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JAN 11 1384

Lane fund..

PRÉFACE.

Ce volume se compose de trois sections : l'Orthographe grammaticale, l'Orthographe usuelle, la Prononciation. Un chapitre sur la Ponctuation complète l'enseignement orthographique.

On trouvera dans ces trois parties plusieurs innovations qui ont besoin d'être expliquées et justifiées.

Parlons d'abord des Exercices : c'est la partie importante de l'étude orthographique. Sans les applications, la grammaire est, non pas un corps sans âme, mais une âme sans corps, qui s'évapore quand on croit la saisir. A chaque règle, nous avons donc attaché immédiatement son exercice d'application, et chaque exercice rappelant en même temps les règles antérieures, l'élève, en arrivant au dernier, peut embrasser à la fois l'ensemble et les détails de tout ce qu'il a étudié.

Nous avons voulu plus encore. Un travail exécuté avec dégoût et ennui profite peu. Pour que l'étude soit vraiment utile, il faut qu'elle soit faite avec intérêt, avec plaisir même. Or, quel intérêt peuvent trouver les enfants à des phrases tirées de nos écrivains, mais détachées, sans suite, et souvent inintelligibles pour eux? Quel profit peuvent-ils retirer des plats bavardages dont certains grammairiens ont rempli leurs livres, sous prétexte de simplicité ? Il nous a semblé que la loi grammaticale ne perdrait rien à être entourée de quelque agrément; nos exercices se composent donc d'his toriettes, d'anecdotes, de récits plaisants, sérieux, touchants même quelquefois, empruntant tous les tons, même celui de la poésie, et écrits avec la préoccupation de faire intervenir la règle, directement ou indirectement, en fournissant l'exemple des cas où elle doit être appliquée et des cas analogues où elle ne doit pas l'être. La difficulté sans doute était de donner à ces récits l'aisance et le naturel qu'on est en droit d'exiger dans un ouvrage qui a la prétention d'enseigner l'art d'écrire correctement. Aussi notre Grammaire n'a-t-elle pas été improvisée. Mais

....Le temps ne fait rien à l'affaire,

et nous n'aurions pas regret à notre travail s'il parvenait à ré

II-a

concilier les enfants avec une étude aussi indispensable que peu goûtée.

Bien qu'à nos yeux les Exercices soient, en orthographe, le point important, nous n'avons pas négligé le côté des préceptes. On trouvera ici nombre de simplifications, nombre de lois non encore formulées. Nous appelons l'attention, entre autres, sur la manière dont les conjugaisons sont étudiées, sur l'explication que nous donnons des irrégularités de la plupart des verbes, du doublement des consonnes par attraction et par accentuation, et sur une foule de rapprochements de nature à ouvrir l'esprit et à faciliter le travail de la mémoire.

La mémoire est mise, en effet, à une rude épreuve dans cette multitude de faits orthographiques. Pour fixer dans l'esprit ces énumérations, nous avons emprunté un procédé aux sciences mathématiques. Le savant qui veut retenir le résultat d'un calcul qu'il pourrait être appelé à refaire, ou simplement pour fixer dans son esprit une loi importante, transforme ce résultat ou cette loi en une formule qu'il n'oubliera plus. Quelques lettres et quelques chiffres lui suffisent. Les lettres a2+2ab+b2, par exemple, pour emprunter une formule élémentaire, peignent à sa pensée le calcul qui s'opère quand on élève au carré un nombre composé de dizaines et d'unités, et lui tient lieu de cette phrase:

Le carré d'un nombre composé de dizaines et d'unités se compose: 1o du carré des dizaines; 2° du produit des dizaines par les unités; 3° du produit des unités par les dizaines, et enfin 4o du carré des unités.

Les formules que nous avons appliquées à la grammaire, pour être moins concises, n'en sont pas moins commodes. S'agit-il, par exemple, de retenir que l'on conjugue de la même manière, au présent de l'indicatif et à l'impératif : 1o les verbes en ir, qui ont le participe présent en issant, comme finir; 2o les verbes en ire, comme écrire, et 3o les verbes en ivre, comme vivre? Il faut un certain effort de mémoire pour fixer cette liste dans l'esprit, surtout si l'on a quantité de semblables énumérations à retenir. Une formule composée d'un seul vers épargne ce travail à la mémoire :

En finissant d'écrire, il a cessé de vivre.

A-t-on à se rappeler certaine catégorie de verbes qui veulent être suivis d'un subjonctif : verbes d'admiration, d'étonnement, de désir, de regret, un autre vers résumera cette énumération :

Admirer, désirer, regretter: c'est la vie.

L'orthographe usuelle est pleine de ces listes, qui souvent ne se relient par aucune loi. C'est là surtout que les formules sont utiles. Dans celles-là nous avons placé en première ligne les mots qui repré

sentent la règle et à la fin ceux qui rappellent l'exception. Voici celle qui sert à indiquer l'orthographe des verbes en endre par un e, avec une exception unique :

Vous vendez vos bienfaits au lieu de les répandre.

