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Croi-moi, pour la fléchir trouve enfin quelque voie: Ouje ne répons pas dans peu qu'on ne te voie 735 Sous le faix des procès abbatu, confterné,

Trifte, à pié, fans Laquais, maigre, fec, ruiné,
Vingt fois dans ton malheur réfolu de te pendre,
Et, pour comble de maux, réduit à la reprendre.

REMARQUES.

Chicaneufe que l'on vit jamais: on n'entendoit qu'elle dans tous les Tribunaux, & par fon impudence elle merita que toutes les Femmes plaideuses fuffent appellées de fon nom. Valer. Max. 1. 8. c. 3. n. 2.

VERS dernier. Et pour comble de maux, réduit à la repren dre.] L'Auteur s'applaudifsoit beaucoup d'avoir fü finir pær an trait de plaifterie, comme il avoit commencé.

Il y a une remarque importante à faire fur le total de l'Ouvrage : C'eft la varieté & la fineffe des tranfitions, qui font mènagées avec beaucoup d'art. C'eft ce que l'Auteur regardoit comme le Chef-d'œuvre de l'Art d'écrire, & qui lui a fait dire au fujet des Caractères de LA BRUYERE, Ouvrage qu'il eftimoit d'ailleurs infiniment; que cet Ecrivain s'étoit liberé des tranfitions, qui étoient ce qu'il y avoit de plus difficile dans les Ouvrages d'esprit. Au refte, on trouvera l'Apologie de cette Satire, & de fon Auteur, dans une Lettre ecrite par Mr. ARNAUD, Docteur de Sorbonne, imprimée dans le IV. Volume de cette Edition des Ouvra ges de notre Poëte.

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SATIRE XI

A M. DE VALINCOUR,

CONSEILLER DU ROI EN SES CONSEILS,

Secretaire Général de la Marine, & des Commandemens de Monfeigneur le Comte de Toulouze.

UI, l'Honneur, VALINCOUR, est chéri dans le Monde:

Chacun pour l'éxalter en paroles abonde ;

A s'en voir revétu chacun met fon bonheur;

REMARQUES:

Et

E fujet de cette Satire eft le vrai & le faux Honneur. Elle fut compofée à l'occafion d'un Procès que le Com mis à la recherche des Ufurpateurs du titre de Nobleffe, avoit intenté à Mt. GILLES BOILEAU, Païeur des rentes de l'Hôtel de Ville de Paris, en éxécution de la Décla-ration du Roi du 4. de Septembre 1696. Mr. l'Abbé BolLEAU Docteur de Sorbone, Chanoine de la Sainte Chapelle, & Mr. Boileau Despréaux fon Frere, intervinrent dans ce Procès, auquel ils avoient le même interêt que Mr. Gilles Boileau leur Coufin. Ils produifirent des titres inconteftables, par lesquels ils prouvèrent leur Nobleffe depuis JEAN BOILEAU Secretaire du Roi, anobli avec JEAN fon fils, en l'année 1371. & ils furent maintenus en la qualité de Nobles & d'Ecuïers par Arrêt du 10. d’Avril 1699.

Ce Procès excita la mauvaise humeur de Mr. Despréaux, qui ne pouvoit fouffrir l'injuftice ni les vexations des Par tifans. Il en vouloit fur-tout à B.. fameux Traitant, qui étoit un des principaux Intereffez à la recherche des faux-Nobles: & ce fut presque uniquement pour fe vanger de lui que Mr. Despréaux entreprit cette Satire. Il com

men

Et tout crie ici bas, l'Honneur! vive l'Honneur! Entendons discourir fur les bancs des Galères, Ce Forçat abhorré même de fes Confrères; Il plaint, par un Arrêt injuftement donné, L'Honneur en fa perfonne à ramer condamné. En un mot, parcourons & la Mer & la Terre: ro Interrogeons Marchands, Financiers, Gens de guerre, Courtifans, Magiftrats; chez Eux, fi je les croi, L'Interêt ne peut rien, l'Honneur feul fait la loi. . Cependant, lors qu'aux yeux leur portant la lanterne, J'examine au grand jour l'esprit qui les gouverne, Je n'apperçoi par tout que folle Ambition,

REMARQUES.

