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livre pour plaire à un évêque, pour attraper un petit bénéfice, une petite penfion du clergé, qu'on n'attrape point; & enfuite on écrirait pour les huguenots avec autant de zèle qu'on a écrit contre eux. Tout cela n'eft au bout du compte que du papier perdu, & de l'honneur perdu ; ce qui eft fort peu de chose pour ces gens-là.

Nonotte eft un ex-jefuite que notre auteur philofophe a fait connaître par les ignorances dont il l'a convaincu, & par les ridicules dont il l'a accablé avec très-jufte raison.

N. B. Il y avait Rabot dans les premières éditions. Nous n'avons rien pu découvrir fur ce Rabot. Il en ferait de même de la plupart des autres fefeurs de libelles immortalifés par M. de Voltaire, s'il ne s'était donné la peine d'ajouter à leur nom des notes inftructives.

(t)

De leur fiècle profane inftructeurs généreux,

Peu d'auteurs fe font fervis du mot inftructeur qui semble manquer à notre langue. On voit bien que c'eft un Ruffe qui parle. Ce terme répond à celui de coukaski, qui eft très-énergique en flavon.

(u)

Nous avons les remparts, nous avons Ramponeau;

Ramponeau était un cabaretier de la Courtille, dont la figure comique & le mauvais vin qu'il vendait bon marché, lui acquirent pendant quelque temps une réputation éclatante. Tout Paris courut à fon cabaret; des princes du fang même allèrent voir M. Ramponeau;

Une troupe de comédiens établis fur les remparts s'engagea à lui payer une fomme confiderable pour fe montrer feulement fur leur théâtre, & pour y jouer quelques rôles muets. Les janséniftes firent un scrupule à Ramponeau de se produire fur la scène ; ils lui dirent que Tertullien avait écrit contre la comédie, qu'il ne devait pas proflituer ainfi fa dignité de cabaretier, qu'il y allait de fon falut; la confcience de Ramponeau fut alarmée. Il avait reçu de l'argent d'avance, il ne voulut point le rendre de peur de se damner. Il y cut procès; M. Elie de Beaumont, célèbre avocat, daigna plaider contre foit par zèle pour Ramponeau; notre poëte philofophe plaida pour lui, religion, foit pour se réjouir. Ramponeau rendit l'argent, & fauva fon ame. On trouve ce plaidoyer dans le volume des Faceties.

(x)

Qui marchant fur fes mains, & mangeant fa laitue,

la

La même année 1760, on joua fur le théâtre de la comédie française la comédie des Philofophes, avec un concours de monde prodigieux. On voyait fur le théâtre Jean-Jacques Rousseau marchant à quatre pattes, & mangeant une laitue. Cette facétie n'était ni dans le goût du Misanthrope, ni dans celui du Tartufe, mais elle était bien auffi théâtrale que celle de Pourceaugnac qui eft poursuivi par des lavemens & des fils de p. . . . .

...

(و)

Les chiens de Saint-Médard, &c.

Saint-Médard eft une vilaine paroiffe d'un très-vilain faubourg de Paris, où les convulfions commencèrent. On appelle depuis ce temps-là les fanatiques, chiens de Saint-Médard.

Au lieu des deux vers fuivans, on lisait dans les premières éditions :

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De Marie Alacoque & de la Fleur des faints.

Fantin, curé de Versailles, fameux directeur qui féduisait fes dévotes, & qui fut faifi volant une bourse de cent louis à un mourant qu'il confeffait; il n'était pourtant pas philofophe.

(aa) Marie Alacoque, ouvrage impertinent de Languet, évêque de Soiffons, dans lequel l'absurdité & l'impiété furent pouffées jusqu'à mettre dans la bouche de JESUS-CHRIST quatre vers pour Marie Alacoque.

(bb) La Fleur des faints, compilation extravagante du jéfuite Ribadeneiras c'eft un extrait de la Légende dorée, traduit & augmenté par le frère Girard, jéfuite.

N. B. Que ce n'eft pas ce frère Girard condamné au feu, le 12 octobre 1731, par la moitié du parlement d'Aix, pour avoir abufé de fa pénitente en lui donnant le fouet affez doucement, & pour plusieurs profanations. 11 fut abfous par l'autre moitié du parlement d'Aix, parce qu'on avait ridiculement mêlé l'accusation de fortilège aux véritables charges du procès. C'eft bien dommage que ce frère Girard n'ait pas été philosophe.

