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lieu des 34 premiers de l'édition de 1755. Cette édition est donc la première où le chant de l'âne soit complet. Ce chant devait être désavoué par l'auteur; mais ce désaveu, commandé par les circonstances, ne fait pas autorité pour tout le monde, quand on se rappelle que Voltaire, dans une lettre à d'Argental1, parle du chant de l'âne, et craint qu'on ne l'imprime tel que vous l'avez vu d'abord, et non tel que je l'ai corrigé depuis. D'Argental était le seul qui eût eu copie de ce malheureux chant... Le roi de Prusse n'a jamais eu ce maudit chant de l'âne de la première fournée 2; mais Mlle du Thil, qui avait été femme de chambre de Mme du Châtelet, avait une copie de ce chant, que Voltaire lui-même appelle intolé– rable '.

Il est évident que, dès 1749, et conséquemment bien longtemps avant que l'on pût supposer à des éditeurs l'intention de dénaturer la Pucelle, il existait un chant que réprouvait l'auteur après l'avoir composé. Lorsqu'il fut publié, les altérations faites par les éditeurs durent consister tout au plus en quelques interpolations et quelques inexactitudes.

Outre le chant XIV (Corisandre) et le complément du dernier chant, cette édition de 1756 contient çà et là diverses augmentations. Elle est la première qui contienne les vers sur Mme de Pompadour, et le fameux hémistiche sur Louis XV.

Cette édition mérite d'être distinguée entre toutes celles qui ont précédé celle de 1762, la première qu'ait avouée l'auteur.

Voltaire accusait d'abord La Beaumelle de l'avoir donnée 4. Peu de temps après, c'était sur La Beaumelle et d'Arnaud que portaient ses soupçons 5. Mais il ne tarda pas à reconnaître qu'on l'avait trompé, du moins quant à d'Arnaud . D'Alembert disait qu'on attribuait l'édition à Maubert; et Voltaire, tout acharné qu'il était contre La Beaumelle, paraît s'être rendu à l'opinion de d'Alembert, si l'on en juge d'après ce qu'il écrivait dans les deux notes qu'il ajouta en 1773, et dont j'ai parlé à la page précédente.

La Pucelle d'Orléans, poëme héroï-comique, par M. de Voltaire, Genève, 1757, deux volumes très-petit in-8°, de 116 et 92 pages, avec titres gravés, et cette épigraphe :

Desinit in piscem mulier formosa superne. HORAT.

Cette édition est divisée en vingt-quatre chants, mais n'est pas plus ample que l'édition in-32 de 1756. Les chants IV, VI, VIII, IX, X de 1755 ont été, chacun, mis en deux; le chant XI en trois; le chant XIX de 1757

1. Du 7 novembre 1754.

2. Id.

3. Lettre à d'Argental, du 6 février 1755.

4. Lettre à d'Argental, du 1er novembre 1756.

5. Lettres à Thieriot, du 28 novembre; à d'Alembert, du 29 novembre 1756.

6. Lettre à Thieriot, du 19 décembre 1756.

7. Lettre de d'Alembert à Voltaire, du 13 décembre 1756.

est celui de Corisandre, qui était le XIV dans l'édition de 1756; enfin le chant XII de 1755 forme, en 1757, les chants XX et XXI.

La Pucelle d'Orléans, poëme héroï-comique en dix-huit chants, nouvelle édition sans faute et sans lacune, augmentée d'une épître du P. Grisbourdon à M. de Voltaire, et un jugement sur le poëme de la Pucelle à M***, avec une épigramme sur le même poëme. A Londres, chez les héritiers des Elzévirs, Blaew et Vascosan, 1764, petit in-12 de 180 pages.

Cette édition, qui a pour épigraphe : Non vultus, non color unus, est une réimpression de l'édition in-32 de 1756. Elle présente toutefois une variante remarquable; le vers 43 du chant VI y est ainsi imprimé :

Quel doux espoir, quelle flamme hardie.

Les autres éditions portent :

Quel trait de flamme et quelle idće hardie.