Foi

mença à la compofer au mois de Novembre 1698. dans la chaleur des pourfuites de ce Procès: & il avoit deffein de peindre l'Auteur de cette injufte recherche avec de terribles couleurs. Mais quand il eut obtenu un Arrêt favorable,» content de fa victoire, il oublia fa vengeance, & crût mê-me ne devoir pas relever la nobleffe de fon origine, après en avoir parlé fi modeftement en d'autres endroits de fes Ouvrages.

*

VERS S. Entendons discourir fur les bancs des Galèrės, &c.] Allufion à une action mémorable du Que D'OSSONE, Viceroi de Sicile & de Naples. Ce Seigneur étant un jour à Naples, & vifitant les Galères du Port, eut la curiofité d'interroger les Forçats; mais ils fe trouvèrent tous inno cens, à l'exception d'un feul, qui avoua de bonne foi que fi on lui avoit fait juftice, il auroit été pendu. Qu'on m3ôte ici ce coquin-là, dit le Duc, en lui donnant la liberté ; il gâteroit tous ces honnêtes-gens.

VERS 13.

Lors qu'aux yeux leur portant la lanter.] DIOGENE le Cynique portoit une lanterne en plein jour, & difoit qu'il cherchoit un Homme.

Dans l'Epitre V. v. 4126 & dans la X. v. 96,

CHANG

Foibleffe, Iniquité, Fourbe, Corruption;

Que ridicule Orgueil de foi-même idolâtre.

Le Monde, à mon avis, eft comme un grand Theâtre, Où chacun en public l'un par l'autre abusé, 20 Souvent à ce qu'il eft, joue un rôle oppofé, Tous les jours on y voit, orné d'un faux vifage, Impudemment le Fou représenter le Sage; L'Ignorant s'ériger en Savant fastueux,

Et le plus vil Faquin trancher du Vertueux. 25 Mais, quelque fol espoir dont leur orgueil les berce, Bien-tôt on les connoît, & la Verité perce.

On a beau fe farder aux yeux de l'Univers; A la fin fur quelcun de nos vices couverts Le Public malin jette un œil inévitable; 30 Et bien-tôt la Cenfure, au regard formidable, Sait, le craïon en main, marquer nos endroits faux, Et nous déveloper avec tous nos défauts.

Du Menfonge toûjours le Vrai demeure maître. Pour paroître honnête Homme, en un mot, il faut l'être:

35 Et jamais, quoi qu'il faffe, un Mortel ici-bas

REMARQUE 8.

CHANG. Vers 30.

Ne

La Cenfure, au regard formida le.] Première manière: La Cenfure, Epagneule admirable. Seconde manière: Au regard admirable.

VERS 37. En vain ce Misanthrope, &c.] L'Auteur, en ré

citant, difoit toûjours: En vain ce faux Caton.

IMIT. Vers 43. Le Naturel toûjours fort, &c.] Horace,
Ep. X, V. 24.

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Ne peut aux yeux du Monde être ce qu'il n'eft pas. En vain ce Mifanthrope, aux yeux triftes & fombres,

Veut par un air riant en éclaircir les ombres:

Le Ris fur fon visage est en mauvaise humeur; 40 L'agrément fuit fes traits, fes careffes font peur; Ses mots les plus flateurs paroiffent des rudeffes, Et la Vanité brille en toutes fes baffeffes.

Le Naturel toûjours fort, & fait fe montrer. Vainement on l'arrête, on le force à rentrer, 45 Il rompt tout, perce tout, & trouve enfin paffage. Mais loin de mon projet je fens que je m'engage. Revenons de ce pas à mon texte égaré.

L'Honneur par tout, difois-je, eft du Monde admiré. Mais l'Honneur en effet qu'il faut que l'on admire, 50 Quel eft-il, VALINCOUR? pourras-tu me le dire? L'Ambitieux le met fouvent à tout brûler; L'Avare à voir chez lui le Pactole rouler; Un faux Brave à vanter fa proüeffe frivole; Un vrai Fourbe à jamais ne garder la parole;

REMARQUES.

Naturam expellas furcâ; tamen usque recurret,

Et mala perrumpet furtim faftidia vidrix.

Ce

Le célèbre La Fontaine a paraphrafé ces vers dans la Fable

18. Liv. 2.

VERS 52. L'Avare à voir chez lui le Patole rouler.] Le Patole eft une Riviere fameufe qui roule de l'or parmi fon gravier. Elle eft dans l'Afic mineure.

K7

CHANG

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