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rans est le principal but qu'il se propose; et quoiqu'il écrive purement en grec, quoiqu'on ne trouve pas chez lui la mollesse asiatique de Tarse sa patrie, on voit qu'il rejette loin de lui tous les ornemens; sa pensée grande et tonnante paraît toujours toute nue. Il prouve qu'il était un vrai citoyen romain; il prouve bien plus encore, qu'il était l'envoyé du Très

Haut.

Ah! qu'il y a loin du Portique, du Lycée, du jardin d'Académus à la science du Calvaire! Rendons cependant justice aux grands philo. sophes de l'antiquité: Socrate avait deviné une morale plus pure que celle de son siècle, et Platon, son premier disciple, développa ensuite ce premier aperçu avec un grand intérêt. Aristote sonmit aux règles du calcul les images frappantes que ces deux hommes célèbres avaient crayonnées, et Cicéron les surpassa tous dans le développement de la morale. Le Traité des Devoirs, de ce dernier, est l'ouvrage le plus parfait qui soit sorti du paganisme. Cet homme, plus étonnant encore par une philosophie si profonde que par une éloquence si victorieuse, fit tout ce qu'il était possible à l'humaine nature de faire sans l'assistance du Ciel : aussi quelle différence de sa morale avec celle de l'Evangile ! le doigt de l'homme est toujours marqué dans les onvrages du grand consul romain, et le sceau

de la Divinité est empreint dans l'éternel ouvrage qui contient le Christianisme. Plusieurs autres génies supérieurs, nés dans le paganisme, en ont éclairci les ténèbres par des traits lumineux. Quelque soit, par exemple, l'auteur des poësies qu'on attribue à Orphée, il s'y trouve des idées sublimes sur l'unité et la toute-puissance de Dieu. Les Livres des Sibyles fournissent encore quelques-uns de ces traits, ainsi que les beaux poemes d'Homère et d'Hésiode; mais ce ne sont que des traits brisés, que des dégradations de couleurs, qu'une ombre vaine, si on les rapproche de l'Evangile.

Comparez toutes les religions avec celle que nous enseigne ce livre divin. Les différentes sectes du paganisme, ouvrages passagers des hommes, disparaissent insensiblement de la terre sans exciter beaucoup de regrets. Et doit-on s'en étonner? toutes ces divinités d'Homère, si brillantes sous la plume enchanteresse de ce grand décorateur, n'étaient que les emblêmes des passions humaines. Virgile lui-même en convient, malgré sa dévotion pour ce troupeau de Dieux dont Jupiter était le père et le dominateur

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Sua cuique Deus, fit dira libido.

Or, les passions, pour un moment d'ivresse trompeuse, amènent bientôt à leur suite la

satiété et le dégoût. On finit par les prendre en aversion, parce qu'après avoir procuré aux sens une jouissance éphémère, elles n'ont rien fait pour l'ame, cette substance essentielle de l'homme, qui veut une nourriture bien plus durable et plus satisfaisante. Comment donc voudrait on que les Dieux qu'elles représentent satisfissent l'immensité de nos désirs ? On ne saurait pas aimer long-tems ce qui ne nous rend pas véritablement heureux. C'est ainsi que les prestiges du paganisme s'évanouissent, et qu'on laisse tomber en ruines. les temples de Jupiter et de Vénus.

Mais la religion chrétienne s'annonce d'une bien autre manière. L'élévation de sa morale, la divinité de sa doctrine, la simplicité majestueuse de son style, s'emparent d'abord de l'homme de bien. Il se détache avec elle de la terre, avec elle il plane déjà dans le ciel, il ne regarde plus sa vie que comme un point Zénonique dans l'éternité. Telle est l'idée salutaire et grande que l'Evangile répandit dans l'univers dès sa première manifestation. Mais toutes les passions humaines dont il allait renverser l'empire se déchaînent contre lui. Ce fut encore, s'il est permis d'employer le langage de la fable, la guerre des enfans de la terre contre le vrai dominateur du ciel : guerre épouvantable, où les Césars, les proconsuls, les préfets, faisaient massacrer, déchirer en

lambeaux, brûler des milliers de chrétiens qui n'étaient coupables que de vertu, qui donnaient constamment l'exemple de l'obéissance à la puissance civile, qui baisaient la main de leurs bourreaux. O chose inouie cependant! tandis que le paganisme, qui encourageait toutes les passions, s'écroulait sur la terre, le Christianisme, qui les proscrivait, se faisait un nombre infini d'adorateurs, non seulement parmi le peuple et dans les provinces, mais encore dans les écoles des philosophes et à la cour des empereurs. Les supplices ne faisaient qu'animer le zèle des nouveaux croyans, et l'on peut appliquer ces beaux vers d'Horace à la religion chrétienne, toujours persécutée et toujours triomphante,

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Merses profondo, pulchrior évenit,

Per damna, per cædes, ab ipso
Sumit opes animumque ferro,

Plongez - là dans les abymes, elle n'en sortira que plus belle; le glaive des bourreaux lui-même lui donnera encore des forces et de l'ame à travers les ruines et les assassinats. C'est qu'elle est l'ouvrage du Dieu vivant, et que cette puissante empreinte de sa main ne saurait être effacée par la main des hommes. C'est le Christianisme une fois entré dans un cœur pur n'en sort plus, et qu'il y reste comme dans un temple inexpugnable. Vainement, pour l'en tirer, on tue le

que

corps, ainsi que je l'ai dit, on ne saurait tuer l'ame; elle s'élance glorieuse de sa dépouille mortelle, et en retournant au séjour de l'immortalité, elle laisse échapper encore quelque émanation d'elle-même sur les fidelles qu'elle laisse sur la terre émanation féconde qui raffermit les faibles, donne une nouvelle activité à la vertu, et va remuer jusqu'aux ames indifférentes. Avec cette force surnaturelle qui nous anime et qui ne vient pas de nous, comment les portes de l'enfer pourraient-elles prévaloir contre l'assemblée des chrétiens?

Malgré tout le désir qu'on peut avoir de rendre justice aux sages de l'antiquité payenne, on conviendra que s'ils ont un peu soulevé le voile qui cache le vrai Dieu aux regards des faibles mortels, ils ont été loin d'en développer tout l'éclat comme le Christianisme. On conviendra qu'ils n'ont pu atteindre à cette morale sublime, qui enflamme l'homme parmi nous, et qui lui donne ce courage surnaturel. Il ne faut pas s'en étonner; car ces sages suivaient l'idolâtrie, ou la religion naturelle. Or, l'idolâtrie n'offrait à leurs yeux que les vices des hommes. On adorait dans Jupiter un fils dénaturé qui avait détrôné son père; dans Junon, une femme jalouse et vindicative; dans Vénus, une courtisane licentieuse; dans Mars, le destructeur sanguinaire des hommes ; dans Bacchus, l'apôtre de l'ivrognerie; dans Mer

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