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en abandonnant la religion, quittent le flambeau pur de la vérité, pour suivre les lueurs trompeuses d'une fausse philosophie? Où pourrontelles les conduire, qu'au plus grand et au dernier des précipices? Car il est rare que l'on sorte des routes égarées de l'impiété. L'âge affoiblit les autres passions, mais l'orgueil de l'incrédulité se fortifie avec les années; ce n'est guère qu'à la mort qu'on le voit se démentir. L'impie, dans la vigueur de la santé, se pique d'une bravoure à toute épreuve contre les frayeurs de l'avenir; mais elle l'abandonne souvent, à la vue du tombeau prêt à le recevoir. Alors ses doutes s'éclaircissent, sa fierté se dément ; il pâlit, il se trouble. Est-ce donc qu'un rayon sorti des profondeurs de l'éternité lui a découvert en un moment le secret de ces mystères qui révoltoient sa raison. Non, les dogmes inpénétrables de la foi restent encore, à ses yeux, enveloppés des mêmes ténèbres mais ses passions expirent; elles s'éteignent avec ses jours; leurs charmes disparoissent devant la nuit et les horreurs du tombeau ; la religion reprend son autorité, à mesure qu'elles perdent de leur empire; et les décisions de l'esprit ont changé, parce que celles du cœur ne sont plus les mêmes.

Nous en avons un grand exemple dans un fameux impie, Boulanger, qui a écrit avec tant de fureur contre la religion. La vue de la mort l'a frappé. Il a eu le bonheur de voir alors la lumière, dont les nuages des passions lui avoient

dérobé l'éclat. Il a fermé sa porte à ceux qui l'avoient séduit. Il a demandé et reçu les derniers sacremens. Pendant sa maladie, il a fait un aveu bien honorable pour la religion: il a protesté qu'il l'avoit toujours respectée dans son cœur ; qu'en écrivant contre elle, il avoit étouffé la voix de sa conscience; qu'il s'étoit laissé entraîner par la fougue de son imagination, par les éloges et les applaudissemens des philosophes.

Combien de héros de l'incrédulité ne sont de même rien moins que ce qu'ils paroissent! Ils ont encore de la religion dans le cœur. Ils croient l'avoir étouffée; ils se trompent, elle existe encore, et reparoît, dès que les passions lui font place. C'est un feu caché sous la cendre: ils en ressentent de temps en temps l'activité, et surtout à la vue de quelque péril. On les voit alors plus tremblans que les autres hommes. Le souvenir d'avoir témoigné plus de mépris qu'ils n'en sentoient pour la religion, et d'avoir tâché de se soustraire intérieurement à son joug, redouble leur inquiétude, comme le patriarche des incrédules modernes, Bayle lui-même, le déclare avec beaucoup de candeur; et peut-être ne parloit-il que d'après sa propre expérience.

S'il s'en trouve quelquefois d'une impiété assez déterminée, pour faire parade de leur irréligion au moment même que la mort va trancher leurs jours et décider de leur destinée éternelle, ils sont en bien petit nombre. Mais quand ce prétendu héroïsme seroit moins rare qu'il ne l'est, prouve

roit-il autre chose que la force d'une passion invétérée, de la prévention du respect humain, et du pouvoir qu'a sur nous la honte de se rétracter? Ne sait-on pas aussi que la grande colère de Dieu est souvent de ne la point faire éclater; et que, par un effet de ses redoutables jugemens sur les enfans des hommes, il laisse quelquefois alors dans un mortel assoupissement et dans une fausse paix ceux qui, pendant leur vie, l'ont oublié ou ont affecté de ne le pas connoître ?

On lit dans le Socrate chretien de Balzac, qu'un prince d'Allemagne, grand mathématicien, étant à l'article de la mort, le ministre de la religion l'exhorta à faire sa profession de foi. Le prince lui répondit en souriant: « Monsieur j'ai bien du plaisir de pouvoir vous donner la satisfaction que vous désirez de moi. Vous voyez que je ne suis pas en état de faire de longs discours. Je vous dirai seulement en peu de mots, que je crois que deux et deux font quatre, et que quatre et quatre font huit. Monsieur un tel, montrant un mathématicien qui étoit là présent, pourra vous éclaircir des autres points de notre croyance. » Quelle monstreuse insensibilité, ou quelle aveugle ostentation! Un homme mourir dans ces sentimens, faire gloire, en mourant, de croire les vérités mathématiques, et de n'avoir que cette croyance! Puisqu'il sait si parfaitemeut que deux et deux font quatre, et que quatre et quatre font huit, il aura tout le temps de calculer les années d'une éternité malheureuse.

Il faut convenir qu'une si déplorable indifférence sur son sort éternel est rare. On voit, comme nous l'avons dit, aux approches de la mort, la plupart des incrédules, mal affermis dans leurs principes, être saisis de frayeur, et tomber quelquefois dans le désespoir. Quel exemple plus frappant, que celui que notre siècle vient d'en avoir dans la personne du chef de nos philosophes (1) ! Il semble que le ciel, depuis si long-temps justement irrité de ses blasphèmes, eût attendu à faire éclater sa vengeance que, ramené dans sa patrie par les vœux ardens de ses sectateurs, ils l'eussent élevé au comble de la gloire, en lui rendant des honneurs presque divins dans l'ivresse de leur admiration. C'est dans ce moment-là même que devenu, pour ainsi dire, une victime plus digne de la justice divine, il est frappé. Quand il a vu arriver sa dernière heure, quels accès affreux de trouble et de désespoir n'a t-il pas eus ! « Je voudrois, écrivit le jour de sa mort un fameux médecin du roi, que ceux que ses ouvrages ont séduits eussent pu en être les témoins il n'en faudroit pas davantage pour les détromper. » On l'a entendu plus d'une fois, déjà moribond, s'écrier: << Dieu m'abandonne ainsi que les hommes. » Qu'il est malheureux de n'avouer son erreur que quand on sent le bras du Tout-Puissant qui s'appesantit sur soi! Qu'il est triste de ne reconnoître nn Dieu qu'à ses châtimens !

(1) Voltaire.

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XVII.

Ne rejetez pas moins tout principe hérétique;
C'est peu d'être chrétien, si l'on n'est catholique.

Si parmi tant de sectes qui partagent encore aujourd'hui les chrétiens, toutes pouvoient être la religion véritable fondée par Jésus-Christ et par les apôtres, il seroit sans doute assez indifférent d'embrasser et de suivre celle qu'il plairoit. Mais comme elles diffèrent toutes en des points essentiels et contradictoires que Dieu ne peut avoir également révélés, il manqueroit quelque chose à l'œuvre divine, et la sagesse éternelle se seroit manqué à elle-même, si elle n'eût imprimé à la religion vraiment émanée d'elle des caractères de vérité, si distinctifs et si lumineux, que les plus simples même ne pussent s'empêcher de les re

connoître.

Car puisque Dieu a révélé une religion aux hommes, et qu'il leur a imposé une obligation indispensable de la croire et de la pratiquer, il faut qu'il l'ait rendue si visible et si éclatante, qu'elle l'emporte sur toutes les autres, et qu'elle ait des marques plus certaines qu'elle est la religion véritable. Mais où les trouvera-t-on ailleurs, ces marques divines, que dans la religion catholique, apostolique et romaine.

Et en effet, elle est la seule qui subsiste invariablement depuis Jésus-Christ jusqu'à présent,

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