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Jésus-Christ (1). Mais nous en avons dit assez pour convaincre tout esprit droit et raisonnable qu'elle est la vraie religion que Dieu a révélée aux hommes, la seule véritable église que Jésus-Christ a fondée sur la terre.

XVIII.

Aimez le doux plaisir de faire des heureux.

Le premier le plus naturel de nos sentimens, ce

lui qui naît et meurt avec nous, est le désir de notre bonheur. Mais l'auteur de la nature, qui nous destinoit à vivre en société, a sagement voulu que notre propre bonheur fût lié à celui des autres. La même main, qui a mis dans notre âme l'amour de nous-mêmes, y a imprimé un sentiment de bienveillance pour nos semblables. Aussi les cœurs bien faits et généreux éprouvent-ils la satisfaction la plus pure à faire du bien aux autres hommes.

Faites des heureux, vous le serez. Le plaisir le plus délicat est de faire celui d'autrui, de rendre un cœur content, de combler une âme de joie.

(1) On les trouvera surtout dans un petit ouvrage intitulé: Méthode courte et facile pour discerner la véritable religion d'avec les fausses. La lecture réfléchie de ce bon ouvrage, qui a ramené plusieurs protestans dans le sein de l'église, ne manquerait jamais de produire le même effet, si la conversion du cœur étoit toujours le fruit de la conviction de l'esprit. On peut lire aussi les Pensées théologiques, par dom Jamin, religieux bénédictin. La traduction allemande de ce livre ramena en 1769 le prince Palatin au sein de l'église catholique.

Je ne sais ici bas d'autre félicité,

Que dans une flatteuse et douce volupté;
Non dans la volupté dont le peuple s'entête,

Qu'on évite avec soin pour peu qu'on soit honnête;
Et qui, pour des plaisirs peu durables et faux,
Cause presque toujours de véritables maux.
J'appelle volupté proprement ce qu'on nomme
Ne se reprocher rien et vivre en honnête homme
Du mérite opprimé réparer l'injustice;

Ne souhaiter du bien que pour rendre service;
Etre accessible à tous par son humanité :
Non, rien n'est comparable à cette volupté.

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Quelplaisir en effet ne doit-on pas sentir à soulager ceux qui souffrent, à régner sur les cœurs, à mériter le tribut de leurs actions de grâces! Eh! qu'a de plus délicieux la majesté même du trône, que le pouvoir de faire des grâces! Quel usage plus doux et plus flatteur, disoit à la cour la plus brillante de l'Europe l'ingénieux et élégant Massillon, les grands peuvent-ils faire de leur élévation et de leur opulence, que de faire des heureux ! Qu'ils emploient tant qu'il leur plaira leurs biens et leur autorité à tous les usages que l'orgueil et les plaisirs peuvent inventer; ils seront rassasiés, mais ils ne seront pas satisfaits; la joie pourra se montrer à cux, mais elle ne pénétrera pas dans leur cœur. Qu'ils les emploient au contraire à faire des heureux, à rendre la vie plus douce et plus supportable à des infortunés que l'excès de la misère a peut-être réduits mille fois à souhaiter que le jour qui les vit naître eût été lui-même la nuit éternelle de leur tombeau : ils

sentiront alors le plaisir d'être nés grands; ilsgoûteront la véritable douceur de leur état : c'est le seul privilége qui le rend digne d'envie.

