Si vous saviez ce que fait naître Si vous saviez quel baume apporte Si vous saviez que je vous aime, -Les Vaines Tendresses. ROSTAND (born 1864) CYRANO ET DE GUICHE Cyrano. J'arrive—excusez-moi !—par la dernière trombe Je suis un peu couvert d'éther. J'ai voyagé! J'ai les yeux tout remplis de poudre d'astres. J'ai Aux éperons, encor, quelques poils de planète ! [Cueillant quelque chose sur sa manche. Tenez, sur mon pourpoint, un cheveu de comète!... [Il souffle comme pour le faire envoler. De Guiche (hors de lui). Monsieur!... Cyrano (au moment où il va passer, tend sa jambe comme pour y montrer quelque chose, et l'arrête. Dans mon mollet je rapporte une dent De la Grande Ourse,-et comme, en frôlant le Trident, Je voulais éviter une de ses trois lances, Je suis allé tomber assis dans les Balances,— Dont l'aiguille, à présent, là-haut, marque mon poids! [Empêchant vivement de Guiche de passer et le prenant à un bouton du pourpoint. Si vous serriez mon nez, Monsieur, entre vos doigts, Non! croiriez-vous, je viens de le voir en tombant, J'ai traversé la Lyre en cassant une corde! De Guiche. Monsieur! [Riant. [Superbe. Vous, je vous vois venir! Vous voudriez de ma bouche tenir Comment la lune est faite, et si quelqu'un habite Dans la rotondité de cette cucurbite? De Guiche (criant). Mais non! Je veux... Cyrano. Savoir comment j'y suis monté? Ce fut par un moyen que j'avais inventé. De Guiche (découragé). C'est un fou! Cyrano (dédaigneux). Je n'ai pas refait l'aigle stupide De Regiomontanus, ni le pigeon timide D'Archytas!... De Guiche. C'est un fou,-mais c'est un fou savant. Cyrano. Non, je n'imitai rien de ce qu'on fit avant! -Cyrano de Bergerac, iii. 11.1 1 By kind permission of the author and publishers, Messrs. Charpentier & Fasquelle; Paris, 1898. LES CADETS DE GASCOGNE Cri de Tous. J'ai faim! Cyrano (se croisant les bras). Ah ça! mais vous ne pensez qu'à manger?... -Approche, Bertrandou, le fifre, ancien berger; Que sa chanson l'étonne, et qu'elle y reconnaisse [Le vieux commence à jouer des airs languedociens. Le petit pâtre brun sous son rouge béret, -Cyrano de Bergerac, iv. 3. 1 By kind permission of the author and publishers, Messrs. Charpentier & Fasquelle; Paris, 1898. SECTION II.-VERS LIBRES MOLIÈRE MERCURE ET AMPHITRYON Mercure (sur le balcon de la maison d'Amphitryon, san être vu ni entendu d'Amphitryon) Je m'en vais égayer mon sérieux loisir A mettre Amphitryon hors de toute mesure. A la malice un peu porté. Amphitryon D'où vient donc qu'à cette heure on ferme cette porte? Mercure Hola! tout doucement. Qui frappe? Amphitryon (sans voir Mercure) Mercure Moi. Qui, moi? Amphitryon (apercevant Mercure, qu'il prend pour Sosie) Ah! ouvre. Mercure Comment, ouvre? Et qui donc es-tu, toi Qui fais tant de vacarme et parles de la sorte? Amphitryon Quoi? tu ne me connais pas? Mercure Non, Et n'en ai pas la moindre envie. Amphitryon (à part) Tout le monde perd-il aujourd'hui la raison? Mercure Eh bien, Sosie! oui, c'est mon nom; Fort bien. Qui peut pousser ton bras A faire une rumeur si grande? Et que demandes-tu là-bas? Amphitryon Moi, pendard! ce que je demande? Mercure Que ne demandes-tu donc pas? Amphitryon Attends, traître! avec un bâton A m'oser parler sur ce ton. Mercure Tout beau! si pour heurter tu fais la moindre instance, Je t'enverrai d'ici des messagers fâcheux. Amphitryon O Ciel! vit-on jamais une telle insolence? La peut-on concevoir d'un serviteur, d'un gueux? Mercure Eh bien, qu'est-ce? M'as-tu tout parcouru par ordre? Si des regards on pouvait mordre, |