Page images
PDF
EPUB

Ah monsieur le comte! vous avez des cheveux de génie! Ah d'Arnaud! lui répondit le comte, si je le croyais, je me les ferais couper tout-à-l'heure, pour vous en faire une perruque.

[ocr errors]

Lorsque Marmontel fut reçu à l'Académie française, il alla voir le directeur pour lui lire son discours, et pour avoir communication de sa réponse. Ce directeur était M. Bignon, le même qui fut aussi prévôt des marchands et bibliothécaire du roi. Il dit à Marmontel : Je sais bien que j'aurais dû parler de vous et de vos ouvrages avec éloge, mais je n'en ai rien fait de peur de me faire des ennemis.

Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on s'est plaint de la morgue et de la vanité de quelques-uns de nos héros de coulisse, mais aucun dans ce genre n'a égalé Vestris le père. Un jour son fils, pour une désobéissance envers ses supérieurs, reçut l'ordre de se rendre au Fort-l'Evêque. Rien de plus touchant et de plus pathétique que les adieux du père et du fils: Allez, lui dit le Diou de la danse, voilà le plus beau jour de votre vie; prenez mon carrosse, et demandez l'appartement de mon ami le roi de Pologne, je paierai tout.

Lorsque le jeune Vestris débuta, son père, le diou de la danse, se présenta avec lui sur le devant du théâtre, et après avoir harangué le parterre, il se tourna d'un air imposant vers le jeune candidat, et lui dit : Allons, mon fils, montrez votre talent au poublic; votre père vous regarde.

Les bornes de ce journal ne permettent pas de multiplier davantage les citations de ce genre; on transcrirait une grande partie du recueil, s'il fallait rapporter tout ce qui est digne de remarque. La correspondance littéraire de Grimm est entre les mains de tout ce qui porte quelque intérêt aux lettres, et cette grande publicité n'a pas encore ralenti l'avidité des lecteurs. Cette collection tiendra une place distinguée parmi les Mémoires littéraires, elle sera consultée dans la suite, et l'avis d'un étranger servira peut-être à débrouiller quelques points devenus douteux dans l'histoire de la littérature à la fin du dix huitième siècle. L'utilité d'un semblable recueil

sera mieux appréciée encore, et l'homme de lettres à qui nous en devons la connaissance, doit s'applaudir du service qu'il a rendu, en publiant un ouvrage dont le goût français lui garantissait d'avance la réussite; elle est assurée maintenant. Les suffrages du public lui donnent la récompense que son zèle lui a si bien méritée. G. M.

qu'on

BEAUX-ARTS.

DANS un moment où les ouvrages des artistes modernes vont être exposés aux regards du public, j'ai cru pouvoir lui offrir quelques réflexions sur les divers changemens que l'école française a éprouvés, avant d'arriver au point où elle est aujourd'hui. C'est la première fois peut-être qu'on a vu, dans l'espace de deux siècles, les arts s'élever d'abord à un très-haut degré de perfection, présenter ensuite tous les signes de la décadence la plus complète, et par une troisième révolution se relever tout-à-coup de leur chute, s'ouvrir une route nouvelle, et briller d'un éclat aussi vif qu'inattendu. Le simple récit des faits suffira pour nous révéler les causes de cette succession rapide de triomphes et de revers.

Le bon goût avait commencé à s'introduire en France sous le règne de François Ier; mais ce germe heureux ne put se développer qu'avec une lenteur extrême au milieu des dissentions qui agitèrent le royaume sous le règne de ses successeurs. La sculpture et l'architecture produisirent pourtant quelques ouvrages, dont les travaux de nos artistes modernes soutiendraient difficilement la comparaison aussi Philibert de Lorme et Jean Goujon ne sont-ils pas moins célèbres dans les annales des arts, que Malherbe dans les annales de la littérature francaise.

Il était réservé au siècle de Louis XIV de voir s'achever une révolution si heureusement commencée. Que de circonstances favorables semblaient se réunir pour en assurer le succès! La paix venait de se rétablir dans l'intérieur; la victoire fidèle à nos drapeaux reculait chaque jour nos limites, et répandait au loin la gloire du nom français ; un noble enthousiasme s'était emparé de tous les esprits, et cette impulsion générale recevait encore une nouvelle éner

gie des encouragemens prodigués aux sciences, aux let tres et aux arts, par un monarque jeune, ami du faste, et toujours prêt à accueillir ce qui pouvait répandre de l'éclat sur son règne. Depuis long-tems la France s'était montrée l'égale de toutes les autres nations, sous le rapport du courage et des vertus guerrières : elle fat enfin en état de ne craindre aucune espèce de rivalité. Les Italiens euxmêmes, si fiers de leur supériorité dans les arts, ne purent refuser leur estime aux productions des peintres français; et Le Poussin, Le Sueur, Mignard, Lebrun et Claude Le Lorrain jouirent parmi eux d'une réputation non moins brillante qu'au sein même de leur patrie. La sculpture ne pas cultivée avec le même succès que la peinture; mais si Le Pujet, Girardon, et quelques autres ne se distinguerent pas par un goût aussi pur que les sculpteurs du siècle précédent, néanmoins il serait injuste de méconnaître le talent réel dont ils ont fait preuve dans quelques-uns de leurs ouvrages. Quant à la gravure, elle acquit sous le burin de Nanteuil, d'Edelinck, de Masson, de Pesne et de Gérard Audran, un degré de perfection au-delà duquel il paraît impossible qu'elle puisse jamais s'élever. Une réunion si rare d'hommes extraordinaires dans tous les genres semblait promettre à l'école française une longue suite de succès. Pouvait-on se douter que sa gloire allait s'évanouir avec le siècle qui l'avait vu naître?

