Le bambou sur l'épaule et les mains sur les hanches, Le long de la chaussée et des varangues basses Par les groupes joyeux des Noirs, ils s'animaient Dans l'air léger flottait l'odeur des tamarins; Au large, les oiseaux, en d'immenses traînées, Et tandis que ton pied, sorti de la babouche, A l'ombre des Bois-noirs touffus et du Letchi Tandis qu'un papillon, les deux ailes en fleur, Se posait par instants sur ta peau délicate On voyait, au travers du rideau de batiste, Et, sous leurs cils mi-clos, feignant de sommeiller, Tu t'en venais ainsi, par ces matins si doux, Maintenant, dans le sable aride de nos grèves, -Poésies nouvelles (1858). delà LE SOMMEIL DU CONDOR [Par de... l'escalier des roides Cordillères, Par delà les brouillards hantés des aigles noirs, Et le sombre soleil qui meurt dans ses yeux froids. Et la mer Pacifique et l'horizon divin; Du continent muet elle s'est emparée: Des sables aux coteaux, des gorges aux versants, Lui, comme un spectre, seul, au front du pic altier, Dans l'abîme sans fond la Croix australe allume Il râle de plaisir, il agite sa plume, Il érige son cou musculeux et pelé, Il s'enlève en fouettant l'âpre neige des Andes, Dans un cri rauque il monte où n'atteint pas le vent, Et, loin du globe noir, loin de l'astre vivant, Il dort dans l'air glacé, les ailes toutes grandes. -Poésies nouvelles (1858). VERLAINE (1844-1896) CÉSAR BORGIA Sur fond sombre noyant un riche vestibule Lointains et de profil rêvent en marbre blanc, La main gauche au poignard et la main droite au flanc, Le duc César en grand costume se détache. Vu de trois quarts et très ombré, suivant l'usage Et le regard errant avec laisser-aller Devant lui, comme il sied aux anciennes peintures, Et le front large et pur, sillonné d'un grand pli, SAGESSE O mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour Et la blessure est encore vibrante; O mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour. O mon Dieu, votre crainte m'a frappé O mon Dieu, j'ai connu que tout est vil Noyez mon âme aux flots de votre Vin; Voici mon sang que je n'ai pas versé; Voici mon front qui n'a pu que rougir, Voici mes mains qui n'ont pas travaillé, Voici mon cœur qui n'a battu qu'en vain, Voici mes pieds, frivoles voyageurs, Voici ma voix, bruit maussade et menteur, Voici mes yeux, luminaires d'erreur, Hélas! Vous, Dieu d'offrande et de pardon, Dieu de terreur et Dieu de Sainteté, Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur, Vous connaissez tout cela, tout cela, Mais ce que j'ai, mon Dieu, je vous le donne. -II. I. FRANÇOIS COPPÉE (born 1842) LE PASSANT. SCÈNE II Silvia. Et n'ai-je pas le droit de chercher à connaître Celui qui prétendait dormir sous ma fenêtre? Zanetto. Si fait. Je ne veux pas garder l'incognito. Je suis musicien et j'ai nom Zanetto. Depuis l'enfance étant d'un naturel nomade, Je crois n'avoir jamais dormi trois jours entiers Je sais faire glisser le bateau sur le lac, Et, pour placer la courbe exquise d'un hamac, Silvia (souriant). Toutes professions à dîner rarement, N'est-ce pas? Zanetto. Oh! bien moins qu'on ne croirait, vraiment. Pourtant, c'est vrai, je suis un être peu pratique. L'heure de mes repas est très problématique, Et je suis quelquefois forcé de l'oublier Alors que le pays m'est inhospitalier. Souvent, loin des maisons banales où vous êtes, |