Au Démon par pudeur il vendit la Nature. 55 Hélas! avant ce jour qui perdit fes Neveux, Tous les Plaifirs couroient au devant de fes vœux. La Faim aux Animaux ne faifoit point la guerre: Le Blé pour fe donner, fans peine ouvrant la terre, N'attendoit point qu'un boeuf, preffé de l'éguillon, 60 Traçât à pas tardifs un pénible fillon. La Vigne offroit par tout des grappes toujours pleines, REMARQUES. D'un IMIT. Vers 56. Tous les Plaifrs couroient au devant de fes vaux, &c.] Virgile, Eglogue IV. v. 28. Molli paulatim flavescet campus ariftâ, Mox & frumentis labor additus, ut mala culmes Carduns: D'un tribut de douleurs païa fon attentat. Le chardon importun hériffa les guérets: La Pefte en même tems, la Guerre & la Pamine, REMARQUES. Ovide, Metamorph. I. v. 100. Mollia fecura peragebant otia mentes. Ipfa quoque immunis, raftroque intact̃a, nee ullis Et Horace, Epod. XVI. 43. Reddit ubi Cererem tellus inarata quotannis, Et imputata floret usque vinea. &c. Des VERS 60. Traçat à pas tardifs un pénible fillon.] Ce vers marque bien la démarche pefante d'un boeuf. Un pénible fillon: Cette figure elt semblable à l'hérétique douleur, du douzième vers; & au lit effronté de la Satire X. vers 345. 75 Des malheureux Humains jurèrent la ruïne; Mais aucun de ces maux n'égala les rigueurs 85 Trifte & funefte effet du premier de nos crimes! Plus qu'aucun des Mortels par la Honte abattu, En vain j'arme contre elle une foible vertu. Ainfi toujours douteux, chancelant & volage, 90 A peine du limon, où le Vice m'engage, J'ar VERS 80. Pour toute honte alors compta la pauvreté. ] Un Prélat, qui d'ailleurs avoit du mérite, avoit pris le carac tère exprimé dans ce vers. Il ne faifoit cas d'un homme qu'à proportion du bien qu'il avoit: faifant confifter tout le mérite & tout l'honneur dans les richeffes. IMIT. Vers 90. A peine du limon &c.] Horace, Livre II. Satire VII. vers 27. Nequicquam cane cupiens evellere plantam. VERS 92. Que l'autre m'y reporte, & s'embourbe à l'instant.] L'Auteur avoit ainfi exprimé fa pensée: Ꮧ J'arrache un pié timide, & fors en m'agitant, Que l'autre m'y reporte, & s'embourbe à l'inftant. Car fi, comme aujourd'hui, quelque raïon de zèle Allume dans mon cœur une clarté nouvelle, 95 Soudain aux yeux d'autrui s'il faut la confirmer, D'un gefte, d'un regard je me fens alarmer; Et même fur ces Vers que je te viens d'écrire, Je tremble en ce moment de ce que l'on va dire. Que l'autre m'y reporte, & s'embourbe à l'inftant. La difficulté étoit d'achever le fecond vers. il confulta Mr. RACINE, qui trouva la chofe très-difficile. Cependant Mr. Despréaux lui dit le lendemain la fin du vers: fors en m'agitant. Cette fin eft d'autant plus belle, qu'elle fait une image qui n'eft pas dans le vers d'Horace: Nequicquam cano cupiens evellere plantamą . EPITRE IV. E AURO I N vain, pour Te louer, ma Mufe toujours prête, Ce païs, où cent murs n'ont pû Te résister, GRAND ROI, n'eft pas en Vers fi facile à dompter. REMARQUES. Des LEs marques de bonté & de diftinction que le Roi donna à Mr. Despréaux, la première fois qu'il eut l'hon neur de paroître devant Sa Majesté, * lui avoient inspiré une vive reconnoiffance. Les conquêtes de ce Grand Roi fournirent bien-tôt au Poëte une occafion de figualer fon zèle. En 1672. Sa Majefté fit en Perfonne la Campagne de Hollande, l'une des plus glorieufes de fon règne. Dans cette Campagne, qui ne dura qu'environ deux mois, le Roi conquit trois Provinces, & prit plus de quarante Villes: fon Armée paffa le Rhin à la vûë des Ennemis qui gardoient le rivage oppofé; Amfterdam, cette riche & fuperbe ville, fut fur le point de fe foumettre à la domination du Roi; & peu s'en fallut qu'il ne fe rendît le maître de tout le reste de la Hollande. Parmi de fi grans évenemens, notre Poëte choifit le paffage du Rhin, comme le fujet le plus brillant, & par conféquent le plus fusceptible des ornemens de la Poëfic. Cette action fe paffa le 12. de Juin 1672. L'Epître fut compofée au mois de Juillet fuivant, & imprimée au mois d'Août. Elle eft la feconde felon l'ordre du tems. CHANG. Vers 7. Et l'oreille effraïée, &c.] Dans les premières éditions il y avoit : Pour trouver un beau mot, des rives de l'Iffel, Il faut toujours bronchant, courir jusqu'an Tessel. Dans l'édition de 1683. * Voïez, la note fur le dernier vers de l'Epitre I. Pour |