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dèles aux lois de la probité? Pourquoi donc nos philosophes, qui se piquent de tant de zèle pour l'intérêt de la société, pour le bonheur des hommes, veulent-ils, en enlevant la religion à l'homme, lui ôter ce qui peut seul faire sa sécurité et son bonheur? Cette religion ancienne qu'ils traitent de superstition, cette erreur prétendue dont ils veulent désabuser les esprits, n'est-elle pas plus utile au monde, que les vérités imaginaires qu'ils veulent lui apprendre?

Ils conviennent eux-mêmes, avec Bolingbroke, un des plus fameux impies qu'ait produits l'Angleterre, qu'en supposant que le christianisme ait été une invention des hommes, ç'a été l'invention la plus utile pour le genre humain, qui pût jamais être imaginée. Ils reconnoissent avec le célèbre auteur de l'Esprit des Lois, que la religion chrétienne, en paroissant n'avoir d'objet que la vie future, fait notre bonheur dans celle-ci, et qu'elle est le meilleur garant que l'on puisse avoir des mœurs et de la probité. Pourquoi donc s'efforcent ils de détruire le chef-d'œuvre, selon eux, de la sagesse humaine, et d'ébranler l'état en sapant les fondemens sur lesquels il repose?

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Eh quoi! disent-ils, les lumières de la raison, les reproches de la conscience ne suffisent-ils pas pour suppléer à la religion et la remplacer? Mais si la religion est une chimère uniquement propre à épouvanter les simples et les esprits foibles, comme nos philosophes matérialistes osent le dire, que devient le flambeau si vanté de la raison? A

quoi servent les cris de la conscience? Moquons nous, dira un impie conséquent, de cette loi intérieure, de cette raison tyrannique, de cette conscience importune, instinct trompeur, ouvrage des préjugés et de l'éducation; sacrifions tout à notre propre intérêt.

Aussi, comme l'observe Massillon, toute la vertu des impies se borne-t-elle à cacher la profonde corruption de leur cœur. Ils affectent quelquefois les dehors de la sagesse, de la régularité : ils affichent la modération et la philosophie; parce qu'ils sentent bien que leur vie les rendroit l'opprobre du public, si elle étoit connue. Ils se piquent des vertus extérieures qui honorent la société; ils veulent passer pour amis fidèles, pour rigides observateurs de leurs promesses; ils ont une vaine ostentation de droiture et de sincérité. Mais il n'en est pas un seul qui ne soit en secret dévoué à tous les vices, pas un qui ne soit parjure et trompeur, quand il peut l'être sûrement, et sans que sa gloire en souffre; pas un qui s'abstienne d'un crime utile ou agréable, lorsqu'il ne pourra jamais être connu que de lui seul.

Malheur, dit-il dans un autre endroit, aux maisons et aux familles qui donnent accès chez elles aux esprits forts! Elles deviennent des écoles, où les maximes du libertinage sont enseignées. L'épouse regarde bientôt la fidélité d'un lien sacré, comme un vain scrupule que la tyrannie des hommes sur son sexe a établi. L'époux se persuade que son goût doit décider de son devoir..

L'enfant se croit autorisé à secouer l'autorité paternelle. Le père croit que laisser agir les penchans de la nature, c'est toute l'éducation qu'il doit donner à ses enfans. Quelle paix et quelle union peut-il y avoir dans un lieu où le libertinage seul et le mépris de tout joug lient ceux qui l'habitent! Quel cahos, quel théâtre d'horreur et de confusion deviendroit la société générale des hommes, si les maximes de l'impiété prévaloient parmi eux !

En effet, l'homme n'étant plus retenu par la crainte d'un Dieu vengeur, et foulant aux pieds toutes les menaces de la religion, voilà les plus fortes barrières brisées, et la porte ouverte à tous les crimes. Se faire un devoir de vivre selon les règles de la justice, de la probité, c'est une foiblesse d'esprit dont on seroit la dupe. Tout ce qu'on peut faire de mieux, c'est de se procurer son avantage, au moindre détriment des autres qu'il est possible; mais si notre propre bien demande que nous violions toutes les lois, on le peut. Il n'est question que de se soustraire à la sévérité de la justice humaine et combien de crimes lui échappent!

Supposons, ce qui certainement peut-être, un disciple de la nouvelle philosophie, dans une situation malheureuse. Tenté de sortir de sa misère, par des moyens coupables, mais sûrs, dites-nous, sages instituteurs, comment le retiendrez-vous dans un pas aussi glissant? Par quels freins l'arrêterez-vous sur le bord du précipice, après lui avoir ôté ceux de la religion? Si quel

que désir injuste s'empare de son âme, quelle digue lui opposerez-vous, lorsqu'il s'imaginera pouvoir le satisfaire impunément et en secret? Ne croira-t-il pas, conformément à vos principes, devoir tout rapporter à son bonheur présent, s'abandonner à toutes les passions de son cœur, et ne penser qu'à se procurer ici-bas tous les avantages possibles? A parler conséquemment, de tels hommes ne peuvent donc être que des méchans, des gens sans mœurs, sans foi, sans honneur, sans probité.

S'il s'en trouve dont la religion soit fort suspecte, et qui cependant ne soient pas sans quelque probité, c'est que leur cœur, pour un temps, vaut mieux que leur esprit; c'est que les sentimens de droiture et de probité qu'ils ont encore, ils les doivent souvent à cette religion même, dont il reste au-dedans d'eux, et malgré eux, des traces qu'ils ne peuvent effacer; c'est que les principes naturels, plus puissans que leurs principes menteurs, les dominent à leurinsçu: la conscience, le sentiment les pressent, les font agir en dépit d'eux, et les empêchent d'aller jusqu'où les conduiroit leur ténébreux système. Mais la plupart des autres incrédules, plus conséquens et plus fidèles à leur doctrine, en font la règle de leur conduite. Les mauvais principes entraînent tôt ou tard au mal. Les fausses maximes sont même plus dangereuses que les mauvaises actions, parce qu'elles corrompent la raison elle-même, et ne laissent presque aucun espoir de retour.

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Détestez et l'impie, et ses dogmes trompeurs :
Ils séduisent l'esprit, ils corrompent les mœurs.

POUR juger sainement de la doctrine de nos philosophes incrédules, il ne faut pas se laisser éblouir par le vernis brillant d'un style séducteur, par quelques maximes imposantes, par une raillerie maligne, dont les plus habiles d'entre eux ont pris soin de la couvrir, pour mieux séduire et tromper les esprits légers, superficiels et ignorans. Il faut en pénétrer le fond, chercher les causes secrètes qui l'inspirent ou la font adopter à ses partisans, et examiner les effets qu'elle doit naturellement produire.

La religion chrétienne, dit l'auteur de l'Instruction pastorale que nous avons déjà citée, est également destinée à soumettre notre esprit et à réformer notre cœur. Elle ne nous propose pas seulement des mystères profonds à croire, elle nous prescrit encore des devoirs pénibles et des vertus sublimes à pratiquer. Si Jésus-Christ est Dieu, si sa doctrine est véritable, il faut nécessairement ou obéir à ses lois, ou s'attendre à subir les peines terribles dont il menace les transgresseurs et les rebelles. Et de quel œil une telle alternative peut-elle être envisagée par des hommes que l'orgueil domine, que la volupté enchante, qui ne connoissent point de plus grand bonheur

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