Parnasse
Et fans aller réver dans le double Vallon,

La colère fuffit, & vaut un Apollon.

145 Tout beau, dira quelqu'un, vous entrez en furie, A quoi bon ces grands mots ? Doucement,je vous prie : Ou bien montez en Chaire, & là, comme un Docteur, Allez de vos Sermons endormir l'Auditeur.

C'est-là que bien ou mal on a droit de tout dire.

REMARQUES.

Ainfi

IMITATIONS. Vers 144. La colère suffit, & vaut un Apollon.] Juvénal en ce vers célèbre, Sat. I. v. 79.

Si natura negat, facit indignatio versum.

Regnier l'avoit ainsi traduit, Satire II.

Puis fouvent la colère engendre de bons vers.

Mais on voit combien l'expreffion de Mr. Despréaux eft plus noble & plus animée.

CHANGEMENT. Vers 145. Tout beau, dira quelqu'un.] Dans les premières éditions il Y avoit: Mais quoi, dira quelqu'un.

VERS 154. Attend pour croire en Dieu, que la fièvre le preffe.] Ce vers défigne particulierement le fameux DESBARREAUX, qui, felon le langage de Bourfaut dans fes Lettres, ne croyoit en Dieu que quand il étoit malade. Pendant une maladie qu'il eut, il fit un Sonnet de piété, qui eft connu de tout le monde, & qui eft très-beau; mais quand fa fanté fut revenue, il defavoua fortement ce Sonnet. I commence par ce vers:

Grand Dieu, tes jugemens font remplis d'équité, &c.
Yoïez la remarque fur le vers 660. de la Satire X.

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Ainfi parle un Esprit qu'irrite la Satire, Qui contre fes-défauts croit être en fûreté, En raillant d'un Cenfeur la triste austerité : Qui fait l'homme intrépide, & tremblant de foibleffe, Attend pour croire en Dieu que la fièvre le preffe ; 55 Et toûjours dans l'orage au Ciel levant les mains, Dès que l'air eft caliné, rit des foibles Humains.. Car de penfer alors qu'un Dieu tourne le Monde, Et règle les refforts de la Machine ronde,

Ou qu'il eft une vie au delà du trépas,

160 Ceft-là, tout haut du moins, ce qu'il n'avoura pas.

Pour moi qu'en fanté même un autre Monde étonne,
Qui crois l'ame immortelle, & que c'eft Dieu qui tonne,
Il vaut mieux pour jamais me bannir de ce Lieu.
Je me retire, donc. Adieu, Paris, Adieu.

REMARQUE S..

VERS ISS. Et toûjours dans l'orage &c.] Au lieu de ce vers, & du fuivant, il y avoit ceux-ci dans les premières» éditions:

Et riant hors de-là du fentiment commun,

Préche que Trois font Trois, & ne font jamais Un;

Mais ces vers parurent trop hardis, & même un peu liber-rins; auffi bien que ceux-ci qui venoient un peu après:

C'eft-là ce qu'il faut croire, & ce qu'il ne croit pas 3"

Pour moi, qui fuis plus fimple, & que l'Enfer étonne.

Mr. Arnauld les fit changer. Otez tout cela, lui dit-il, vous
aurez trois ou quatre Libertins à qui cela plaira, & vous per-
drez je ne fai combien d'honnêtes-gens, qui liroient vos Ouvrages.
CHANGEMENT. Vers 157. Car de penfer alors.] Dans les
premières éditions, il y avoit: Car enfin, de penser.
B 5:

SATIRE

SATIR E II.

R

A M. DE MOLIERE.

ARE & fameux Esprit, dont la fertile veine Ignore en écrivant le travail & la peine; Pour qui tient Apollon tous fes trésors ouverts, Et qui fais à quel coin fe marquent les bons vers; Dans les combats d'esprit favant Maître d'escrime,. Enfeigne-moi, MOLIERE, où tu trouves la rime. On diroit, quand tu veux, qu'elle te vient chercher. Jamais

REMARQUES..

LE fujet de cette Satire eft, la difficulté de trouver la Rime, &de la faire accorder avec la Raifon. Mais l'Auteur s'eft appliqué à les concilier toutes deux, en n'emploïant dans sette Pièce, que des Rimes extrèmement exactes.

Cette Satire n'a été compofée qu'après la feptième : ainfi elle eft la quatrième dans l'ordre du tems. Elle fut faite

en 1664.

La même année, l'Auteur étant chez Mr. Du Brouffin, avec Mr. le Duc de Vitri, & Moliere;, ce dernier y devoit lire une Traduction de Lucrèce en vers François, qu'il avoit faite dans fa jeuneffe. En attendant le diner, on pria Mr. Despréaux de réciter la Satire adreffée à Moliere; mais après ce récit, Moliere ne voulut plus lire fa Traduction, craignant qu'elle ne fût pas affez belle pour foutenir. les louanges qu'il venoit de recevoir. Il fe contenta de lire Je premier Acte du Mifanthrope, auquel il travailloit en ce tems-là: difant, qu'on ne devoit pas s'attendre à des vers auffi parfaits & auffi achevez que ceux de Mr. Despréaux; parce qu'il lui faudroit un tems infini, s'il vouloit travailler fes Ouvrages comme lui.

VERS 17. Si je veux d'un Galánt &c, ] Ces deux vers étoiens ainfi:

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