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LA PRONONCIATION ET L'ORTHOGRAPHE.

229 les femmes ne t'apporteront plus le lait de chameau ou l'orge dans le creux de la main; tu ne courras plus libre dans le désert comme le vent d'Égypte; tu ne fendras plus du poitrail l'eau du Jourdain, qui rafraîchissait ton poil aussi blanc que ton écume qu'au moins, si je suis esclave, tu restes libre! Tiens, va, retourne à la tente que tu connais va dire à ma femme que je ne reviendrai plus, et passe ta tête entre les rideaux de la tente pour lécher la main de mes petits enfants. » En parlant ainsi, il avait rongé avec ses dents la corde de poil de chèvre qui sert d'entraves aux chevaux arabes, et l'animal était libre; mais voyant son maître blessé et enchaîné à ses pieds, le fidèle et intelligent coursier comprit, avec son instinct, ce qu'aucune langue ne pouvait lui expliquer: il baissa la tête, flaira son maître, et l'empoignant avec les dents par la ceinture de cuir qu'il avait autour du corps, il partit au galop, et l'emporta jusqu'à ses tentes. En arrivant et en jetant son maître sur le sable aux pieds de sa femme et de ses enfants, le cheval expira de fatigue : toute la tribu l'a pleuré, les poëtes l'ont chanté, et son nom est constamment dans la bouche des Arabes de Jéricho.

Nous n'avons nous-mêmes aucune idée du degré d'intelligence et d'attachement auquel l'habitude de vivre avec la famille, d'être caressé par les enfants, nourri par les femmes, réprimandé ou encouragé par la voix du maître, peut élever l'instinct du cheval arabe. LAMARTINE

VIII

DE L'ANCIENNE PRONONCIATION DANS SES RAPPORTS

AVEC L'ORTHOGRAPHE.

454. L'orthographe anglaise est surchargée de lettres qui ne se prononcent pas. Le français a moins de ces lettres, mais il en a beaucoup trop encore. Cela tient à ce que la prononciation était autrefois notablement différente de ce qu'elle est aujourd'hui. Elle était plus variée, et contenait entre autres un grand nombre de diphthongues que la prononciation moderne ne distingue plus.

Les voyelles composées ai, ei, qui se confondent pour nous, avaien

chacune un son particulier et fontaine (fonta-ine) n'aurait pu rimer avec pleine (plé-ine), ni à plus forte raison notaire (nota-ire) avec austère; ai se rapprochait de haï et ei du son que ces lettres ont dans obéi; il était seulement plus rapide et plus faible.

Au se prononçait a-ou en une syllabe comme dans les autres langues de l'Europe; et l'on entendait distinctement le son des trois lettres qui composent le mot eau, é-a-ou.

Eu se prononçait à peu près, comme font les Allemands, é—eu ; ou se prononçait o-ou; AN avait un son ouvert qui ne permettait pas de le confondre avec EN; répandre ne rimait pas avec entendre, plaindre avec atteindre.

ni

In avait un son nasal qui se rapprochait de celui qu'il a dans inimitié; un avait également un son nasal qui se rapprochait du son qu'il a dans une. Ces deux sons ont disparu; mais alors il n'était pas plus possible de confondre la fin avec la faim (fa-in), et l'on n'aurait pas mieux fait rimer un avec jeun, qu'on ne ferait rimer aujourd'hui demeure avec armure.

Il y avait deux i, l'un très grave et semblable à celui que les Polonais et les Russes représentent par y, et l'autre aigu, représenté par i. Selon toute apparence, y représentait cet i grave. De là tant de noms propres écrits par y: Aubry, Henry, Fleury, etc., sans que l'on en voie aujourd'hui la raison.

Oy se prononçait autrefois en diphthongue mouillée (398); oi avait le son des deux lettres oi et non celui d'oa que nous lui donnons.

L'h s'aspirait partout au dix-septième siècle; il y avait trois 1 : un l fort qui est perdu, un ʼn moyen que nous avons conservé et l mouillé qui tend à disparaître à son tour, à Paris du moins.

Cette vieille prononciation, notée par les grammairiens du XVIe siècle et très-fidèlement conservée chez les habitants des campagnes dans une partie de la France, sert à expliquer la plupart des caprices de notre orthographe, ceux du moins qui ne nous ont pas été imposés par la fantaisie des grammairiens modernes. La prononciation s'est raffinée depuis. Elle a acquis plus d'élégance et de distinction; mais elle a beaucoup perdu en variété, et elle a surtout créé de grandes difficultés orthographiques, comme on a pu le voir dans ce volume.

RÉSUMÉ

DES LOIS

DE L'ORTHOGRAPHE GRAMMATICALE, DE L'ORTHOGRAPHE USUELLE, DE LA PRONONCIATION ET DE LA PONCTUATION.

