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soit qu'un plaisir médiocre, quand nous en jouissions sans obstacle et sans interruption, devient très piquant après la disgrâce qui nous en avoit privés, ou qui nous en avoit ôté le goût; et quand nous sommes toujours heureux, nous ne croyons plus l'être. Mais laissons aux personnes mondaines ces foibles motifs de consolation. Il en est de bien plus solides et de bien plus puissans; et c'est dans la religion qu'on doit les chercher.

C'est elle seule qui peut nous faire connoître tout le prix des adversités et des souffrances. En nous apprenant qu'elles sont pour nous entre les mains de Dieu une source de biens et d'avantages inestimables, elle nous apprend non seulement à les supporter avec patience, avec résignation, mais à les estimer, à les aimer: et, par un héroïsme chrétien, dont elle a dans ses saints plusieurs fois donné des exemples, à les désirer même, parce qu'elles sont de véritables présens du ciel. Les malheureux, les affligés ont de la peine à se le persuader; mais qu'ils méditent avec attention les grands et inestimables avantages que la foi leur découvre dans les souffrances, et ils en conviendront avec nous.

Le premier de ces avantages est de porter au bien. L'homme toujours heureux ne prend guère le goût de la vertu. Séduit par une abondance universelle, par une réputation florissante, par une santé parfaite, par une constante prospérité, il balance toujours à se tourner au bien, et souvent même il se porte au mal. Qui ne sait que

c'est dans la prospérité que les vices trouvent l'occasion qui les fait naître, les moyens qui les facilitent, et l'aliment qui les entretient? Ces hommes fortunés chez qui brillent la grandeur et l'opulence, à qui tout rit, tout prospère, ne sontils pas communément les plus pervertis, les plus déréglés dans leurs mœurs! Tant que Dieu ne fait que des heureux, il ne fait guère que des ingrats: et ceux à qui il donne le plus, sont pour l'ordinaire ceux qui pensent le moins à lui. Mais ménage-t-il quelque malheur, quelque disgrâce, on tourne ses regards et ses pensées vers le ciel, on revient à ses devoirs, et l'on rentre dans le sentier de la vertu qu'on avoit quitté.

L'adversité est un des plus sûrs moyens que Dieu ait pour nous rappeler de nos égaremens. Parlez à la plupart des hommes de renoncer à des passions qu'ils chérissent, ils vous regarderont comme un censeur importun. Les remontrances les plus touchantes, les menaces les plus terribles des jugemens de Dieu ne feront qu'une foible impression. Mais vient-on à être atteint des traits de l'adversité, le charme disparoît, et l'on voit les objets d'un tout autre œil. Consumé par une fièvre lente, déchu du rang où l'on étoit monté, trahi par d'infidèles amis, dépouillé de ses biens, on reconnoît que ce corps paré avec tant de luxe et nourri avec tant de délicatesse, ce teint si brillant dont on avoit été si idolâtre, n'étoient qu'une fleur passagère; que ces grandeurs humaines dont on avoit été si épris, n'é

toient que néant, et que tout ce qui avoit le plus flatté nos espérances n'étoit que mensonge et vanité. L'adversité nous détrompe et nous instruit. Eclairés du flambeau de la religion, nous découvrons dans les afflictions qui nous arrivent, la peine du péché, l'exécution des arrêts d'une justice infiniment sage, de salutaires amertumes répandues sur les objets de nos affections pour en détacher notre cœur, et l'attirer vers des biens plus solides.

Elles sont encore dans les principes de la foi, et c'est un second avantage infiniment précieux des souffrances; elles sont des épreuves passagères qui, après avoir épuré nos vertus, augmenté nos mérites, consommé notre sanctification, doivent être suivis d'une gloire et d'un bonheur éternel. Aussi l'Evangile, ce livre divin qui doit être la règle de nos sentimens ainsi que de notre conduite, appelle-t-il heureux ceux qui souffrent, ceux qui sont calomniés et persécutés pour la justice. Que n'a pas souffert Jésus-Christ luimême, notre législateur et notre maître! Dans le dessein qu'il a eu de nous servir de modèle et de guide pour nous rendre heureux, eût-il choisi les souffrances, et nous eût-il fait un précepte de porter la croix après lui, si les souffrances n'étoient la vraie route du bonheur ?

Cependant vous vous croyez le plus malheureux des hommes et le plus à plaindre; vous poussez de honteux soupirs, vous éclatez en plaintes, vous répandez des torrens de larmes sur votre

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Gravé sur Acier Par Laderer

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