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USE, changeons de ftile, & quittons la Satire. C'est un méchant métier que celui de médire. A l'Auteur qui l'embraffe il eft toûjours fatal.

Le mal, qu'on dit d'autrui, ne produit que du mal. 5 Maint Poëte, ayeuglé d'une telle manie,

En courant à l'honneur, trouve l'ignominie,
Et tel mot, pour avoir réjouï le Lecteur,
A coûté bien fouvent des larmes à l'Auteur.

Un Eloge ennuïeux, un froid Panégyrique,
10 Peut pourrir à fon aife au fond d'une boutique,
Ne craint point du Public les jugemens divers,
Et n'a pour ennemis que la poudre & les vers.
Mais un Auteur malin, qui rit, & qui fait rire,
Qu'on blâme en le lifant, & pourtant qu'on veut lire,
15 Dans fes plaifans accès qui fe croit tout permis,
De fes propres Rieurs fe fait des ennemis.

REMARQUES.

Un

Ette Satire a été faite immédiatement après la Satire première & la fixième, à la fin de l'année 1663. L'Auteur délibère avec fa Mufe, s'il doit continuer à composer des Satires. Il envisage d'abord tous les inconvéniens qu'il y a de s'appliquer à ce genre d'écrire; mais comme fon génie l'entraîne de ce côté-là, il fe détermine enfin à fuivre fon inclination. Horace lui a fourni cette idée, dans la Satire I. du Livre II.

IMIT. Vers 1. Muse, changeons de ftile, &c.] Martial, Livre H. Epigr. XXII.

Un discours trop fincère aifément nous outrage.
Chacun dans ce miroir penfe voir fon vifage;
Et tel, en vous lifant, admire chaque trait,

20 Qui dans le fond de l'ame & vous craint & vous hait.
Muse, c'est donc en vain que la main vous demange.
S'il faut rimer ici, rimons quelque louange,
Et cherchons un Heros, parmi cet Univers,
Digne de notre encens, & digne de nos vers.

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Mais à ce grand effort en vain je vous anime:
Je ne puis pour louer rencontrer une rime.

Dès que j'y veux réver, ma veine eft aux abois.
J'ai beau frotter mon front, j'ai beau mordre mes doigts,
Je ne puis arracher du creux de ma cervelle,

30 Que des vers plus forcez que ceux de la Pucelle.
Je penfe être à la gêne, & pour un tel deffein,
La plume & le papier réfiftent à ma main.
Mais quand il faut railler, j'ai ce que je fouhaite.
Alors, certes alors je me connois Poëte;

35 Phébus, dès que je parle, eft prêt à m'exaucer:

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REMARQUES.

Quid mihi vobifcum eft, ô Phœbe, novemque Sereres?

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Ecce nocet Vati Mufa jocofa fuo.

Mes

VERS 30. Que des vers plus foxcez que ceux de la Pucelle. I Poëme héroïque de Chapelain, dont tous les vers fem blent faits en dépit de Minerve. Voiez les Remarques fur le vers 1735. de la Satire II., & fur le verso, de la Sa

tire. LV

Mes mots viennent fans peine, & courent se placer,
Faut-il peindre un fripon, fameux dans cette Ville?
Ma main, fans que j'y rêve, écrira Raumaville.
Faut-il d'un Sot parfait montrer l'original?

40 Ma plume au bout du vers d'abord trouve Sofal.

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Je

VERS 40. D'abord trouve Sofal.] C'est SAU VALLE, Auteur d'une Hiftoire manuscrite des Antiquitez de Paris. Il avoit travaille fur d'affez bons mémoires, mais il gâta tout par fon ftile, chargé d'expreffions empoulées & de figures extravagantes. Il avoit mis dans cette Hiftoire, un Chapitre des lieux de débauche qui étoient autrefois dans Paris. Mr. Despréaux fe fouvenoit d'un paffage de ce Chapitre, qui peut fervir à juger du ftile de Sauvalle. Ces fales Impudiques, ces infames Débauchées, allerent chercher un azile dans la rue Brife-miche; & de là elles contemplèrent en fureté les tempêtes & les orages qui s'élevoient continuellement dans la rue Chapon. Tout le refte étoit à peu près du même ftile. Cependant l'Ouvrage, tel qu'il ,, étoit, auroit vû le jour, fi Mr. Colbert avoit voulu fai,, re donner à l'Auteur une penfion de mille écus, & je ne fai quelle charge honoraire feulement dans la Maifon de Ville. Comme il étoit d'un naturel chagrin, il ne put fupporter ce refus; & ce qui augmentoit fon », chagrin, c'eft qu'il prétendoit avoir rendu à Mr. Colbert un grand fervice, dont il croïoit n'avoir pas été bien recompenfé. Les Moines de Saint Germain des» Prez demandoient au Roi de groffes fommes d'argent » pour de certaines places qui étoient à eux. M. Colbert feur avoit fait offrir une fomme confiderable qu'ils refufèrent d'accepter. Sauvalle, qui avoit vû dans le Trefor des Chartres une Pièce en-très-bonne forme, qui contenoit le païement qu'on avoit fait pour cela aux Moi

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دو

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,, nes,

*Ce qui fuit eft tiré des Lettres choifies de M. RICHARD SIMON, imprimées à Rotterdam, chez Reinier Leers, Tome III. Lettre derniere de l'année 1698. [* Ces Lettres n'ont jamais été imprimées à Rotterdam quoi que le titre le porte. Elles ont été imprimées à Trevoux & à Rouen La derniere Edition eft de 1704. & 1705. ADD, de l'Ed, d'Amft.]