La Pucelle d'Orléans, poëme héroï-comique en vingt-quatre chants, nouvelle édition avec de belles figures. A Londres, aux dépens de la Compagnie, 1761, petit in-8° de 224 pages.

La division en vingt-quatre chants est comme dans l'édition de 1757.

La Pucelle d'Orléans, poëme divisé en vingt chants, avec des notes; nouvelle édition corrigée, augmentée, et collationnée sur le manuscript de l'auteur; Genève, 1762, in-8°o, avec vingt figures qui ne sont pas toutes obscènes.

C'est la première édition avouée par l'auteur. Le chant de Corisandre n'en fait point partie; mais elle est augmentée de cinq chants entiers, de lat Préface de dom Apuleius Risorius, de notes mises au bas des pages. Elle contient un grand nombre d'additions et corrections dans divers chants. Ceux qui ont été ajoutés sont les VIII, IX, XVI, XVII, XVIII 1 (aujour– d'hui les VIII, IX, XVI, XVII et XIX). Le chant XX est une version presque entièrement nouvelle du chant XV de 1755, ou XVIII de 1756.

La Pucelle d'Orléans, poëme divisé en vingt charts, nouvelle édition augmentée de cinq chants nouveaux et de notes, .collationnée sur le manuscript de l'auteur, enrichie de variantes, de belles figures, et de jolies vignelles. A Londres, aux dépens de la Compagnie, 1764, grand in-8", avec figures.

C'est une réimpression de l'édition de 1762; mais on a ajouté des variantes. Le chant de Corisandre est en forme de note au bas du chant XVII. C'est aussi au bas du chant XX qu'est le texte du chant XVIII de 1756. Les cing chants nouveaux promis sur le titre sont ceux qui avaient

1. Le dix-huitième chant de 1762 avait déjà été publié dans le Journal encyclopédique du 1er avril 1761, avec suppression de trois vers.

été ajoutés en 1762. Les notes sont aussi celles de 1762. En tête de la Préface de dom Apuleius Risorius est une tête de Voltaire couronnée.

La Pucelle d'Orléans, poëme divisé en vingt chants, avec des notes; nouvelle édition corrigée, augmentée, et collationnée sur le manuscript de l'auteur. A Conculix, in-24 de 264 pages, avec vingt figures et un titre gravé. Sur ce titre gravé, qui n'a point de date, est un portrait de Voltaire, réduit d'après celui qui est en tête d'une édition du poëme de la Loi naturelle. Entre les pages 138 et 139, avant le XI chant, sont un faux titre et un titre imprimés qui portent tome second. L'adresse et la date qu'on lit sur ce titre sont: Aux Délices, 1765.

Le texte est celui de 1762, avec la préface et les notes. Il n'y a point de variantes.

Voltaire avait, en 1764, publié dans le volume intitulé Contes de Guillaume Vadé un Chant détaché d'un poëme épique; c'était ce qu'il appelait la Capilotade, et ce qui forme aujourd'hui le XVIII chant. Il est assez singulier que ce chant n'ait pas été compris dans l'édition de 1765.

Il existe un si grand nombre d'éditions de la Pucelle, que je serais fort embarrassé de dire quelle est la première dans laquelle a été introduite la Capilotade; mais cela eut lieu du vivant de Voltaire. J'ai sous les yeux une édition de 1773, augmentée de quelques notes données sous le nom de M. de Morza, et qui la contient; et c'est ainsi que le poëme se trouve avoir vingt et un chants dans cette édition, et dans les éditions des Œuvres de l'auteur qui ont paru depuis. Dans l'édition in-4°, la Pucelle est au tome XX, daté de 1774; dans l'édition in-8°, encadrée, ou de 1775, elle est au tome XI.

Les éditions de Kehl, qui feront toujours époque dans l'histoire des éditions des Œuvres de Voltaire, furent augmentées d'un travail considérable des éditeurs, principalement sur les variantes. Ces éditions de Kehl sont, comme celle dont je viens de parler, en vingt et un chants. Voici la date de la publication de chacun d'eux. Les sept premiers ont vu le jour en 1755; les VIII et IX, en 1762; les X, XI, XII, XIII, XIV, et XV, en 1755; les XVI et XVII, en 1762; le XVIII, en 1764; le XIX, en 1762; le XX (sauf variantes), en 1755; le XXI, partie en 1755, partie en 1762.

