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soutenir le courage de l'armée française, et annoncer l'approche de corps nombreux qui accouraient afin de défendre Rennes, que le comité de salut public voulait sauver à tout prix.

Les Vendéens, réduits à la défensive par la défection de d'Hervilly, auraient dû se hâter d'élever des retranchemens; mais par un excès de sottise, ce dernier chef, qui semblait être le mauvais génie de l'entreprise, refusa de faire aider par les troupes réglées les chouans qui en toute hâte s'étaient mis à l'ouvrage. Ces derniers seuls augmentèrent les retranchemens du fort Penthièvre, en construisant de nouvelles redoutes à Kerostein. Puisaye, gardant au milieu du péril le calme d'un pilote habitué aux tempêtes, résolut de jeter sur la côte ses plus braves chouans, qui, avec les royalistes de l'intérieur du pays, durent attaquer par derrière le camp républicain de Sainte- Barbe. Il chargea de cette importante mission Tinténiac, Jean-Jean et le comte de Lantière. Le 13 juillet, le brave Sombreuil, avec quinze cents soldats, débarqua dans la fatale presqu'île où il devait essuyer une défaite si glorieuse pour lui. L'arrivée de ce renfort sembla rendre quelque courage aux royalistes de l'émigration, qui se décidèrent à aborder les républicains. Ce combat fut une horrible et sanglante boucherie; une partie des chefs royalistes y fut tuée, et d'Hervilly lui-même mortellement atteint. Les émigrés perdirent beaucoup de monde et la presque totalité de leur artillerie. L'attaque du camp de Sainte-Barbe ne pouvait réussir sans Tinteniac; les émigrés s'étaient complus à semer mille petits obstacles sur le chemin de ce jeune officier, et le forcèrent à faire un détour immense. Ils voulurent qu'il s'emparât de Jousselin, ce qui n'était aucunement nécessaire. Malgré ces dangereuses contradictions, Tinténiac obtint d'abord des succès. Il battit à la Trinité unc colonne de quinze cents républicains. A peine établi à Coetlegon, ses avant-postes furent attaqués. Aux pre

miers coups de fusil, il accourut dans l'allée du château, accompagné de Mercier, 'Allègre et de Georges Cadoudal; avec le secours de ces braves il parvint à repousser les républicains, mais apercevant un grenadier posté derrière une haie, Tinténiac lui ordonna de poser les armes ; pour toute réponse le républicain le coucha en joue. De son côté, Cadoudal ajustait le soldat : les deux coups partirent et les deux ennemis restèrent sur la place. Ainsi périt à la fleur de l'âge une des plus belles espérances du parti royaliste. Le chevalier Tinténiac avait toute l'énergie et tout le talent nécessaires pour seconder et faire réussir l'attaque projetée par Puysaye. Pontbellanger, qui succéda au jeune Vendéen, au lieu de marcher sur Baud pour tomber sur les der rières de l'armée de Hoche, se dirigea sur la forêt de Lorge.

Avant de mourir, Tinténiac avait fait part à Puisaye des succès qu'il avait obtenus, et lui annonçait qu'il serait prêt à agir au moins le 16. Puisaye, se fiant sur cette parole, fit une nouvelle agression contre Hoche; mais n'entendant pas le feu s'engager de l'autre côté du camp de Sainte-Barbe, il replia ses colonnes et rentra dans la presqu'île. Alors les émigrés semblèrent attendre, sans rien tenter pour la prévenir, la catastrophe qui les menaçait. Bientôt la désertion se glissa parmi les régimens soldés, dans lesquels on avait imprudemment admis des soldats républicains, long-temps retenus sur les pontons anglais comme prisonniers de guerre. Enfin, Hoche, favorisé par la trahison et plus encore par son audace, attaqua le fort Penthièvre et s'en rendit maître. Cette dangereuse expédition, dans laquelle nous pouvions périr jusqu'au dernier, fut dirigée avec une fermeté, avec un courage et une persévérance admirables par les chefs républicains, que guidaient les renseignemens du volontaire David, qui avait reçu une injuste et cruelle punition pour avoir tenté de s'évader de l'un de ces affreux pontons où Pitt faisait mourir nos malheureux compa

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trictes. Peut-être l'expédition n'eût-elle pas échoué, si les Anglais avaient eu présentes à la pensée ces réflexions de Juvénal, qui devraient être un article du code militaire pour toutes les nations : « Prenez garde qu'il ne soit fait une grave injure à l'homme brave et généreux. »

- De

et

La position de la malheureuse expédition royaliste devint horrible : derrière elle l'immensité d'une mer sauvage, et en face un fort redoutable rempli de troupes républicaines, et des têtes de colonnes plus menaçantes encore que les canons dont le fort était hérissé. poste en poste, les royalistes furent repoussés jusqu'au fond de la Péninsule. Dans cette cruelle extrémité l'amiral anglais Warren déploya beaucoup d'activité, prit tous les moyens pour faciliter le rembarquement. La corvette the Lark, l'Alouette, et la frégate la Pomone, commencèrent à tirer sur la plage pour chercher à ralentir la marche des vainqueurs. Plusieurs fois les embarcations vinrent recueillir à la côte les malheureux émigrés. Le capitaine Keats fit à lui seul cinq ou six fois le voyage, et ce fut par les efforts de ce brave officier et des marins anglais, si injustement calomniés depuis par l'erreur ou la prévention, que furent sauvés les Vauban, les Levis, les Contades et d'Hervilly expirant. Puisaye, qui aurait dû mourir comme un capitaine de vaisseau à bord de son navire prêt à s'engloutir dans la mer, chercha aussi un asile sur la flotte anglaise.

