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avec tant de diligence, que le 11 le régiment de Guise fit le logement sur la contrescarpe de la demi-lune, et la nuit on commença la sape pour percer le fossé. Le 12, le duc de Mantoue envoya de Casal des canons dont on fit une batterie nouvelle entre les deux attaques, et une autre delà le Pô pour ruiner les moulins. Le 13, les Espagnols firent une sortie qui fut promptement repoussée. Le 14, Saint-André-Montbrun amena un renfort dans le camp; et le même jour l'armée espagnole passa le Tanaro, et s'approcha du quartier du marquis de Ville, faisant mine de l'attaquer, et se saisir des hauteurs voisines. Le 16 se passa à le canonner, et à escarmoucher de part et d'autre ; et sur la minuit deux mille Espagnols emportèrent un petit fort gardé par les Français sur une éminence proche des lignes. La nuit suivante, deux fourneaux jonèrent sous les demi-lunes des deux attaques, et elles furent toutes deux emportées. Le 18, les Espagnols prirent un fort sur une hauteur qui commandoit dans les lignes; mais le régiment de Son Altesse Royale d'Orléans le rattaqua tout à l'instant, et le reprit en plein midi. Le 19, on fit la descente dans le fossé, et on travailla depuis le 20 jusqu'au 27 à le percer par une sape, et durant ce temps-là ceux de dehors donnoient de continuelles alarmes; mais ne voyant point d'apparence de donner aux lignes, ils se retirérent sur le bord du Tanaro; et le 30 ils passèrent le Pô, pour voir s'ils pourroient tenter un secours de l'autre côté de la rivière. Cependant les Français trouvoient grande difficulté à passer le fossé, à cause des flancs bas qui rompoient leurs galeries et leurs travaux : les assiégés disputèrent ce passage si vertement, que, de

puis le premier d'août jusqu'au 15, tout ce qu'on pouvoit faire étoit d'avancer un pas en une nuit; et la cavalerie espagnole de dehors, par ses alarmes, retardoit le travail, à cause qu'il falloit que les assiégeans fussent toujours sous les armes: ce qui les fatiguoit au dernier point. Le 12, don Galeazzo Trotti, avec sa cavalerie, s'approcha des lignes, et poussa la garde; mais il fut chargé par deux escadrons français, qui l'obligèrent de se retirer. Le lendemain, il y en eut quatre qui parurent au quartier de Mercœur, qui furent repoussés par les régimens de cavalerie de l'Altesse, et d'infanterie d'Auvergne, de Folleville et de Montpezat. Le 16, la cavalerie espagnole voulut charger les fourrageurs des assiégeans, où il y eut une chaude escarmouche, et des gens tués de part et d'autre. La nuit du 18 au 19, les lignes furent attaquées par des troupes sorties d'Alexandrie au quartier de Mercœur; et quelque résistance que fissent les Français, ils ne purent empêcher que cinq cents hommes n'entrassent dans la ville. Ce secours donna grand courage aux assiégés, qui firent une sortie, le jour même, de cent vingt chevaux et quatre cents hommes de pied, qui rompirent la galerie qu'on faisoit dans le fossé, et brûlèrent une batterie; mais le régiment de Navarre fut à eux, piques basses, qui les força de rentrer. Le la galerie fut bien raccommodée; et le 21, le mineur fut attaché au bastion de l'attaque de Modène, et le 22, à celui de Mercœur. Le jour même, Saint-AndréMontbrun chassa les assiégés d'une traverse qui`incommodoit les travailleurs, et le 23 la mine joua à l'attaque de Modène; et les Espagnols se défendirent si bien sur la brèche, qu'on ne put se loger qu'au

