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de Bacchus, dit-il, le belier de Phryxus, le cheval d'Hercule, l'agneau de Bochoris, les boeufs de Sicile, les arbres mêmes de Dodone, & l'ormeau d'Apollonius de Tyane ont parlé diftin&tement. Voilà de grandes autorités qui fervent merveilleusement à justifier M. de Saint-Didier.

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Fit parler & pleurer les deux chevaux d'Achille.

La remarque de madame Dacier fur cet endroit d'Homère eft également importante & judicieufe. Elle appuie beaucoup fur la fage conduite d'Homère; elle fait voir que les chevaux d'Achille, Xanthe & Balie, fils de Podarge, font d'une race immortelle ; & qu'ayant déjà pleuré la mort de Patrocle, il n'eft point du tout étonnant qu'ils tiennent un long discours à Achille. Enfin, elle cite l'exemple de l'âneffe de Balaam, auquel il n'y a rien à répliquer.

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Defcartes n'en eut point quand il les crut machines.

Defcartes était certainement un grand géomètre & un homme de beaucoup d'efprit; mais toutes les nations favantes avouent qu'il abandonna la géométrie qui devait être son guide, & qu'il abusa de son esprit pour ne faire que des romans. L'idée que les animaux ont tous les organes du fentiment pour ne point fentir eft une contradiction ridicule. Ses tourbillons, fes trois élémens, fon fyftême fur la lumière, fon explication des refforts du corps humain, fes idées innées font regardées par tous les philofophes comme des chimères abfurdes. On convient que dans toute fa phyfique il n'y a pas une vérité phyfique. Ce grand exemple apprend aux hommes qu'on ne trouve ces vérités que dans les mathématiques & dans l'expérience.

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Il est rapporté dans l'hiftoire de l'académie que la Fontaine demanda à un docteur s'il croyait que faint Augustin eût autant d'esprit que Rabelais, & que le docteur répondit à la Fontaine : Prenez garde, Monfieur, vous avez mis un de vos bas à l'envers; ce qui était vrai.

Ce docteur était un fot. Il devait convenir que faint Auguftin & Rabelais, avaient tous deux beaucoup d'esprit, & que le curé de Meudon avait fait un mauvais ufage du fien. Rabelais était profondément savant, & tournait la science en ridicule : faint Auguftin n'était pas fi favant, il ne favait ni le grec ni l'hébreu ; mais il employa fes talens & fon éloquence à son refpectable miniftère. Rabelais prodigua indignement les ordures les plus baffes: faint Auguftin s'égara dans des explications mystérieufes que lui-même ne pouvait entendre. On eft étonné qu'un orateur tel que lui ait dit dans fon fermon fur le pfaume fix :

"Il eft clair & indubitable que le nombre de quatre a rapport au

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"corps humain, à caufe des quatre élémens & des quatre qualités dont "il eft compofe; favoir, le chaud & le froid, le fec & l'humide. C'est "pourquoi auffi DIEU a voulu qu'il fût foumis à quatre differentes "faifons; favoir, l'été, le printemps, l'automne, & l'hiver. . . Comme », le nombre de quatre a rapport au corps, le nombre de trois a rapport » à l'ame, parce que DIEU nous ordonne de l'aimer d'un triple amour; savoir, de tout notre cœur, de toute notre ame, & de tout notre esprit. » Lors donc que les deux nombres de quatre & de trois, dont le pre"mier a rapport au corps, c'eft-à-dire au vieil homme & au vieux Testa"ment, & le fecond a rapport à l'ame, c'eft-à-dire au nouvel homme » & au nouveau Teftament, feront écoulés & paffes, comme le nombre "de fept jours paffe & s'écoule, parce qu'il n'y a rien qui ne se faffe ,, dans le temps & par la diftribution du nombre quatre au corps, & du » nombre trois à l'ame; lors, dis-je, que ce nombre de sept sera palle, " on verra arriver le huitième qui sera celui du jugement. „.

