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son; car sans cela point de noblesse. Eux veulent avancer. Le marquis aura beau faire, c'est une fantaisie qu'il ne leur ôtera pas. Je ne vois guère moyen de vous accommoder. M. Quatremère de Quincy, bourgeois de Paris, vous accordera ce que vous voudrez priviléges, pensions, traitemens, et la restitution, et la substitution, et la grande propriété. Vous le gagnerez aisément en l'appelant mon cher ami, et lui serrant la main quelquefois. Mais les soldats ne se paient point de cette monnaie. Pour lui, l'ancien régime est une chose admirable, c'est le temps des belles manières; mais, pour les soldats, c'est le temps des coups de bâton. Vous ne les ferez pas aisément consentir à rétrograder jusque-là. Puis le public est pour eux. On sait qu'un bon soldat est un bon officier et un bon général, tant qu'il ne se fait point gentilhomme. On ne le savait pas autrefois. En un mot comme en cent, je vous le dis, M. le vicomte, vous n'aurez jamais en ce pays une armée à vous. Nous aurons les gendarmes et le procureur du Roi. >>

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COURIER.

P. S. M. le Tissier, le dernier de nos députés (j'entends dernier nommé), nous assure, par une circulaire, qu'il a de la vertu plus que nous ne croyons. Il n'acceptera, nous dit-il, ni places, ni titres, ni argent. Beau sacrifice! car sans doute on ne manquera pas de lui tout offrir. Ses talens oratoires, ses rares connaissances, sa grande réputation

vont lui donner une influence prodigieuse sur l'assemblée des députés de la nation. Les ministres tenteront tout pour s'acquérir un homme comme M. le Tissier; mais leurs avances seront perdues; il n'acceptera rien, dit-il, quand on voudrait le faire gentilhomme et le mettre à la garde-robe.

On va ici couper le cou à un pauvre diable pour tentative d'homicide. Il se plaint, et dit à ses juges: « Supposons qu'en effet j'aie voulu tuer un homme. Vous connaissez des gens qui ont tenté de faire tuer la moitié de la France par les puissances étrangères. Ils voulaient de l'argent, moi aussi. Le cas est tout pareil. Vous n'avez contre moi que des preuves douteuses; vous avez leurs notes secrètes signées d'eux; vous me coupez le cou, et vous leur faites la révérence. »

Je lis avec grand plaisir les Mémoires de Montluc. C'est un homme admirable, il raconte des choses! par exemple, ceci : Un jour, il avait pris quinze cents huguenots, et ne sachant qu'en faire, il écrit à la Cour. Le Roi lui mande de les bien traiter. La Reine lui fait dire de les tuer. Le Roi, qui alors négociait avec leur parti, se flattait d'un accommodement. Mais la Reine mère ne voulait point d'accommodement. Voilà le bon maréchal en peine entre deux ordres si contraires. Enfin il se décide. « Je crus, dit-il, ne pouvoir faillir en obéissant à la Reine. Je tuai mes huguenots, et fis bien; car le traité manqua, la guerre continua et la Reine me sut gré de tout. » Ce livre est plein de

traits pareils. Mais, pour en entendre le fin, il faut savoir l'histoire du temps. Il y avait en France alors deux gouvernemens.

Est-il donc vrai que les notes secrètes ne savent plus où s'adresser, et que tout se brouille là-bas ? Leurs Excellences européennes veulent, dit-on, se couper la gorge; l'Anglais défie l'Allemand. Celui-ci, plus rusé, lui joue d'un tour de diplomate, gagne le postillon de milord, qui verse Sa Grâce dans un trou, pensant bien lui rompre le cou. Mais l'Anglais foule jusqu'au fond sans s'éveiller, et cuve son vin; puis, sorti de là, demande raison. Voilà les contes qu'on nous fait, et nous écoutons tout cela. Que vous êtes heureux à Paris de savoir ce qui se passe, et de voir les choses de près, surtout la garde-robe et Rapp dans ses fonctions! C'est là ce que je vous envie

SIMPLE DISCOURS

DE

PAUL-LOUIS,

VIGNERON DE LA CHAVONNIÈRE,

AUX MEMBRES DU CONSEIL

DE LA COMMUNE DE VÉRETZ,

DÉPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE,

A l'occasion d'une souscription proposée par S. E. le Ministre de l'intérieur.

POUR L'ACQUISITION DE CHAMBORD.

[1821]

I nous avions de l'argent à n'en savoir que faire, toutes nos dettes payées, nos chemins réparés, nos pauvres soulagés, notre église d'abord (car Dieu

passe avant tout) pavée, recouverte et vitrée, s'il nous restait quelque somme à pouvoir dépenser hors de cette commune, je crois, mes

amis, qu'il faudrait contribuer, avec nos voisins, à refaire le pont de Saint-Avertin, qui, nous abrégeant d'une grande lieue le transport d'ici à Tours, par le prompt débit de nos denrées, augmenterait le prix et le produit des terres dans tous ces environs; c'est là, je crois, le meilleur emploi à faire de notre superflu, lorsque nous en aurons. Mais d'acheter Chambord pour le duc de Bordeaux, je n'en suis pas d'avis, et ne le voudrais pas quand nous aurions de quoi, l'affaire étant, selon moi, mauvaise pour lui, pour nous et pour Chambord. Vous l'allez comprendre, j'espère, si vous m'écoutez; il est fête, et nous avons le temps de causer.

Douze mille arpens de terre enclos que contient le parc de Chambord, c'est un joli cadeau à faire à qui les saurait labourer. Vous et moi connaissons des gens qui n'en seraient pas embarrassés, à qui cela viendrait fort bien; mais lui, que voulez-vous qu'il en fasse? Son métier, c'est de régner un jour, s'il plaît à Dieu, et un château de plus ne l'aidera de rien. Nous allons nous gêner et augmenter nos dettes, remettre à d'autres temps nos dépenses pressées, pour lui donner une chose dont il n'a pas besoin, qui ne lui peut servir, et servirait à d'autres. Ce qu'il lui faut pour régner, ce ne sont pas des châteaux, c'est notre affection; car il n'est sans cela couronne qui ne pèse. Voilà le bien dont il a besoin et qu'il ne peut avoir en même temps que notre argent. Assez de gens là-bas lui diront le contraire, nos députés tous les premiers, et sa

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