*66.

SECTION I.

ORTHOGRAPHE GRAMMATICALE.

- L'Orthographe est l'art d'écrire convenablement les mots d'une langue. Elle se divise en deux parties : l'orthographe grammaticale qui traite de la partie variable des mots, et l'orthographe usuelle qui traite des mots invariables, et de la partie invariable des autres.

Les mots variables sont : le nom, le pronom, le déterminatif, le qualificatif, le participe et le verbe.

INTRODUCTION.

LETTRES ET ACCENTS.

*67.- Le C a une cédille lorsqu'il doit se prononcer s devant a, o, u : cet acte effaça les soupçons qu'elle avait conçus.

G est suivi d'un e devant les mêmes lettres lorsqu'il doit avoir le son duj: il mangea.

On le fait suivre d'un u devant e et i lorsqu'il doit avoir le son dur: fougueux.

J n'est jamais suivi de i ni de y, à moins qu'il ne soit séparé

de ces lettres par une apostrophe: givre, gypse ; j'imite, j'y

songe.

L mouillé s'écrit il quand il termine le mot, et ill quand il ne le termine pas réveil, merveille.

Si S doit avoir le son dur entre deux voyelles, on le double: mission.

N devient m devant b, p et m : embarquer, emprunter, emmener; excepté dans bonbon, embonpoint, néanmoins.

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Y se change en i devant un e muet, et réciproquement i se change en y devant une voyelle autre que l'e muet: pourvoyant, ils pourvoient; qu'il pourvoie, que nous pourvoyions; envoyé. *68. On ne met pas d'accent sur e 1o suivi d'un r, prononcé ou non, lorsqu'il termine la syllabe: rocher; 2o devant une consonne double belle. On considère x et z comme consonnes doubles, mais on ne considère pas comme telle une consonne suivie de h (ch, ph, th), ou d'une des liquides l, m, n, r: échange, éphémère, éclair, étre.

:

Quand la consonne n'est pas double, l'e qui précède une syllabe muette reçoit l'accent grave: fidèle.

Cet é est aigu dans les mots en ége: piége, protége, et dans quelques autres que la prononciation indique : événement, médecine, j'alléguerai, etc.

CHAPITRE I.

NOMS, DÉTERMINATIFS ET QUALIFICATIFS.

1. FORMATION DU PLURIEL.

*69.-Les noms, les déterminatifs, les qualificatifs, les participes, les pronoms même, à l'exception du pronom conjonctif, sont terminés au pluriel par une des trois lettres s, x, z; les belettes aux nez pointus.

Ceux qui, au singulier, finissent par une de ces lettres, ne changent pas au pluriel : les mois, les noix, les nez.

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les clous, les éventails; c'est l'immense majorité des mots français.

*71. Les mots en au et en eu prennent un x : les oiseaux,

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les cheveux, ceux que vous connaissez.

*72. Sept noms en ou : bijou, caillou, chou, genou, hibou, joujou et pou prennent x; les autres noms et les adjectifs de cette terminaison prennent s; tout perd le t: tous ces filous sont fous.

*73.

Les noms et les adjectifs en al font généralement leur pluriel en aux: métal, métaux; brutal, brutaux. Dix noms et neuf adjectifs font leur pluriel en als. Les plus usités sont : bals, carnavals pour les noms; fatals, finals, glacials, théâtrals pour les adjectifs.

Un grand nombre d'adjectifs en al ne s'emploient pas au masculin pluriel.

*74.- La terminaison ail n'a pas d'adjectifs; pour les noms, onze prennent un s au pluriel; sept se terminent en aux et font baux, coraux, émaux, soupiraux, travaux, vantaux,

vitraux.

*75.

Trois mots aïeul, ciel, œil, ont deux pluriels, qui ne s'emploient pas indifféremment.

Les aïeuls sont les deux grands-pères; les aïeux sont les ancêtres. On dit des ciels de tableau, des ciels de lit; l'Italie est sous l'un des plus beaux ciels du monde. Dans les autres cas on dit cieux. On dit les œils (bourgeons) d'une plante; des œils de bœuf, fenê– tres rondes; des œils de chat, pierre précieuse. On dit yeux dans tous les autres sens : les yeux du pain, du fromage, de la soupe, etc.

*76.

2. FORMATION DU FÉMININ.

Tout adjectif qui se rapporte à un nom féminin est terminé par un e muet.

Si cet e muet existe au masculin, l'adjectif ne change pas au féminin; sinon, on ajoute cet e à la terminaison masculine : Une femme aimable, une rue fréquentée.

*77. —Dans les mots en el, eil, en, on, la consonne se double: tel, telle; pareil, pareille; le tien, la tienne; bon, bonne.

Elle se double aussi dans les adjectifs en et violet, violette;

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