Ce n'est pas au moment où l'on étudie que l'on peut apprécier l'avantage de ces formules; c'est longtemps après et lorsqu'on veut se rappeler. Elles surnagent dans la mémoire, et elles forment des points de repère à l'aide desquels on évoque tout à coup des enseignements et des faits que l'on croyait complétement oubliés.

L'Orthographe usuelle a reçu dans ce volume un développement qui pourra paraître exagéré. C'est que les grandes difficultés sont là. On a bientôt appris la formation du pluriel et du féminin dans les noms et dans les adjectifs, et la conjugaison des verbes, même irréguliers; il y a là des lois connues auxquelles les faits se rattachent. Il n'en est pas de même de l'orthographe usuelle; c'est une étude qui dure toute la vie; à cinquante ans, il arrive aux personnes qui, par profession, écrivent tous les jours, d'hésiter sur la manière d'écrire tel ou tel mot. C'est donc de ce côté que doivent se porter les efforts de l'enseignement. Il y a assurément beaucoup de caprice dans l'orthographe usuelle, et les règles formulées un peu légèrement par quelques grammairiens se trouvent parfois en défaut. Mais il y a des lois cependant, lois de dérivation, d'analogie, d'opposition, qui peuvent guider dans ce dédale. Nous avons cherché à les mettre en saillie, à relier les faits épars et exceptionnels, et nous n'avons formulé que des règles soigneusement éprouvées.

Il ne faut pas oublier cependant que l'orthographe usuelle est le domaine de l'exception. Dans la Syntaxe nous avons pu réduire les exceptions à cinq ou six; une pareille réduction était impossible pour l'Orthographe, et c'est ici qu'apparaît dans toute sa rigueur l'application du proverbe : pas de règle sans exception. Nous avons cherché du moins à grouper ces irrégularités de manière à les fixer dans l'esprit, à leur enlever une partie de leur sécheresse par des exemples et par des exercices multipliés, qui occupent trois fois plus de place que les règles.

La section relative à la Prononciation établit au début, comme un fait incontestable, l'existence d'un accent tonique très-marqué dans la langue française. Nous n'ignorons pas que le fait de cet accentua tion est encore contesté par quelques-uns. A ceux-là nous n'avons qu'un conseil à donner. Qu'ils passent le Rhin ou les Alpes et qu'ils fassent lire à un Allemand ou à un Italien ignorant de notre langue

quelques lignes d'un livre français; ils reconnaîtront immédiatement que ces étrangers n'appuient pas en prononçant sur les mêmes syllabes qu'eux, et laissent généralement tomber la voix à la fin des mots, tandis que les Français l'élèvent. L'accent tonique n'est pas autre chose que cet appui de la voix sur la dernière syllabe; mais il est tellement prononcé et tellement régulier dans notre langue, qu'il constitue pour nous une difficulté grave quand nous voulons parler un idiome étranger.

Une autre innovation de cette partie du livre, innovation dont on nous saura gré, nous l'espérons, c'est le soin avec lequel la prononciation des noms étrangers se trouve notée. Les relations sont devenues si faciles et si fréquentes entre les divers peuples de l'Europe qu'il ne nous est pas plus permis d'ignorer le nom exact des grandes villes de l'étranger, qu'il ne l'était pour le Parisien contemporain de La Fontaine de savoir le nom de Vaugirard. Il est fort désagréable, pour ne rien dire de plus, de ne pas savoir comment on prononce le nom d'une ville où nous habiterons peut-être demain, d'un homme avec lequel nous pouvons nous rencontrer ce soir. Pour celui même qui ne voyage pas, n'est-il pas humiliant de se voir arrêté tout à coup dans sa lecture par quelque nom, qui semble étrange parce qu'on ne nous a pas appris à le lire, et qui se présente à nous comme un obstacle qu'il faut tourner faute de pouvoir le franchir. Autrefois on disait, lorsque l'on rencontrait des caractères helléniques : << C'est du grec, cela ne se lit pas. » Combien de lecteurs sont contraints d'en dire autant en présence d'un nom anglais, allemand, russe ou polonais!

Dans l'état actuel de l'enseignement, on n'a droit de reprocher cette ignorance à personne. Les grammaires qui traitent de la prononciation, sont d'une sobriété extrême à l'égard des noms étrangers. Encore feraient-elles mieux la plupart du temps de s'abstenir tout à fait. L'une nous apprend par exemple que Warwick (Ouârik) doit se prononcer Varvik; que Washington (Ouachin'tone' en faisant sonner l'n du milieu), s'articule Vazington. Ailleurs nous trouvons que Haydn (Haïd'n) doit se prononcer Haïden; -que Kreutzer (Kreûtz'r) doit se prononcer Kretch. Il y a même des indications plus curieuses. La prononciation de Beethoven (Bet-hov'n, en détachant du t l'h qui est aspiré), est figurée Betow. Voilà ce qui s'appelle expliquer ce que l'on ne sait pas par ce que l'on sait moins encore! Comment

1. Nous figurons par l'apostrophe ("), ici et ailleurs, le son presque nul de l'e muet dans la troisième syllabe du mot: événement : évén'ment.

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