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Je fens que mon esprit travaille de génie.

Faut-il d'un froid Rimeur dépeindre la manie?

Mes vers, comme un torrent, coulent fur le papier;
Je rencontre à la fois Perrin, & Pelletier,

45 Bonnecorfe, Pradon, Colletet, Titreville,

REMARQUES.

Et

», nes; alla lui-même en donner avis à Mr. Colbert...
»ll fe plaignoit que Mr. Colbert ne lui avoit envoïe pour
», un avis de cette importance, que cent Louis, qu'il n'a-
», voit point voulu recevoir.
Vous voïez par tout

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» ce que je vous ai raporté, qu'un homme moins chagrin, & moins intereffé que Mr. Sauvalle, auroit donné au Public cet Ouvrage qui faifoit honneur à l'Auteur. Il en ,, auroit néanmoins fallu retrancher le Traité des Bordels, qui méritoit d'être enfouï fous le fable, afin qu'on n'en entendît jamais parler.

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VERS 44. Je rencontre à la fois Perrin & Pelletier.] L'Abbé PERRIN avoit été Introducteur des Ambaffadeurs de Gafton de France, Duc d'Orleans. Il a traduit en vers François l'Eneïde de Virgile, & il a fait plufieurs autres Poëfies qui furent imprimées en 1661. Ĉet Abbé fut le premier qui obtint en 1669. le privilège d'établir en Fran ce des Opera à l'imitation de Venife; mais en 1672. il fut obligé de le ceder au célèbre Lulli. Pierre Perrin étoit né à Lyon.

Pelletier: Voïez les Remarques fur le vers 54. du Discours au Roi.

VERS 45. Bonnecorfe, Pradon, Colletet, Titreville..] Au lieu des deux premiers noms, il y avoit ceux de Bardon, Mauroy, Bourfaut, dans les premieres éditions. Mais Mau roy & Bourfaut devinrent amis de notre Poëte, & en même tems Bonnecorfe & Pradon firent paroître contre lui des Ouvrages remplis d'injures. Cela fut caufe qu'il ôta les noms des premiers, pour faire place à ceux-ci; & c'est à propos de ce changement de noms qu'il fit l'Epigramme Tuivante:

Venez, Pradon & Bonnecorfe,

Grans Ecrivains de même force,

Et pour un que je veux, j'en trouve plus de mille.
Auffi-tôt je triomphe, & ma Mufe en fecret
S'eftime & s'applaudit du beau coup qu'elle a fait.
C'est en vain qu'au milieu de ma fureur extrême,
50 Je me fais quelquefois des leçons à moi-même.
En vain je veux au moins faire grace à quelcun,
Ma plume auroit regret d'en épargner aucun ;
Et fi-tôt qu'une fois la verve me domine,

REMARQUES.

De vos vers recevoir le prix;
Venez prendre dans mes écrits

La place que vos noms demandent :

Liniere, & Perrin vous attendent..

Tout

La caufe de ces démêlez avec Pradon, fera expliquée fur ́ le dernier vers de l'Epitre VII., & à l'égard de Bonnecorfe, fur le vers 64. de l'Epitre IX.

BARDOU: mauvais Poëte de ce tems-là, qui avoit fair inferer quelques petits Ouvrages dans les Recueils de Foëfies qu'on imprimoit alors.

Mauray: JEAN TESTU DE MAUROI, dont les Ou vrages paroiffoient auffi dans les Recueils de Poëfies. Il a été enfuite de l'Académie Françoife. Il étoit Abbé de Fontaine-Jean, & de S. Chéron de Chartres, Prieur de S. Jean de Dampmartin, & Aumonier de Madame la Ducheffe d'Orleans. Il mourut le ro. d'Avril, 1706. âgé de 8o. ans. Notre Auteur avoit auffi fait les deux vers fuivans qu'il n'a jamais fait imprimer:

Qui ne hait point tes vers, ridicule Mauroy,

Pourroit bien pour fa peine aimer ceux de Fourcroy.

C'eft une traduction du fameux vers de Virgile, Eglo gue III.

Qui Bavium non odit, amet tua carmina, Mavi. BOURS AUT: Dans le tems que notre Poëte composa

cetta

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