Plusieurs favans ont trouvé mauvais qu'en voulant concilier les deux généalogies différentes données à faint Jofeph, l'une par faint Matthieu, & l'autre par faint Luc, il dife dans fon fermon 51 qu'un fils peut avoir deux peres, puifqu'un père peut avoir deux enfans.

On lui a encore reproché d'avoir dit, dans fon livre contre les manichéens, que les puiffances céleftes fe déguisaient ainfi que les puiffances infernales en beaux garçons & en belles filles pour s'accoupler ensemble, & d'avoir imputé aux manichéens cette theurgie impure, dont ils ne furent jamais coupables.

On a relevé plufieurs de fes contradictions. Ce grand faint était homme, il a fes faiblesses, ses erreurs, ses défauts comme les autres faints. Il n'en eft pas moins vénérable, & Rabelais n'eft pas moins un bouffon groffier, un impertinent dans les trois quarts de fon livre, quoiqu'il ait été l'homme le plus favant de fon temps, éloquent, plaifaat, & doué d'un vrai génie. Il n'y a pas fans doute de comparaison à faire entre un père de l'Eglife très-vénérable & Rabelais; mais on peut très-bien demander lequel avait plus d'esprit ; & un bas à l'envers n'eft pas une réponse.

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Dans le Spectacle de la nature, M. le prieur de Jonval, qui d'ailleurs eft un homme fort eftimable, prétend que toutes les bêtes ont un profond resped pour l'homme. Il eft pourtant fort vraisemblable que les premiers ours & les premiers tigres qui rencontrèrent les premiers hommes leur témoignèrent peu de vénération, furtout s'ils avaient faim.

Plufieurs peuples ont cru férieufement que les étoiles n'étaient faites que pour éclairer les hommes pendant la nuit. Il a fallu bien du temps pour détromper notre orgueil & notre ignorance; mais auffi plufieurs philofophes, & Platon entre autres, ont enfeigné que les aftres étaient des

Dieux. Saint Clément d'Alexandrie & Origène ne doutent pas qu'ils n'aient des ames capables de bien & de mal; ce font des choses très-curieufes & très-inftru&ives.

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Il faut pardonner au lion s'il ne connaiffait pas Noé. Les juifs font les feuls qui l'aient jamais connu. On ne trouve ce nom chez aucun autre peuple de la terre. Sanchoniathon n'en a point parlė; s'il en avait dit un mot, Eusèbe fon abréviateur en aurait pris un grand avantage. Ce nom ne fe trouve point dans le Zenda-Vesta de Zoroastre. Le Sadder, qui en eft l'abrégé, ne dit pas un feul mot de Noé. Si quelque auteur égyptien en avait parlé, Flavien Jofephe, qui rechercha fi exactement tous les paffages des livres égyptiens qui pouvaient déposer en faveur des antiquités de fa nation, fe ferait prévalu du témoignage de ces auteurs. Noe fut entièrement inconnu aux Grecs; il le fut également aux Indiens & aux Chinois. Il n'en eft parlé ni dans le Veidam, ni dans le Shasta, ni dans les cinq Kings; & il eft très-remarquable que lui & fes ancêtres aient été également ignorés du reste de la terre.

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De ne toucher jamais à l'homme fon image:

Au chap. IX de la Genèse, verfet 10 & fuivans, le Seigneur fait un pacte avec les animaux, tant domestiques que de la campagne. Il défend aux animaux de tuer les hommes ; il dit qu'il en tirera vengeance, parce que l'homme eft fon image. Il défend de même à la race de Noé de manger du fang des animaux mêlé avec de la chair. Les animaux font presque toujours traités dans la loi juive à peu-près comme les hommes; les uns & les autres doivent être également en repos le jour du fabbat (Exod. chap. XXIII). Un taureau qui a frappé un homme de fa corne eft puni de mort (Exod. chap. XXI). Une bête qui a fervi de fuccube ou d'incube à une perfonne eft auffi mife à mort (Levit. chap. XX). Il eft dit que l'homme n'a rien de plus que la bête (Eccléfiafte, chap. III & IX ). Dans les plaies d'Egypte les premiers nés des hommes & des animaux font également frappés (Exod. chap. XII & XIII). Quand Jonas prêche la penitence à Ninive, il fait jeûner les hommes & les animaux. Quand Jofué prend Jericho, il extermine également les bêtes & les hommes. Tout cela prouve évidemment que les hommes & les bêtes étaient regardés comme deux espèces du même genre. Les Arabes ont encore le même sentiment. Leur tendreffe exceffive pour leurs chevaux & pour leurs gazelles en eft un témoignage affez connu.

