SONGE D'ATHALIE. Un songe (me devrais-je inquiéter d'un songe?) Et moi je lui tendais les mains pour l'embrasser; Deux fois mes tristes yeux se sont vu retracer Et chercher du repos au pied de ses autels; J'entre le peuple fuit; le sacrifice cesse Le grand-prêtre vers moi s'élance avec fureur; (Athalie, act. 11, sc. 5.) REGNARD. REGNARD (JEAN-FRANÇOIS) naquit à Paris le 8 février 1655. Il est regardé comme le premier de nos poètes comiques après Molière ; mais la distance qui les sépare est telle qu'il n'est pas impossible qu'il soit dépossédé un jour du rang qu'il occupe. La jeunesse de Regnard fut très aventureuse; ce n'est qu'à vingt-sept ans que, dégoûté des voyages, il se fixa à Paris. Il travailla d'abord pour le théâtre Italien, puis pour la scène française, où il fit représenter le Joueur, le Distrait, les Folies amoureuses, les Ménechmes, qu'il dédia à Boileau, le Légataire universel et quelques autres ouvrages, qui tous furent applaudis et seront vus en tous les temps avec plaisir. Regnard brille plus par la gaîté que par le véritable comique. Presque toutes ses pièces manquent d'une moralité profonde, à l'exception du Joueur, son chef-d'œuvre ; mais son dialogue, toujours naturel, animé et piquant, est semé de tant de saillies heureuses, d'un si grand nombre de traits enjoués et plaisants, que subjugué par son esprit, on ne s'aperçoit pas qu'il amuse le plus souvent aux dépens de la raison. Regnard mourut le 4 septembre 1709 près de Dourdan. Le voici. VALERE ET HECTOR. HECTOR. Ses malheurs sur son front sont écrits: Il a tout le visage et l'air d'un premier pris. VALÈRE. Non, l'enfer en courroux, et toutes ses furies, Je n'ai plus rien à perdre, et tes vœux sont comblés ? Tu ne peux rien sur moi: cherche une autre victime. Il est set. HECTOR, à part. VALÈRE. De serpents mon cœur est dévoré ; HECTOR. Mais ce n'est pas ma faute. As-tu vu de tes jours trahison aussi haute? HECTOR. Heureusement pour vous, vous n'avez pas un sou VALÈRE. Que la foudre t'écrase! Ah! charmante Angélique, en l'ardeur qui m'embrase, A vos seules bontés je veux avoir recours : Je n'aimerai que vous; m'aimeriez-vous toujours ? Notre bourse est à fond; et, par un sort nouveau, VALÈRE. Calmons le désespoir où la fureur me livre : (Hector approche un fauteuil.) VALERE, assis. Va me chercher un livre. HECTOR. Quel livre voulez-vous lire en votre chagrin ? VALÈRE. Celui qui te viendra le premier sous la main; Hé, vous n'y pensez pas ! Je n'ai lu de mes jours que dans des almanachs. Ouvre, et lis au hasard. VALÈRE. HECTOR. Je vais le mettre en pièces. Lis donc. HECTOR. "Chapitre VI. Du mépris des richesses. La fortune offre aux yeux des brillants mensongers, Tous les biens d'ici-bas sont faux et passagers; Leur possession trouble, et leur perte est légère : Le sage gagne assez quand il peut s'en défaire." Lorsque Sénèque fit ce chapitre éloquent, Il avait, comme vous, perdu tout son argent. VALERE, se levant. Vingt fois le premier pris! Dans mon cœur il s'élève (Il s'assied.) Des mouvements de rage... Allons, poursuis, achève. HECTOR. N'ayant plus de maîtresse, et n'ayant pas un sou, VALÈRE. De mon sort désormais vous serez seul arbitre, "Que faut-il..." HECTOR. VALÈRE. Je bénis le sort et ses revers, Puisqu'un heureux malheur me rengage en vos fers. Finis donc. HECTOR. “Que faut-il à la nature humaine ? "Moins on a de richesse, et moins on a de peine : "C'est posséder les biens que savoir s'en passer." Que ce mot est bien dit! et que c'est bien penser ! Ce Sénèque, monsieur, est un excellent homme. Était-il de Paris? |