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L'incrédule, bravant les remords et la crainte,
Veut briser tes autels, anéantir ta loi:
Le Tout-Puissant qui te protége,
Les laisse s'épuiser en efforts superflus;
De son souffle il détruit leur troupe sacrilége:
Ils éclatent.... et ne sont plus.

A pleurer ici bas tu sembles destinée :
Toujours de nouveaux ennemis
Balancent à l'envi, d'une main forcenée,
Le triomphe éclatant que le ciel t'a promis :
Ils ont beau grossir le nuage,

Toujours quelques rayons viennent te consoler;
Du bras qui te soutient tu reconnois le gage:
Tes amis cessent de trembler.

Ainsi dans le fracas de ces noires tempêtes,
Où les élémens courroucés

Promènent en éclairs le trépas sur nos têtes,
Et couvrent l'Océan de débris dispersés,
Tandis la foudre étincelle,

D'un

que

nuage d'azur la riante beauté,

De l'orage expirant avant-coureur fidèle,
Calme l'univers agité.

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C'est un langage aujourd'hui assez commun, qu'on peut être honnête homme quoiqu'on n'ait point de religion. Mais la plupart de ceux qui parlent ainsi, ne le font que d'après les autres, et n'ont jamais approfondi les devoirs qu'impose la qualité d'honnête homme. Ils consistent sans doute, ces devoirs, à vivre selon les lois de la plus exacte probité; mais la première de ces lois n'estelle pas de s'acquitter fidèlement de tout ce qu'on

doit, et aux autres hommes et bien plus encore au souverain Maître de tous les hommes? L'Etre suprême n'a-t-il pas droit d'attendre de ses créatures les justes hommages qui lui appartiennent ? Et ne devons-nous pas, autant par reconnoissance que par justice, remercier, prier, honorer celui de qui nous tenons tout ce que nous possédons, tout ce que nous sommes ?

Que faut-il donc penser de ces discours si ordinaires : « A la religion près, c'est un fort honnête homme. » C'est-à-dire, que c'est un fort honnête homme, à cela près qu'il manque au devoir le plus essentiel de l'homme, qui est de reconnoître son Créateur, et de le servir. C'est un fort honnête homme, à cela près qu'il a des principes qui ne sont propres qu'à saper la probité par ses fondemens.

Car au fond et à parler exactement, qu'est-ce qu'un homme sans religion? C'est un homme qui n'a plus d'autre règle que ses passions, d'autre loi que ses penchans, d'autre frein que la crainte de l'autorité, d'autre Dieu que lui-même. Un tel homme peut bien avoir quelquefois le masque et les apparences de l'honnête homme; mais il n'aura jamais une probité solide et constante. Il ne sera jamais, long-temps du moins et toujours, ce que le monde appelle un parfait honnête homme. Car à qui doit-on donner ce nom? C'est sans doute à celui qui ne fait tort à personne, et qui est si inviolablement attaché à toutes les lois de l'honneur et de la probité, que rien ne sauroit

l'engager à y donner la moindre atteinte. On peut compter sur sa discrétion, sur sa droiture. On ne craindra de lui ni trahisons, ni fourberies, ni finesses captieuses, ni sourdes intrigues. Il servira sincèrement les autres, et ne fera point ses affaires à leurs dépens. Il ne connoît ni les voies détournées, ni les déguisemens perfides, ni les dehors imposteurs.

Tel est l'honnête homme, même selon le monde; mais c'est à la religion seule à le former. Sans elle, la probité tout humaine, n'ayant pas de solides fondemens, s'écroulera au premier choc un peu violent, et entraînera le prétendu honnête homme avec elle. Dans combien de circonstances critiques, de rencontres délicates, de positions embarrassantes, sa foible vertu ne sera-t-elle pas renversée, si elle n'est étayée de la religion! Comment pourra-t-elle résister seule à mille attaques qu'elle aura à soutenir dans le détail ordinaire de la vie, et encore plus dans certains états, dans certaines conditions! Un magistrat, partout ailleurs, ami tendre, fidèle, complaisant, doit, sur les tribunaux, oser prononcer même contre ce qu'il aime, et imposer silence à son cœur, pour n'entendre et ne faire parler que la justice. Un négociant, un homme de finances doivent résister à l'attrait que leur offre le moment décisif d'une fortune rapide, avec l'espérance encore plus séduisante de dérober aux regards publics le mystère de leur subite opulence. Dans ce combat des devoirs et des désirs, qui est-ce qui sou

tiendra l'homme fragile sur le bord du précipice ? Quels motifs assez puissans, pour accomplir avec fidélité tout ce qu'ordonne la probité la plus sévère, aura celui qui a secoué le joug de la religion ? Sera-ce l'intérêt personnel? car c'est là le mobile de la conduite des hommes. Mais n'est-ce pas cet intérêt même qui est le père des crimes. et qui fait les infracteurs et les coupables, lorsqu'il n'est pas soumis aux lois de la conscience et de la religion? Il est vrai que l'intérêt peut faire garder certains dehors qui en imposent, parce qu'en ne les gardant pas, on risqueroit sa fortune ou sa réputation mais il est facile de faire voir que cette espèce de probité, à laquelle la religion ne prête pas son appui, est une probité chancelante et incertaine, un probité presque tout,apparente et extérieure.

Car si c'est précisément l'intérêt qui me conduit, ne me sollicitera-t-il pas lui-même, en mille rencontres, à tromper l'un, à supplanter l'autre, à décrier celui-ci, à m'élever sur les ruines, ou à m'enrichir aux dépens de celui-là? Toutes les voies honorables, régulières, honnêtes, qui ne m'éloigneront point de mon but, seront de mon goût; je les respecterai : j'aurai soin de faire sonner bien haut ma probité, ma sincérité, mon désintéressement mais toutes les sourdes intrigues qui m'en abrégeront le chemin, qui m'en assureront le succès, seront mises en usage. L'honneur est à couvert, l'impunité est assurée, la fortune est brillante, la passion est vive, le plaisir

est piquant, le moyen est infaillible. Il ne m'en coûtera qu'un peu de mauvaise foi, pour surprendre la simplicité et séduire l'innocence; qu'un peu de médisance, pour écarter un rival redoutable, et me laisser libre le chemin de la faveur et des emplois; qu'une complaisance illicite, mais nécessaire, pour m'assurer un protecteur puissant, et me ménager un criminel appui; qu'un peu de détour et d'hypocrisie, pour parvenir au comble de mes vœux. Ferai-je ce pas ? ne le feraije point? Non, me dit la probité; non, me dit l'honneur. Ah! foibles voix! au milieu de tant d'attraits, de tant de fortes tentations, serez - vous écoutées, si la religion ne vous appuie pas?

Dans des conjonctures si critiques, dans des pas si glissans, qui est-ce qui se soutiendra, sinon l'homme nourri et pénétré de ces grandes maximes de la religion, que la lumière de Dieu perce tous les voiles de l'iniquité; qu'un jour viendra où le tissu de l'intrigue la plus heureusement conduite, développé aux yeux de l'univers, ne passera que pour le criminel ouvrage d'une noire hypocrisie, et que les fortunes du temps ne dédommagent point des pertes de l'éternité?

Saint Augustin nous en a conservé un bel exemple dans la personne d'Alipe, son ami. Alipe étoit magistrat : il se comportoit dans cette charge avec une probité et un désintéressement que ses collègues ne pouvoient se lasser d'admirer, et lui de son côté admiroit bien davantage qu'on pût être autrement, et qu'il se trouvât des gens qui

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