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de plus un badinage ingénieux et qu'on lira avec plaisir. C'est une lettre de Monvel, en style paysan, et par laquelle il la félicite du succès qu'elle a obtenu dans le rôle d'Alix, des Trois Fermiers.

Nous pensons que c'en est assez pour recommander aux amis de l'art théâtral cette intéressante collection, la première qui paraisse être entreprise dans des vues vraiment utiles, et exécutée d'une manière digne de l'objet qu'elle se propose.

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L***

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CONTES DE WIELAND ET DU BARON DE RAMDOHR, traduits de l'allemand par M***; suivis de deux contes russes et d'une anecdote historique. - Deux vol. in-12. Prix, 4 fr. 50 c., et 5 fr. 40 c. franc de port. — A Paris, chez F. Schoell, libraire, rue des Fossés Montmartre, n° 14.

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Il en est des bons conteurs comme des bons plaisans, ils sont rares et même très-rares. Pour être un bon conteur, il faut avoir un caractère à soi et mettre dans ses récits tout le naturel, toute la franchise des sentimens que l'on veut faire éprouver. Un conte est un petit tableau dont toute affectation doit être bannie. Il ne faut pas y mettre l'esprit à la place de la gaîté, mais il faut qu'il y vienne tout seul, comme l'interprète d'un caractère aimable qui s'amuse lui-même de ce qu'il raconte, rit avec nous des leçons qu'il nous donne, nous amuse de ce qui l'amuse lui-même, et nous instruit.quelquefois sans avoir l'air de s'en doutér."':

... Ces réflexions m'ont été inspirées par le recueil que j'annonce au public. Trois contes de Wieland, quatre du baron de Ramdohr, une anecdote historique, deux contes russes et un petit poëme intitulé: le Premier Printems, par le comte de Stolberg, composent ces deux petits volumes. Sur les trois contes du célèbre Wieland, un seul est de son invention; les deux autres sont d'anciens fabliaux qu'il s'est appropriés pour en faire deux petits poëmes racontés avec autant de grâce que de facilité. Pervonte, un des plus jolis contes que je connaisse,

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est tiré d'un ancien recueil napolitain. Rien de plus co-
mique et de plus original que le caractère de ce person-
nage qui, du dernier degré de l'abjection, de la misère,
de la laideur et de la stupidité, arrive à être l'époux
d'une belle princesse, le possesseur d'un palais magni-
fique, à réunir la force d'Hercule à la beauté d'Antinoüs,
et ce qui n'est pas moins étrange, à être un homme de
beaucoup d'esprit. Ce conte, en passant par les mai
de Wieland, n'a rien perdu de son originalité prime
l'auteur allemand, sans en atténuer la couleur génere
a su en élaguer avec goût des plaisanteries plus bouffonne
que piquantes, et cet ouvrage, fait d'abord pour auser
le peuple et les petits enfans de Naples, est aujou hur
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raconté de manière à amuser les petits enfans et la bone
compagnie de toute l'Europe.

La Mule sans frein est un fabliau que Wieland a tiré du recueil publié par Legrand d'Aussy. Les détails en sont très-intéressans; le caractère du sénéchal est trèscomique. Les exploits du brave Gauvain qui part pour chercher la bride merveilleuse de la mule, le sang froid avec lequel il triomphe de toutes les séductions employées pour lui faire abandonner son entreprise, tout est peint dans ce petit conte avec une gaîté vive et piquante. Ce sont des extravagances, il est vrai, mais des extravagances dans le genre d'Hamilton.

Le seul de ces contes qui soit de l'invention de Wieland est une satyre un peu forte et sûrement fort injuste contre l'ambition des femmes.

«Il y avait à Samarcande un jeune tailleur nommé Hann, qui s'était approprié, pour son usage, une jeune, et belle personne nommé Gulpenhé; il en avait fait sa femme et l'aimait comme ses yeux. Ceux de Gulpenhé étaient noirs et bien fendus, sa taille svelte et légère; ses cheveux doux comme de la soie, ses bras et son sein' étaient sans défauts; elle avait à peine vingt ans, et l'honnête Hann concluait de là que sa femme était un ange. >>

La conclusion était fort naturelle. Un soir à souper, les deux époux se jurent un amour éternel et font serment de ne point se survivre l'un à l'autre. A peine ce serment

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est-il achevé que la belle Gulpenhé avale un petit os, elle suffoque, elle meurt et on l'enterre.

Un homme touché des larmes du pauvre tailleur, la rappelle à la vie. Ce n'était pas un médecin, mais un saint homme, le prophète Aïssa; car dans ce tems-là les médecins ne ressuscitaient personne.

Au moment où elle sortait de sa tombe, le jeune prince de Samarcande l'aperçoit, sans autre parure que celle de ses charmes; il en devient éperdûment amoureux et l'emmène dans son sérail, ne sachant pas qu'elle est la femme du pauvre Hann, secret qu'elle a grand soin de garder.

Cependant le pauvre Hann qui sait bien que sa femme est ressuscitée, et qui l'a quittée pour aller lui chercher des vêtemens, revient en grande hâte et ne la trouve plus.

Il apprend qu'elle est renfermée dans le sérail du prince, dont elle est l'esclave favorite ; il la revendique comme sa propriété, et le prince consent à la lui rendre si elle veut le reconnaître comme son époux; mais la belle Gulpenhé, bien loin d'avouer que Hann est son mari, le dénonce comme un brigand qui l'a volée, dépouillée de ses vêtemens et abandonnée à son malheureux sort.