O U

ETRENNES AUX SOTS.

Premier janvier 1761.

A ces beaux jeux inventés dans la Grèce,

Combats d'efprit, ou de force, ou d'adresse,
Jeux folennels, écoles des héros,

Un gros thébain, qui fe nommait Bathos,
Affez connu par fa craffe ignorance,
Par fa léfine & fon impertinence,
D'ambition tout comme un autre épris,
Voulut paraître, & prétendit aux prix.

C'était la course: un beau cheval de Thrace,
Aux crins flottans, à l'œil brillant d'audace,
Vif & docile, & léger à la main,

Vint présenter son dos à mon vilain.
Il demandait des houffes, des aigrettes,
Un beau harnois, de l'or fur fes boffettes.
Le bon Bathos quelque temps marchanda.
Un certain âne alors se présenta.

L'âne disait : Mieux que lui je fais braire,
Et vous verrez que je fais mieux courir ;
Pour des chardons je m'offre à vous fervir:
Préférez-moi. Mon Bathos le préfère.
Sâr du triomphe il fort de la maison.
Voilà Bathos monté fur fon grison.

Il veut courir. La Gréce était railleuse.
Plus l'affemblée était belle & nombreuse,

Plus on fifflait. Les Bathos en ce temps
N'impofaient pas filence aux bons plaifans.
Profitez bien de cette belle hiftoire,
Vous qui fuivez les fentiers de la gloire;
Vous qui briguez ou donnez des lauriers,
Diftinguez bien les ânes des courfiers.
En tout état & dans toute science,
Vous avez vu plus d'un Bathos en France;
Et plus d'un âne a mangé quelquefois
Au ratelier des courfiers de nos rois.

L'abbé du Bois, fameux par fa veffie,
Mit fur fon front, très-atteint de folie,
La même mitre, hélas ! qui décora
Ce Fénélon que l'Europe admira.

Au Cicéron des oraifons funèbres,
Sublime auteur de tant d'écrits célèbres,

Qui fuccéda dans l'emploi glorieux

De cultiver l'efprit des demi-dieux?

Un théatin, un Boyer (1). Mais qu'importe,
Quand l'arbre eft beau, quand fa féve eft bien forte,
Qu'il foit taillé par Benigne ou Boyer?
De très-bons fruits viennent fans jardinier.

C'eft dans Paris, dans notre immense ville,
En grands efprits, en fots toujours fertile,
Mes chers amis, qu'il faut bien nous garder
Des charlatans qui viennent l'inonder.
Les vrais talens fe taifent ou s'enfuient,
Découragés des dégoûts qu'ils effuient.
Les faux talens font hardis, effrontés,
Souples, adroits, & jamais rebutés.
Que de frelons vont pillant les abeilles !
Que de Pradons s'érigent en Corneilles !

Que de Gauchats (a) femblent des Maffillons!
Que de le Dains (2) fuccèdent aux Bignons!
Virgile meurt, Bavius le remplace.
Après Lulli nous avons vu Colasse.
Après le Brun Coypel obtint l'emploi
De premier peintre ou barbouilleur du roi.
Ah! mon ami, malgré ta suffisance,

Tu n'étais pas premier peintre de France.
Le lourd Crevier (b), pédant crasseux & vain,
Prend hardiment la place de Rollin,
Comme un valet prend l'habit de fon maître.
Que voulez-vous ! chacun cherche à paraître.
C'est un plaifir de voir ces poliffons

Qui du bon goût nous donnent des leçons,
Ces étourdis calculans en finance,

Et ces bourgeois qui gouvernent la France,
Et ces gredins qui d'un air magiftral,
Pour quinze fous griffonnant un journal,
Journal chrétien, connu par fa fottife,
Vont fe carrant en princes de l'Eglise,
Et ces faquins, qui d'un ton familier,
Parlent au roi du haut de leur grenier.

Nul à Paris ne se tient dans fa fphère,
Dans fon métier, ni dans fon caractère;
Et parmi ceux qui briguent quelque nom,
Ou quelque honneur, ou quelque pension,
Qui des dévots affectent la grimace,
L'abbé la Cofte (c) eft le feul à fa place.

Le roi, dit-on, bannira ces abus:
Il le voudrait; fes foins font fuperflus.
Il ne peut dire en un arrêt en forme :
Impertinens, je veux qu'on fe réforme,

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