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notes sur la morale enseignée au Dauphin. Mais ces notes n'en méritent pas moins attention. Car elles prouvent d'abord que nous n'avons point à déplorer la perte d'un écrit aussi important que serait un Traité de morale rédigé par Bossuet. Elles montrent ensuite avec quelle droiture de sens et quel tact l'évêque de Meaux avait su démêler ce qu'il ya de plus excellent dans la Morale du philosophe de Stagire.

Sans doute cette Morale, comparée à la doctrine de l'Évangile, n'est qu'un bégaiement. Ainsi Bossuet dut enseigner à son élève que « les fondements inébranlables sur lesquels s'appuie la société humaine sont: un même Dieu, un même objet, une même fin, une origine commune, un même sang (1), » et non pas seulement un même intérêt, un besoin mutuel, tant pour les affaires que pour la douceur de la vie (2), ni surtout cette justice si imparfaite, dont la loi souveraine est la loi du talion (3). Il dut remarquer que les vertus véritables se fondent sur l'humilité et non pas sur l'orgueil (4), que l'amitié ne peut suppléer la charité (5), et que mieux vaut un cœur pur qu'une intelligence sublime (6). Il dut

(1) Bossuet, t. xxv, p. 172. Voyez le chapitre v.

(2) De moribus ad Nicomachum, liv. 1, chap. 6; Cf., ibid., -liv. vIII, chap. 14; De mor. ad Eudemum, liv. Iv, chap. 3.

(3) De mor. ad Nicom., liv. v, chap. 8, tại ảy troic gấp cho you συμμένει ἡ πόλις.

(4) Ibid., liv. Iv, chap. 5, 7, 8. (5) Ibid., liv. VIII, chap. 1.

(6) Ibid., liv. x, chap. 9.

observer enfin que la douleur conduit à Dieu par le sacrifice, plus sûrement que le plaisir par la jouissance (1). Mais Bossuet ne jugea pas que, pour être incomplète, la sagesse d'Aristote fût à mépriser: Il trouvait apparemment dans le génie tempé rant et vigoureux du philosophe grec une confor mité singulière avec son propre génie. N'était-ce rien d'ailleurs que d'avoir déterminé les principes constitutifs des sociétés de telle sorte que, deux mille ans plus tard, tous les publicistes rappelleraient ces principes, les uns pour les combattre, les autres pour s'en autoriser? N'était-ce rien que d'avoir tracé ce portrait du sage, qui prend plus souci de la vérité que de l'opinion (2), et, uniquement occupé à exercer son naturel bienfaisant, ne recherche ni les représailles, ni la vengeance, mais se montre miséricordieux, clément et prêt à pardonner (3)? N'était-ce rien encore qued'avoir proclamé, en plein paganisme, que le plaisir mène à Dieu (4), la pensée plus que le plaisir (5), et que la vie la plus simplifiée est la vie la meilleure (6)?

Au lieu donc de rabaisser ou de taire les vertus des païens, afin de porter plus haut la puissance

(1) De mor. ad Nicom., liv. 1, chap. 10, 12; liv. vII, chap. 14. (2) Ibid., liv. iv, chap. 8.

(3) Liber de virtutibus et vitiis, cap. ult. Est dè apetñs xai tò εὐεργετεῖν τοὺς ἀξίους, καὶ τὸ φιλεῖν τοὺς ἀγαθοὺς, καὶ τὸ μήτε κολαστικὸν εἶναι μήτε τιμωρητικόν, ἀλλὰ ἵλεων καὶ εὐμενικὸν καὶ συγγνωμονικόν.

(4) De mor. ad Nicom., liv. vII, chap. 12, 14.

(5) Ibid., v. x, chap. 7.

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de l'Évangile, ce qui est le procédé des petits esprits, Bossuet s'appliquait à mettre en lumière les plus beaux préceptes de l'antiquité, prouvant, il est vrai, combien les enseignements du christianisme leur sont supérieurs, mais combien aussi les chrétiens doivent rougir de la bassesse de leurs pensées et des faiblesses de leur conduite, quand ils viennent à considérer les maximes « de ceux qui n'avaient pas ouï les promesses de la vie future, et ne connaissaient les biens éternels que par des soupçons ou par des idées confuses (1). »

(1) Bossuet, t. XXII, p. 335.

MÉTAPHYSIQUE DE BOSSUET

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TRAITÉ DES CAUSES.

Manuscrit inédit.

Aristote, et, à son exemple, les scolastiques, distinguaient plusieurs genres de causes. De là toute une partie de la Métaphysique, qu'on appelait le Traité des causes, et où l'on étudiait la propriété que les êtres ont d'être causes, après avoir premièrement disserté sur l'être en général et sur la sub

stance.

Bossuet, en écrivant un Traité des causes, obéit donc aux habitudes de l'école, conciliant ainsi l'esprit moderne avec l'esprit de l'antiquité et les traditions du moyen âge.

Commençons par reproduire le texte; nous chercherons ensuite à montrer quelle en est l'impor

tance.

TRAITÉ DES CAUSES.

La cause est ce qu'on répond, quand on demande pourquoi une chose est. Par exemple, à la question: Pourquoi fait-il chaud? pourquoi fait-il froid en ce

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