Palissot ne pouvait que suivre cette division, consacrée par le temps et par l'auteur lui-même; mais il restait quelque chose à faire au chant XV, et il l'a fait. Ayant aperçu « une omission bien étrange, à laquelle Voltaire, dans les bouleversements qu'il fut obligé de faire à son poëme, n'avait pas pris garde », il l'a réparée. Dans les premières éditions, l'argument de ce chant (alors le treizième) avait trois phrases, dont voici la dernière : Ce qui arrive à la belle Agnès et à ses compagnons de voyage. Dans l'édition de 1762, Voltaire supprima les vers concernant Agnès et ses compagnons, mais ne supprima pas la phrase de l'argument. Cette lacune dans le texte coupe absolument, comme l'observe Palissot, le fil des événements; il était donc important de la rétablir. La restitution faite par Palissot date de 1792; mais Palissot ne s'en est pas tenu au texte des premières éditions.

En ne faisant pas les restitutions dans le texte, il faut du moins supprimer la phrase de l'argument. C'est ce que je fis en 1817, dans l'édition in-12 des Œuvres de Voltaire, dont j'ai publié les premiers volumes. Depuis lors on a cependant, en général, laissé subsister la phrase dans l'argument, et la lacune dans le texte.

M. L. du Bois, qui, dans l'édition de Voltaire entreprise par M. Delangle en 1825, s'était chargé de la Pucelle, qu'il a publiée en 1826, a profité de la découverte de Palissot, mais a disposé à sa guise quelques passages.

L'Épitre du P. Grisbourdon à M. de Voltaire, qui, comme on l'a vu, se trouve dans diverses éditions de la Pucelle, avait été imprimée séparément (1756), in-12 de 12 pages; l'auteur est J.-B. de Junquières.

Ce qui, dans l'édition de 1756 de la Pucelle, et dans quelques autres, est annoncé comme un Jugement sur le poëme, n'est autre chose que des Vers sur le poëme de la Pucelle, à M. M***, qui en avail envoyé une copie peu correcte, et déjà imprimés séparément en quatre pages in-8°. Ces vers sont au nombre de 69. Dans l'édition de 1756, ils sont donnés comme adressés à M***, qui en a fait (de la Pucelle) deux éditions peu exacles. Dans l'édition de 1761, ils sont adressés à M. D. L. B., qui en a fait deux éditions peu exacles. Par ces initiales on a voulu désigner M. de La Beaumelle. La lettre M, qu'on lit sur l'édition originale, désignait Maubert.

Il parut en 760 une Épître de Belzebuth à l'auteur de la Pucelle, in-8° de huit pages. Dans un Avertissement, l'auteur dit que son Epître était composée et circulait manuscrite avant que la Pucelle fût imprimée : il réclame, en termes exprès, l'antériorité sur l'Épître du P. Grisbourdon.

Les Mémoires secrets connus sous le nom de Bachaumont parlent, à la date du 15 février 1765, d'un « petit auteur nommé Nougaret, qui avait formé le projet de continuer la Pucelle », et qui avait été mis à la Bastille pour avoir composé un roman ordurier, intitulé la Capucinade. Ce Nougaret, mort en 1823, est autre que Félix Nogaret, mort en 1834.

:

Je ne sais si l'ouvrage dont il est question dans les Mémoires secrets est celui qui fut imprimé vingt-six ans après sous le titre de Suite de la Pucelle d'Orléans en sept chants, poëme héroï-comique par M. de Voltaire, trouvée à la Bastille le 14 juillet 1789; à Berlin, et se trouve à Paris chez Laurens junior, 1791, in-18 de 1v et 102 pages, plus le titre.