L'auguste impératrice Marie-Thérèse a su le connoître et en jouir. Parmi une infinité de beaux traits qui honorent sa vie, ou aime à se rappeler celui-ci. Elle étoit à Laxembourg, maison royale près de Vienne, Elle y reçut un message de la part d'une femme âgée de 108 ans, qui, pendant plusieurs années, n'avoit pas manqué de se présenter le jour du jeudi-saint, pour être au nombre des pauvres femmes auxquelles l'impératrice-reine lavoit les pieds. Ses infirmités l'avoient empêchée de se rendre au palais. Elle fit dire à l'impératrice qu'elle avoit le plus vif regret de n'avoir pu se rendre à la cérémonie, non à cause de l'honneur qu'elle auroit reçu, mais parce qu'elle avoit été privée du bonheur de voir une souveraine adorée. L'impératrice, touchée des sentimens de cette bonne femme, se rendit ellemême dans le village qu'elle habitoit. Elle ne dédaigna pas d'entrer dans une humble cabane. Elle trouva la personne infirme sur un misérable grabat. Vous regrettez de ne m'avoir point vue, lui dit avec bonté cette généreuse princesse; consolez-vous, ma bonne, je viens vous voir. » Qu'on se représente l'effet que produisit sur cette pauvre femme la présence de son impératrice, et les paroles touchantes qu'elle venoit de prononcer. Ses yeux étoient baignés de larmes, sa bouche entr'ouverte ne pouvoit proférer une parole;

elle tendoit ses mains jointes et tremblantes du côte de sa souveraine; elle la regardoit comme un ange du ciel, qui venoit pour la consoler dans ses peines. L'impératrice attendrie l'entretint long-temps, et lui laissa en se retirant une sommé considérable.

Ceux qui s'exercent à la bienfaisance, sentent la vérité de cette belle maxime de Jésus-Christ: « Qu'il est beaucoup plus heureux de donner que de recevoir. » Oui, quoi qu'en pensent les hommes durs ou intéressés, la joie de faire du bien est tout autrement douce que celle de le recevoir. Quel plaisir est comparable à celui de rencontrer les yeux de la personne qu'on vient de rendre heureuse! Quel son de voix plus touchant que celui du malheureux qu'on vient de combler de joie, et qui ne sait comment exprimer sa reconnoissance! Si l'on a dit de la louange qu'elle étoit la plus agréable de toutes les musiques, on peut dire aussi que de toutes les louanges la plus agréable est celle qu'on a méritée par sa bienfaisance. Les seuls éloges dont les riches et les grands soient en droit de ne pas se défier, ce sont les éloges qu'ils obtiennent de la reconnoissance : toute autre louange peut s'adresser à leur fortune, celle-là ne s'adresse qu'à leur personne.

Quel spectacle plus ravissant que celui de se voir aimé ! Tous les objets qui s'offrent sont agréables, tous les mouvemens qui s'élèvent dans le cœur sont des plaisirs. Voulez-vous les goû ter, ces plaisir si vrais, si touchans, si dignes

d'une belle âme ? vivez pour les autres; vivez surtout pour placer le mérite, pour protéger l'in- · nocence, pour secourir l'homme qui souffre. Faites couler la joie dans les cœurs flétris par l'adversité. Entrez chez les misérables, comme une divinité tutélaire qui préserve de la mort. Etudiez toutes les occasions d'épargner du mal aux autres, ou de leur procurer du bien. Répandez des grâces à propos, sans en être solicité; épargnez une pudeur timide, qui les achète toujours trop cher dès qu'on l'oblige à les demander. Vous goûterez une satisfaction plus flatteuse, plus douce, que celui-là même qui aura senti les effets de votre humanité. Si vous ne la trouvez pas telle, si vous éprouvez la moindre amertume dans le souvenir d'une bonne action, si vous vous la reprochez, j'y consens, n'y revenez jamais.

On s'acoutume à la prospérité, et on y devient insensible; mais on sent toujours la joie d'être l'auteur de la prospérité d'autrui. Chaque bienfait porte avec lui ce tribut doux et secret dans notre âme. Le long usage, qui endurcit le cœur à tous les plaisirs, le rend ici tous les jours plus sensible.

Ce plaisir si pur, si digne d'une âme noble, étoit celui du maréchal de Praslin, qui vivoit sous Henri IV. Tout occupé dans son gouvernement de Troyes en Champagne, dit l'auteur dest Hommes illustres de la France, du soin de faire des heureux, il trouva le rare secret de l'être.

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