Hann est consterné; il n'a pas la force de se défendre, et convaincu par son silence, il est sur le point d'être empalé, lorsque le prophète Aïssa, qui avait ressuscité la coupable, vient sauver l'innocent. L'ingrate Gulpenhé est punie comme elle le mérite, et meurt cette fois tout de bon.

Telle est l'analyse très-imparfaite de ce conte. On voit bien que la satire qu'il renferme est d'une injustice criante; est-ce qu'il y a des femmes ambitieuses? mais une gaîté aimable en émousse la pointe et la fait pardonner.

De tous les genres, le conte est celui qui varie le plus souvent ses couleurs et ses formes, suivant le caractère du conteur. Les poëtes épiques, les poëtes tragiques, les historiens, etc., semblent avoir tous le même caractère et sont obligés de se soumettre à l'influence du genre qu'ils ont adopté. Le conteur ne suit que l'impulsion

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des sentimens dont il est affecté ; il peut être tour-à-tour sérieux et plaisant, peindre des ridicules, jouer avec les grelots de la Folie et déployer avec éloquence de grandes vérités morales. Rien ne ressemble moins aux contes choisis par Wieland que ceux inventés par le baron de Ramdohr. Si ces derniers ne brillent pas par des évènemens romanesques et des aventures extraordinaires, ils offrent un esprit d'observation très-rare et une connaissance approfondie du cœur humain. On y trouve une. originalité piquante et une grâce toute française.

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La plus étendue de ces charmantes productions est intitulée L'Auteur à Pyrmont. C'est une excellente critique du genre de vie que les Allemands mènent aux eaux. La petite intrigue, autour de laquelle tournent tous les originaux qui entrent dans la composition de ce tableau, est simple, naturelle et très-comique. Ce conte. est une galerie de portraits d'après nature et de main de maître. On est transporté sur le lieu de la scène, on vit au milieu de toutes ces petites prétentions que le baron de Ramdohr peint quelquefois avec le pinceau de La Bruyère, et toujours avec autant de grâce que de gaîté.

Dans le Mari Sigisbé, l'auteur développe une rare connaissance du cœur humain. Un jeune homme doué d'une imagination vive, d'un cœur sensible et vertueux, épouse une jeune personne qu'il aime depuis son enfance, dont il est tendrement aimé, et qui réunit tous les agrémens et toutes les vertus de son sexe. Cependant ils ne peuvent vivre long-tems ensemble. Leur union, qui n'est troublée que par des nuages très-légers. en apparence, leur devient par degrés insupportable. Rour chercher le bonheur, ils sont obligés de se séparer, quoiqu'il leur soit impossible de vivre heureux l'un sans l'autre. Quelques années après cette séparation, le hasard les réunit; leur tendresse ne s'est point démentie; mais ils sentent que pour conserver leur bonheur, ils doivent conserver leur mutuelle indépendance. Le mari et la femme ont chacun leur maison, ne se voient que, dans des momens dérobés, et sont forcés d'avoir l'un pour l'autre les égards que se doivent deux êtres qui

ne sont enchaînés que par leur propre volonté, et qui conservent le pouvoir de se séparer encore quand ils cesseront d'être heureux ensemble.

Cette idée peut paraître bizarre; heureusement elle n'entre pas dans la tête de toutes les femmes et de tous les maris; mais il faut voir dans ce petit roman, par quels degrés les deux époux sont entraînés à cette résolution; il faut suivre avec le baron de Ramdohr tous les mouvemens de leurs cœurs, toutes les nuances délicates de leurs sentimens, toutes les inconséquences de leurs passions, pour regarder cette mesure, non-seulement comme vraisemblable, mais comme absolument nécessaire à leur repos. Le caractère du mari et celui de la femme sont peints avec une telle habileté que l'on a peine à se figurer que ce conte ne soit qu'un conte. On invente bien des événemens, des situations, mais on n'invente pas des sentimens, qui, pour n'être pas ceux de tout le monde, n'en sont pas moins dans la nature. En un mot, on croirait que l'auteur a vu quelque part ce qu'il nous met si bien sous les yeux.

La Signora Avveduta est un conte dont le fond est trop léger pour être susceptible d'analyse. L'idée en est ingénieuse et piquante, et le style réunit tous les agrémens du genre.

Usbek est une allégorie dont la morale est d'un ordre plus relevé. Le jeune Usbek était fort ignorant. Une fée bienfaisante prend pitié de lui, et le conduit dans un jardin où se trouvent rassemblées une multitude de fleurs qui représentent toutes les sciences. «Cueille ces fleurs, lui dit la fée, et lorsque tu voudras posséder une science, suce la fleur qui en porte le nom, et tu l'apprendras sans peine.» Usbek cueillit toutes ces fleurs, et n'oublia que l'humble violette qu'il n'avait point aperçue.

Bientôt il devient l'homme le plus instruit de l'Asie, mais il sait trop bien qu'il sait tant de choses. Son orgueil le rend insupportable à tout le monde; il se fait plus d'ennemis que d'admirateurs, et son savoir prodigieux le rend le plus malheureux de tous les hommes.

Enfin, après une suite d'aventures où son caractèr se développe avec beaucoup d'art et d'intérêt, il retrouve

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