fut

Personne, je crois, n'a cherché jusqu'ici à rendre raison d'un changement aussi brusque; je vais l'essayer en peu de mots. La plupart de nos grands peintres avaient été en Italie terminer leurs études, et se perfectionner dans la pratique de leur art. Ils y avaient trouvé sans doute des leçons sublimes dans les monumens antiques dont elle était remplie, et dans les chefs-d'œuvre immortels du siècle de Léon X; mais ils y avaient trouvé aussi des exemples dangereux à suivre dans les ouvrages des artistes vivans, exemples d'autant plus faits pour séduire qu'ils étaient donnés par des hommes d'un vrai mérite, et qu'ils semblaient autorisés par l'admiration de toute l'Europe. Leur talent s'était donc formé de ce mélange de bons et de mauvais principes, et portait avec lui un germe vicieux qui ne pouvait pas tarder à se développer (1). La décadence s'an

(1) Notre littérature formée entièrement sur les ouvrages des anciens, où elle avait puisé cette pureté de goût qui la distingue de

nonça d'une manière sensible vers les dernières années du règne de Louis XIV. Le Poussin et Le Sueur n'existaient plus, et ceux qui leur avaient succédé n'avaient point hérité de leur génie; ils ne réussirent qu'à imiter, en les outrant, les défauts de leurs modèles, mais sans les faire excuser comme eux par de grandes beautés. La corruption qui s'introduisit dans les mœurs pendant la Régence, ne fit qu'aggraver encore le mal; il fut porté à son comble sous le règne de Louis XV. Une malheureuse routine avait remplacé l'étude profonde qu'exige la culture des arts; et le peintre abandonnant la route tracée par les grands maîtres, ne prenait plus pour guides que son caprice et les systèmes d'une imagination déréglée; une certaine affectation théâtrale dans la composition, un dessin vague et tourmenté, un coloris factice, qui ne paraissait harmo nieux que parce qu'il était terne et sans vigueur, les gri maces substituées à l'expression, et la minauderie à la grâce, en un mot, l'absence totale de goût, de noblesse et de vérité, voilà quels étaient les vices dominans de presque toutes les productions accueillies alors avec le plus d'enthousiasme L'état de dégradation était tel, qu'un des pein tres (2) les plus renommés de cette époque, ne pouvait s'empêcher de parler avec mépris du genre auquel il était redevable de ses succès, et se riait lui-même de l'admi ration qu'inspiraient ses ouvrages. Il se garda bien pour tant de lutter contre le goût de son siècle, et l'on ne doit pas s'en étonner la route qu'il avait choisie le conduisait sans peine à la fortune et même à la célébrité; celle qui mène à la gloire est étroite, escarpée, couverte d'épines, et presqu'inaccessible.

[ocr errors]

M. Vien fut le premier qui eut le courage d'opposer une digue au torrent doué d'un esprit juste, il sentit que le principal but de la peinture était l'imitation de la nature, et il en recommanda l'étude à ses nombreux élèves. Ce service rendu à l'école française lui procura une très-grande

celle des autres nations, devait nécessairement marcher avec moins de rapidité vers la décadence. Aussi vit-on, briller dans le dix-huitième siècle plusieurs écrivains dignes d'obtenir une place à côté des meilleurs auteurs du siècle de Louis XIV, tandis qu'on aurait beaucoup de peine à citer un seul artiste dont le nom méritât d'être conservé.

(2) Boucher.

réputation, dont il eut le bonheur de jouir jusqu'à la fin de

sa vie.

De tous les peintres qu'il a formés, M. David est sans contredit le plus célèbre, et les artistes le regardent apour A d'hui comme le véritable restaurateur de la peinture en France. Lorsqu'il entra dans la carrière, les tableaux de dévotion étaient peu recherchés par les amateursable pu blic, imbu des opinions nouvelles, accordait toute sa faveur aux sujets tirés de la mythologie ou de l'histoire grecque et romaine. La nécessité d'étudier le costume, de copier les portraits des héros qu'on avait à représenter, de connaître enfin le caractère et les attributs qui convenaient à chaque divinité, força les artistes à consulter plus souvent les monumens antiques, et contribua ainsi au triomphe du bon goût. M. David éprouva plus qu'aucun autre cette influence salutaire son maître lui avait appris à imiter faiblement une nature pauvre et commune; il reconnut bientôt que le sublime de l'art était l'imitation franche et vigoureuse d'une nature noble et cho sie. On aperçoit dans tous ses ouvrages les efforts continuels qu'il a faits pour arriver à ce but. Le succès le plus complet a couronné sa persévérance, et son tableau des Sabines est déjà regardé comme une œuvre classique sous le rapport de la pureté du dessin, du choix et de l'élégance des formes, et de ce goût vraiment antique, qui est le caractère distinctif de son talent.

Plusieurs artistes, dont il ne m'est pas possible de parler ici, ont concouru à la réforme par leurs leçons et par leurs exemples. Il est sorti de l'école de M. David, de celles de MM. Regnault et Vincent, et de quelques autres encore, un grand nombre de peintres distingués, qui ont déjà donné au public des preuves d'un mérite supérieur; l'impulsion est générale, et les arts, encouragés par le monarque puissant dont ils nous retracent chaque jour les merveilleux exploits, ne peuvent manquer de marcher à grands pas dans la route nouvelle qui leur est ouverte, si les élèves veulent se rappeler sans cesse que c'est par l'étude combinée de la nature et de l'antique que leurs maîtres se sont formés, et qu'ils pourront eux-mêmes obtenir des succès qui soient un jour confirmés par le suffrage de la postérité(3). S. DELPECH.

[graphic]

(3) Dans l'examen du Salon, je me propose d'ajouter quelques réflexions sur l'état actuel de la sculpture et de la gravure en France.

P

« PreviousContinue »