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de bonne volonté sont courts et bientôt passés; l'instinct les pousse et l'instinct les arrête. Où sera le supplément de cet instinct négatif dans les femmes, quand vous leur aurez ôté la pudeur? Attendre qu'elles ne se soucient plus des hommes, c'est attendre qu'ils ne soient plus

bons à rien.

L'Être suprême a voulu faire en tout honneur à l'espèce humaine: en donnant à l'homme des penchants sans mesure, il lui donne en même temps la loi qui les règle, afin qu'il soit libre et se commande à lui-même: en le livrant à des passions immodérées, il joint à ces passions la raison pour les gouverner: en livrant la femme à des desirs illimités, il joint à ces desirs la pudeur pour les contenir. Pour surcroît, il ajoute encore une récompense actuelle au bon usage de ses facultés, savoir le goût qu'on prend aux choses honnêtes lorsqu'on en fait la règle de ses actions. Tout cela vaut bien, ce me semble, l'instinct des bêtes.

Soit donc que la femelle de l'homme partage ou non ses desirs et veuille ou non les,satisfaire, elle le repousse et se défend toujours, mais non pas toujours avec la même force, ni par conséquent avec le même succès. Pour que l'attaquant soit victorieux, il faut que l'attaqué le permette ou l'ordonne: car que de moyens adroits n'a-t-il pas pour forcer l'agresseur d'user de force! Le plus libre et le plus doux de tous les actes n'admet point de violence réelle, la nature et la

raison s'y opposent: la nature, en ce qu'elle a pourvu le plus foible d'autant de force qu'il en faut pour résister quand il lui plaît; la raison, en ce qu'une violence réelle est non seulement le plus brutal de tous les actes, mais le plus contraire à sa fin, soit parceque l'homme déclare ainsi la guerre à sa compagne, et l'autorise à défendre sa personne et sa liberté aux dépens même de la vie de l'agresseur, soit parceque la femme seule est juge de l'état où elle se trouve, et qu'un enfant n'auroit point de père si tout homme en pouvoit usurper les droits.

Voici donc une troisième conséquence de la constitution des sexes, c'est que le plus fort soit le maître en apparence et dépende en effet du plus foible; et cela, non par un frivole usage de galanterie, ni par une orgueilleuse générosité de protecteur, mais par une invariable loi de la nature, qui, donnant à la femme plus de facilité d'exciter les desirs qu'à l'homme de les satisfaire, fait dépendre celui-ci, malgré qu'il en ait, du bon plaisir de l'autre, et le contraint de chercher à son tour à lui plaire pour obtenir qu'elle consente à le laisser être le plus fort. Alors ce qu'il y a de plus doux pour l'homme dans sa victoire est de douter si c'est la foiblesse qui cède à la force, ou si c'est la volonté qui se rend; et la ruse ordinaire de la femme est de laisser toujours ce doute entre elle et lui. L'esprit des femmes répond en ceci parfaitement à leur constitution: loin de rougir de leur foiblesse elles

en font gloire; leurs tendres muscles sont sans résistance; elles affectent de ne pouvoir soulever les plus légers fardeaux; elles auroient honte d'être fortes. Pourquoi cela? Ce n'est pas seulement pour paroître délicates, c'est par une précaution plus adroite; elles se ménagent de loin des excuses et le droit d'être foibles au besoin.

Le progrès des lumières acquises par nos vices a beaucoup changé sur ce point les anciennes opinions parmi nous, et l'on ne parle plus guère de violences depuis qu'elles sont si peu nécessaires, et que les hommes n'y croient plus (1); au lieu qu'elles sont très communes dans les hautes antiquités grecques et juives, parceque ces mêmes opinions sont dans la simplicité de la nature, et que la seule expérience du libertinage a

pu les déraciner. Si l'on cite de nos jours moins d'actes de violence, ce n'est sûrement pas que les hommes soient plus tempérants, mais c'est qu'ils ont moins de crédulité, et que telle plainte qui jadis eût persuadé des peuples simples ne feroit de nos jours qu'attirer les ris des moqueurs; on gagne davantage à se taire. Il y a dans le Deuteronome une loi par laquelle une fille abusée étoit punie avec le séducteur, si le délit avoit été commis dans la ville; mais s'il

(1) Il peut y avoir une telle disproportion d'âge et de force qu'une violence réelle ait lieu; mais traitant ici de l'état relatif des sexes selon l'ordre de la nature, je les prends tous deux dans le rapport commun qui constitue cet état.

avoit été commis à la campagne ou dans des lieux écartés, l'homme seul étoit puni; Car, dit la loi, la fille a crié, et n'a point été entendue. Cette bénigne interprétation apprenoit aux filles à ne pas se laisser surprendre en des lieux fréquentés.

L'effet de ces diversités d'opinions sur les mœurs est sensible. La galanterie moderne en est l'ouvrage. Les hommes, trouvant que leurs plaisirs dépendoient plus de la volonté du beau sexe qu'ils n'avoient cru, ont captivé cette volonté par des complaisances dont il les a bien dédommagés.

Voyez comment le physique nous amène insensiblement au moral, et comment de la grossière union des sexes naissent peu-à-peu les plus douces lois de l'amour. L'empire des femmes n'est point à elles parceque les hommes l'ont voulu, mais parceque ainsi le veut la nature : il étoit à elles avant qu'elles parussent l'avoir. Ce même Hercule qui crut faire violence aux cinquante filles de Thespius fut pourtant contraint de filer près d'Omphale; et le fort Samson n'étoit pas si fort que Dalila. Cet empire est aux femmes, et ne peut leur être ôté, même quand elles en abusent: si jamais elles pouvoient le perdre, il y a long-temps qu'elles l'auroient perdu.

Il n'y a nulle parité entre les deux sexes quant à la conséquence du sexe. Le mâle n'est mâle qu'en certains instants, la femelle est femelle toute sa vie, ou du moins toute sa jeunesse ; tout la rappelle sans cesse à son sexe, et, pour

en bien remplir les fonctions, il lui faut unê constitution qui s'y rapporte. Il lui faut du ménagement durant sa grossesse, il lui faut du repos dans ses couches, il lui faut une vie molle et sédentaire pour allaiter ses enfants; il lui faut pour les élever de la patience et de la douceur, un zèle, une affection que rien ne rebute; elle sert de liaison entre eux et leur père, elle seule les lui fait aimer et lui donne la confiance de les appeler siens. Que de tendresse et de soins ne lui faut-il point pour maintenir dans l'union toute la famille! Et enfin tout cela ne doit pas être des vertus, mais des goûts, sans quoi l'espèce humaine seroit bientôt éteinte.

La rigidité des devoirs relatifs des deux sexes n'est ni ne peut être la même. Quand la femme se plaint là-dessus de l'injuste inégalité qu'y met l'homme, elle a tort; cette inégalité n'est point une institution humaine, ou du moins elle n'est point l'ouvrage du préjugé, mais de la raison: c'est à celui des deux que la nature a chargé du dépôt des enfants d'en répondre à l'autre. Sans doute il n'est permis à personne de violer sa foi, et tout mari infidèle qui prive så femme du seul prix des austères devoirs de son sexe est un homme injuste et barbare: mais la femmie infidéle fait plus, elle dissout la famille, et brise tous les liens de la nature; en donnant à l'homme des enfants qui ne sont pas à lui, elle trahit les uns et les autres, elle joint la perfidie à l'infidé

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