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Je rends au ciel, je rends grâce à genoux.
Je t'embrasse, ô terre chérie !
Dieu! qu'un exilé doit souffrir!
Moi, désormais je puis mourir.
Salut à ma patrie !!

LES SOUVENIRS DU PEUPLE.

On parlera de sa gloire

Sous le chaume bien long-temps.
L'humble toit, dans cinquante ans,
Ne connaîtra pas d'autre histoire.
Là, viendront les villageois
Dire alors à quelque vieille :
Par des récits d'autrefois,
Mère, abrégez notre veille.

Bien, dit-on, qu'il nous ait nui,
Le peuple encor le révère,
Oui, le révère.

Parlez-nous de lui, grand'mère ;
Parlez-nous de lui.

Mes enfants, dans ce village,
Suivi de rois il passa.

Voilà bien long-temps de ça :
Je venais d'entrer en ménage.
A pied, grimpant le côteau
Ой pour voir je m'étais mise,
Il avait petit chapeau
Avec redingote grise.

Près de lui, je me troublai,
Il me dit: Bonjour, ma chère,
Bonjour, ma chère.

Il vous a parlé, grand❜mère !
Il vous a parlé!

L'an d'après, moi pauvre femme,
A Paris étant un jour,

Je le vis avec sa cour:

Il se rendait à Notre-Dame.

Tous les cœurs étaient contents;
On admirait son cortége.
Chacun disait: quel beau temps !
Le ciel toujours le protège.

Son sourire était bien doux :
D'un fils Dieu le rendait père,
Le rendait père.

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- Quel beau jour pour vous, grand❜mère! Quel beau jour pour vous !

Mais quand la pauvre Champagne
Fut en proie aux étrangers,
Lui, bravant tous les dangers
Semblait seul tenir la campagne.
Un soir, tout comme aujourd'hui,
J'entends frapper à la porte;
J'ouvre, bon Dieu! c'était lui,
Suivi d'une faible escorte.
Il s'asseoit où me voilà,
S'écriant: oh! quelle guerre!
Oh! quelle guerre !

Il s'est assis là, grand'mère !
Il s'est assis là !

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MILLEVOYE (CHARLES-HUBERT) naquit à Abbeville, le 24 décembre 1782. Quoique la littérature eût un vif attrait pour lui, et que, dès le collége, il eût composé des vers qui lui avairent mérité de justes éloges, il tenta la carrière du barreau, puis celle du commerce, avant de se livrer à ses travaux favoris. Millevoye fut souvent couronné dans les concours académiques; il mérita par les poèmes d'Emma et

Eginard, de l'Amour maternel et des Plaisirs du poète, la réputation d'un écrivain pur et élégant. Mais ce qui a le plus contribué à sa renommée, et ce qui doit faire vivre son nom, ce sont les touchantes élégies dans lesquelles il a répandu le charme de la mélancolie la plus vraie et la plus douce, et qui toutes sont empreintes de la profonde tristesse à laquelle succombait le poète. Sa santé chancelante lui fit pressentir la courte durée de sa vie, et il prédit lui-même sa fin prochaine dans sa belle élégie du Poète mourant. Ses cruels pressentiments ne l'avaient pas trompé; à l'âge de trente-quatre ans, il s'éteignit doucement en lisant un volume de Fénelon. Millevoye mourut à Paris le 12 août 1816.

LA CHUTE DES FEUILLES.

De la dépouille de nos bois
L'automne avait jonché la terre.
Le bocage était sans mystère,
Le rossignol était sans voix.
Triste et mourant, à son aurore,
Un jeune malade, à pas lents,
Parcourait une fois encore

Le bois cher à ses jeunes ans :
"Bois que j'aime! adieu... je succombe;
"Votre deuil me prédit mon sort;

"Et dans chaque feuille qui tombe
"Je vois un présage de mort.
"Fatal oracle d'Épidaure,

"Tu m'as dit: Les feuilles des bois
"A tes yeux jauniront encore,
"Mais c'est pour la dernière fois.
"L'éternel cyprès t'environne:
"Plus pâle que la pâle automne,
"Tu t'inclines vers le tombeau.
"Ta jeunesse sera flétrie
"Avant l'herbe de la prairie,
"Avant les pampres du coteau.

"Et je meurs?... De leur froide haleine
"M'ont touché les sombres autans:

"Et j'ai vu comme une ombre vaine

“S'évanouir mon beau printemps.
"Tombe, tombe, feuille éphémère !
"Voile aux yeux ce triste chemin ;
"Cache au désespoir de ma mère
"La place où je serai demain.
“Mais, vers la solitaire allée,
"Si mon amante échevelée
"Venait pleurer quand le jour fuit,
Éveille par ton léger bruit

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"Mon ombre un instant consolée."
Il dit, s'éloigne... et sans retour!
La dernière feuille qui tombe

A signalé son dernier jour.

Sous le chêne on creusa sa tombe...

Mais son amante ne vint pas

Visiter la pierre isolée;

Et le pâtre de la vallée

Troubla seul du bruit de ses pas

Le silence du mausolée.

(Elégies.)

SOUMET.

SOUMET (ALEXANDRE) naquit à Castelnaudary, le 8 février 1788. Il remporta de nombreuses couronnes dans les concours des Jeux floraux avant d'entrer en lice à l'Académie française où deux fois le prix lui fut décerné. En 1820, il fit représenter le même soir deux tragédies, Clytemnestre au Théâtre-Français, et Saul à l'Odéon. Les tragédies de Cléopâtre et de Jeanne d'Arc, qui succédèrent à Clytemnestre et à Saül, furent aussi favorablement accueillies ; et Une fête de Néron, ouvrage fait en collaboration avec M. Bellemontet, obtint un long succès. Depuis cette époque, M. Soumet occupé d'un poème épique, la Divine Epopée, qu'il a publié en 1841, semblait avoir renoncé au théâtre, lorsqu'en 1842 il reparut au Théâtre français avec une tragédie intitulée le Gladiateur et la comédie du Chêne du Roi. Ces deux ouvrages n'ont obtenu qu'un succès d'estime.

M. Soumet a été nommé membre de l'Académie française en 1823.

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