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THE NEW YORK PUBLIC LIBRARY

ASTOR, LENOX AND TILDEN FOUNDATIONS

L

Enfin un jour qu'un furtout emprunté

Vêtit à crû ma trifte nudité, to Paure Diable››

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QUEL parti prendre? où fuis-je & qui dois-je être?

Né dépourvu, dans la foule jeté,

Germe naiffant par le vent emporté,
Sur quel terrain puis-je espérer de craître ?
Comment trouver un état, un emploi ?
Sur mon deftin, de grâce, inftruisez-moi.

- Il faut s'inftruire & fe fonder foi-même, S'interroger, ne rien croire que foi,

Que fon inftinct; bien savoir ce qu'on aime;
Et fans chercher des confeils fuperflus,
Prendre l'état qui vous plaira le plus.

J'aurais aimé le métier de la guerre.
-Qui vous retient? allez; déjà l'hiver
A difparu; déjà gronde dans l'air
L'airain bruyant, ce rival du tonnerre;
Du duc Broglie ofez fuivre les pas;
Sage en projets, & vif dans les combats,
Il a tranfmis fa valeur aux foldats;
Il va venger les malheurs de la France:

Sous fes drapeaux marchez dès aujourd'hui,

Et méritez d'être aperçu de lui.

-Il n'eft plus temps; j'ai d'une lieutenance Trop vainement demandé la faveur,

Mille rivaux briguaient la préférence;
C'est une presse! En vain Mars en fureur
De la patrie a moissonné la fleur,
Plus on en tue, & plus il s'en présente;
Ils vont trottant des bords de la Charente,
De ceux du Lot, des coteaux champenois,
Et de Provence & des monts francomtois,
Contes, Satires, &c.

I

En botte, en guêtre, & furtout en guenille,
Tous affiégeant la porte de Cremille, (b)
Pour obtenir des maîtres de leur fort
Un beau brevet qui les mène à la mort.
Parmi les flots de la foule empreffée,
J'allai montrer ma mine embarrassée ;
Mais un commis, me prenant pour un fot,
Me rit au nez, fans me répondre un mot,
Et je voulus, après cette aventure,
Me retourner vers la magiftrature.

- Eh bien, la robe eft un métier prudent; Et cet air gauche, & ce front de pédant Pourront encor paffer dans les enquêtes; Vous verrez là de merveilleufes têtes! Vîte achetez un emploi de Caton, Allez juger: êtes-vous riche? Non, Je n'ai plus rien, c'en eft fait. - Vil atome! Quoi! point d'argent, & de l'ambition! Pauvre impudent! apprends qu'en ce royaume Tous les honneurs font fondés fur le bien. L'antiquité tenait pour axiome,

Que rien n'eft rien, que de rien ne vient rien. Du genre-humain connais quelle eft la trempe; Avec de l'or je te fais préfident,

Fermier du roi, confeiller, intendant,

Tu n'as point d'aile, & tu veux voler! rampe.
-Hélas! Monfieur, déjà je rampe affez.
Ce fol espoir qu'un moment a fait naître,
Ces vains défirs pour jamais font paflés:
Avec mon bien j'ai vu périr mon être.
Né malheureux, de la crasse tiré;
Et dans la craffe en un moment rentré,

A tous emplois on me ferme la porte.
Rebut du monde, errant, privé d'espoir,

Je me fais moine, ou gris, ou blanc, ou noir,
Rafé, barbu, chauffé, déchaux, n'importe.
De mes erreurs déchirant le bandeau,
J'abjure tout; un cloître eft mon tombeau,
J'y vais defcendre; oui, j'y cours. - Imbécille,
Va donc pourrir au tombeau des vivans.
Tu crois trouver le repos, mais apprends
Que des foucis c'eft l'éternel afile,
Que les ennuis en font leur domicile,
Que la Difcorde y nourrit fes ferpens;
Que ce n'eft plus ce ridicule temps
Où le capuce & la toque à trois cornes,
Le fcapulaire & l'impudent cordon
Ont extorqué des hommages fans bornes.
Du vil berceau de fon illufion,
La France arrive à l'âge de raifon;
Et les enfans de François & d'Ignace,
Bien reconnus, font remis à leur place.

Nous fefons cas d'un cheval vigoureux

Qui, déployant quatre jarrets nerveux,
Frappe la terre, & bondit fous fon maître :
J'aime un gros bœuf, dont le pas lent & lourd,
En fillonnant un arpent dans un jour,

Forme un guéret où mes épis vont naître ;
L'âne me plaît, fon dos porte au marché

Les fruits du champ que le ruftre a béché:
Mais pour le finge, animal inutile,
Malin, gourmand, faltimbanque indocile,
Qui gâte tout & vit à nos dépens,

On l'abandonne aux laquais fainéans.

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