Il n'y a rien à dire de cet ouvrage; quelque peu d'étendue qu'il ait, je ne crois pas qu'il y ait dix personnes qui aient eu la patience de le lire en entier 1.

1. Il existe un fragment de trente-six vers que l'on peut aussi considérer comme une suite ou addition à la Pucelle. Ce fragment, imprimé à un seul exemplaire, est intitulé Chant XII: variante ou jouissance faite par Louis-François Prault, imprimeur-libraire. L'exemplaire appartient aujourd'hui à M. Eckard, qui a bien voulu me permettre d'en prendre copie. Ce fragment n'est pas tout ce que le titre semble indiquer; mais s'il n'est pas trop libre, il est trop plat pour être admis, même en note, dans une édition de la Pucelle.

La même année parurent les Pucelles d'Orléans, poëme en six chants, in-8o, de 119 pages. Il en existe des exemplaires intitulés les Victimes du despotisme épiscopal, ou les Pucelles d'Orléans, poëme en six chants; et d'autres ayant pour titre : Poëme sur les vexations exercées par trois évéques successifs d'Orléans, contre les religieuses de Saint-Charles. On voit qu'il ne s'agit aucunement de Jeanne d'Arc, mais seulement de querelles ecclésiastiques. Les victimes sont des religieuses qui refusaient de signer le formulaire, et à qui les évêques refusaient pour cela les sacrements et autres accessoires. Aussi ce n'est point à Voltaire, mais à Pascal, que Robbé adresse une invocation dans le début de son poëme, dont l'intitulé m'obligeait de parler.

Un des plus grands reproches faits à Voltaire, et constamment répété, est d'avoir empêché à jamais le succès de tout poëme sur la Pucelle. Laharpe, à une époque où il n'était plus le champion de Voltaire, ne pensait pas que le règne de Charles VII pût fournir à l'épopée un sujet intéressant 1. Le reproche dirigé contre Voltaire, et l'observation de Laharpe, n'ont point effrayé plusieurs auteurs de nos jours. Vienne le génie, et un grand changement dans le goût et le caractère français, l'on n'aurait plus rien à dire.

Laharpe, converti, se montre bien sévère envers le poëme sur Jeanne d'Arc. 'Il dit 2 « qu'il n'y a point d'homme véritablement honnête qui ne rougisse en prononçant le nom de cet ouvrage... Sous le rapport de l'art, la Pucelle (qu'il nomme cependant lui-même) est un monstre en épopée comme en morale ». Laharpe, en parlant ainsi, voulait effacer, et rappelait au contraire, ce qu'il avait écrit en 1780. « Oublions, disait-il alors 3, quelques traits que lui-même a effacés; effaçons-en même d'autres, échappés à l'intempérance excusable d'un génie ardent... Ne jugeons pas dans toute la sévérité de la raison ce qui a été composé dans des accès de verve et de gaieté. Peignons, s'il le faut, au-devant de ce poëme, où le talent a mérité tant d'éloges, peignons l'Imagination à genoux, présentant le livre aux Grâces, qui le recevront en baissant les yeux, et en marquant du doigt quelques pages à déchirer; et après avoir obtenu pardon (car les Grâces sont indulgentes), osons dire, en leur présence et de leur aveu, que nous n'avons point dans notre langue d'ouvrage semé de détails plus piquants et plus variés, où la plaisanterie satirique ait plus de sel, où les peintures de la volupté aient plus de séduction, où l'on ait mieux saisi cet esprit original qui a été celui de l'Arioste, cet esprit qui se joue si légèrement des objets qu'il trace, qui mêle un trait de plaisanterie à une image terrible, un trait de morale à une peinture grotesque, et confond ensemble le rire et les larmes, la folie et la raison. >>

Parmi tous les écrits dont la Pucelle a été le sujet, on doit encore distinguer l'Essai sur la PUCELLE de Voltaire, considérée comme poëme épique,

1. Lycée, ou Cours de littérature, deuxième partie, livre I, chapitre 1er. 2. Lycée, troisième partie, chapitre 1, section 1.

3. Eloge de Voltaire, première partie.

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