Hoche, impatienté par le feu meurtrier des bâtimens ennemis, allait commander une charge à fond sur ce qui restait encore devant lui, lorsque, supplié par Rouget de Lisle, l'auteur de l'hymne des Marseillais, il ordonna à et officier d'aller sommer les émigrés de mettre bas les armes, et de faire cesser le ravage causé par les boulets anglais. Les émigrés se soumirent... Ils avaient remis le pied en ennemis sur la terre natale, et la terre natale les dévora. Pleurons sur eux : malgré leur faute ou leur crime,

ils étaient toujours Français; et plus tard ils auraient combattu avec courage comme le firent plusieurs de ceux que Napoléon admit dans nos immortelles légions, à l'honneur de défendre leur pays contre l'étranger. Le jeune Sombreuil, qui s'était battu avec une rare intrépidité, refusa de quitter une plage mortelle pour lui, et arracha des larmes au général républicain, fier et désolé à la fois de sa victoire. Tallien et Blad firent établir deux conseils de guerre, l'un à Auray, l'autre à Vannes. Vainement a-t-on prétendu que Sombreuil réclama les bénéfices d'une capitulation, il n'exista jamais de capitulation. L'évêque de Dol, Joseph de Broglie, de Rieux, Sombreuil et beaucoup d'autres, furent condamnés à êire fusillés. Ils moururent sans faiblesse et comme des hommes qui avaient fait le sacrifice de leur vie.

Au milieu des douloureux souvenirs de l'affaire de Quiberon, le jeune Sombreuil réveillera toujours les idées de générosité, de courage sans bornes et de mépris de la mort poussé jusqu'à l'héroïsme. Quoiqu'il ait eu le malheur de porter les armes contre sa patrie dans les rangs de l'étranger, on ne peut s'empêcher de verser des larmes sur cette vie interrompue sitôt par la mort. C'est à l'âge de vingt-six ans que Sombreuil alla rejoindre son père, sauvé des massacres de septembre par un prodige de piété filiale, et son frère qui, sourd aux prières de l'ardent amour d'une femme qu'il adorait, avait refusé de s'évader de prison pour ne point ajouter aux dangers de l'auteur de ses jours, dont il partageait la captivité. Le père et le fils moururent ensemble sur l'échafaud. Il y a des fatalités pour la vertu comme pour le crime; mais la mort de la vertu est un martyre et un triomphe, celle du crime un supplice et une infamie.

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Pendant cette courte et glorieuse campagne, Hoche se montra prévoyant, infatigable, autant qu'habile et généreux. Maître de tout régler, il aurait épargné le plus

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grand nombre des captifs, et surtout Sombreuil : mais obligé de céder à une autorité au-dessus de la sienne, il détourna les yeux et s'éloigna pour ne pas voir couler le sang des vaincus. A l'exception de quelques-uns d'entre cux, échappés par miracle, tous les combattans royalistes de Quiberon furent passés par les armes. Il est près d'Auray une prairie que l'on a surnommé la Prairie des Martyrs! Les trois mille hommes sauvés de l'expédition de Quiberon furent transportés par l'amiral anglais dans la petite île d'Huaot, où ils éprouvèrent toutes les horreurs de la misère; mais au milieu de leurs souffrances, une nouvelle imprévue leur rendit quelque courage. Une seconde expédition aussi considérable que la première, et commandée par lord Moira qui avait avec lui le comte d'Artois, partit à cette époque de Portsmouth et fit voile pour les côtes du Morbihan. Le prince s'embarqua le 25 août sur la frégate anglaise, le Jason, et vint toucher à l'île d'Huaot.

Nous dirons bientôt quelle fut la fin de ce nouvel effort tenté par l'implacable Angleterre, malheureuse et perfide dans le choix des hommes et des moyens qu'elle employait contre nous. Dès que la victoire de Quiberon eût été remportée, Tallien partit en poste pour Paris. Tallien était attendu avec la plus vive impatience. Il arriva le 28 juillet (8 thermidor).

Le 9 était une grande fête, que les députés avaient résolu de célébrer avec pompe, comme une époque de délivrance pour eux. Quand Tallien parut, il fut salué par de vives et bruyantes acclamations. Ses partisans le célébrèrent en héros. Ne méritait-il pas bien ce nom, puisqu'après avoir tué les terroristes, il venait de blesser à mort la royauté? Je ne sais quelle métamorphose il avait subie, il fut ce jour-là éloquent, pathétique même, et révéla un talent qu'on ne lui connaissait pas, et qu'il n'a jamais montré depuis.

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