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Le grand Newton, Samuel Clarke prétendent que le Pentateuque fut écrit du temps de Saül. D'autres favans hommes pensent que ce fut fous

Ozias; mais il eft décidé que Moïse en eft l'auteur, malgré toutes les vaines objections fondées sur les vraisemblances & fur la raison qui trompe fi fouvent les hommes.

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Ceux qui ont écrit l'Histoire naturelle auraient bien dû compter les dents des lions; mais ils ont oublié cette particularité auffi-bien qu'Ariftote. Quand on parle d'un guerrier il ne faut pas omettre fes armes. M. de Saint-Didier, qui avait vu diffequer à Marseille un lion nouvellement venu d'Afrique, s'affura qu'il avait quarante dents.

(1)

Où tu fêtais en paix Magdelene & Lazare?

Ce lion paraît fort inftruit, & c'est encore une preuve de l'intelligence des bêtes. La Sainte-Baume où fe retira fainte Marie-Magdelene eft fort connue; mais peu de gens favent à fond cette hiftoire. La Fleur des faints peut en donner quelques notions; il faut lire fon article, tome II de la Fleur des faints, depuis la page 59. Ce fut Marie-Magdelène à qui deux anges parlèrent fur le Calvaire, & à qui notre Seigneur parut en jardinier. Ribadeneira, le favant auteur de la Fleur des faints, dit expreffément que fi cela n'est pas dans l'Evangile, la chofe n'en eft pas moins indubitable. Elle demeura, dit-il, dans Jérufalem auprès de la vierge Marie avec son frère Lazare, que Jéfus avait reffufcité, & Marthe sa fœur qui avait préparé le repas lorfque Jefus avait foupé dans leur maison.

L'aveugle-né nommé Celedone, à qui Jefus donna la vue en frottant fes yeux avec un peu de boue, & Jofeph d'Arimathie étaient de la fociété intime de Magdelene. Mais le plus confidérable de fes amis fut le docteur faint Maximin, l'un des foixante & dix difciples.

Dans la première perfécution qui fit lapider faint Etienne, les juifs fe faifirent de Marie-Magdelène, de Marthe, de leur fervante Marcelle, de Maximin leur dire&eur, de l'aveugle-né, & de Joseph d'Arimathie. On les embarqua dans un vaisseau fans voiles, fans rames & fans mariniers; le vaiffeau aborda à Marseille comme l'attefte Baronius. Dès que Magdelene fut à terre elle convertit toute la Provence. Le Lazare fut évêque de Marseille; Maximin eut l'évêché d'Aix; Jofeph d'Arimathie alla prêcher l'Evangile en Angleterre; Marthe fonda un grand couvent; Magdelene se retita dans la Sainte-Baume, où elle brouta l'herbe toute fa vie. Ce fut là que n'ayant plus d'habits, elle pria toujours toute nue; mais fes cheveux crûrent jusqu'à fes talons, & les anges venaient la peigner & l'enlever au ciel fept fois par jour, en lui donnant de la mufique. On a gardé long-temps une fiole remplie de fon fang & fes cheveux; & tous les ans, le jour du vendredi faint, cette fiole a bouilli à vue d'œil. La lifte de fes miracles avérés eft innombrable.

LES

TROIS EMPEREURS

EN SORBONNE.

Par M. l'abbé CAILLE.

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