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pied: si bien qu'il fallut faire une seconde mine, laquelle fit l'ouverture plus grande; et la résistance se trouva si forte, que tout ce que les Français purent faire fut de se loger à moitié de la brèche. Valavoir monta jusqu'au haut; mais ceux de la ville par leur grand feu, età coups de piques et de hallebardes, renversoient les assiégeans, et les empêchoient de passer le cordon. Le 25, la mine de Mercœur joua, qui fit grande brèche: mais le logement ne fut fait qu'au pied. Le 27, les Français donnèrent un assaut à la brèche de Modène, et emportèrent le bastion; mais ils trouvèrent un retranchement dans la gorge qui les arrêta tout court, et les obligea de l'attaquer par les formes: les deux partis étoient si proches les uns des autres, qu'ils ne se battoient qu'à coups de pierres et de grenades. Le duc de Modène voyant l'opiniâtreté des assiégés, fit monter par la brèche au haut du bastion deux pièces de canon de batterie, qui rompirent les défenses du retranchement: et comme ils étoient tout au haut, ils voyoient par dessus, et découvroient tout à clair les rues de la ville, dans lesquelles personne n'osoit paroître; et il n'y avoit plus de maisons à couvert du canon. Dans cette grande extrémité, les Espagnols sachant qu'il venoit un grand convoi que le duc de Mantoue envoyoit de Casal dans l'armée française, marchèrent pour le prendre; mais le duc de Modène, qui n'avoit plus que pour deux jours de vivres, sortit des lignes dans le dessein de donner bataille, et alla au devant du convoi sur quoi les Espagnols firent une contremarche, et tournèrent tête droit aux lignes pour les forcer, durant qu'il y restoit peu de gens. Le duc de Modène en étant averti, alla droit à eux, et les obli

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gea de se retirer à son approche après quelques escarmouches. Alors le duc rentra dans les lignes, et le 10 de septembre il attacha le mineur au retranchement de la gorge du bastion. Don Agostino Signado, gouverneur de Valence, voyant cela, ne voulant pas exposer la ville au pillage, ni courir la risque de se perdre lui et tous ses gens, demanda composition, qui lui fut accordée et signée le 13; ensuite de quoi il sortit le 16, et fut conduit dans Alexandrie, laissant Valence au pouvoir du duc de Modène, et remportant une grande gloire de la vigueur avec laquelle il avoit défendu cette place. Valavoir en eut le gouvernement; et cette prise donna autant de joie à la France que de tristesse à l'Espagne, principalement au comte de Fuensaldagne, lequel s'étant brouillé en Flandre avec le prince de Condé, en étoit sorti pour cette raison, et avoit eu le gouvernement de Milan en la place du marquis de Caracène, qui alla prendre sa place en Flandre. Dès qu'il fut arrivé en Italie, le cardinal Trivulce, qui commandoit en son absence, mourut ; et quand il eut pris possession de cet emploi, la première chose qui se présenta fut le siége de Valence, qu'il ne put secourir, et cela donna matière à ses ennemis de lui rendre de mauvais offices; mais il étoit si bien avec don Louis de Haro, favori et ministre principal du roi d'Espagne, qu'il se maintint malgré eux. La fin du siége de Valence fut celle de cette campagne en Italie.

En Catalogne il ne se passa rien de considérable cette année, à cause de la foiblesse des deux partis, qui avoient jeté toutes leurs forces en Italie. Le marquis de Mortare commandoit l'armée espagnole, et L'Estrade celle de France, jusqu'à l'arrivée du duc de

Candale. Toute la guerre se passa entre eux en prises de quelques châteaux et en légères escarmouches. Le marquis de Lusignan, qui s'étoit mêlé de négocier avec les Espagnols durant les troubles passés, fut arrêté prisonnier revenant de Madrid continuer ses pratiques, pour lesquelles il eut la tête tranchée à Bordeaux.

Le cardinal de Retz partit de Rome cet été; et n'osant revenir en France, il rôda par toute la chrétienté, travesti, sans être connu. On fit en France des défenses de le retirer sur peine de la vie; car le cardinal Mazarin le craignoit tellement, que lui seul lui donnoit plus d'affaires que toutes celles de l'Etat. Sur la fin de cette année mourut à Paris la dame Mancini, sa sœur. Le Roi alla au collége des Jésuites voir son second fils, qui y étoit en pension: dont tous les courtisans furent fort surpris, car les rois de France n'avoient pas accoutumé de faire de telles visites; et cela tourna fort au blâme du cardinal Mazarin de l'avoir désiré, et augmenta la haine qu'on avoit contre lui.

VINGT-TROISIÈME CAMPAGNE.

[1657] Au commencement de l'hiver, le duc de Modène vint à la cour pour concerter avec le cardinal Mazarin des moyens de pousser les conquêtes du Roi dans le duché de Milan; et comme la prise de Valence lui étoit attribuée, il en reçut des louanges de la bouche de Leurs Majestés, et de celle de tous

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