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et de crainte, de soumission et de confiance, de reconnaissance et d'amour viennent correspondre à ces croyances, une fois solidement établies dans l'âme. Alors le développement de l'homme est complet. La connaissance de Dieu devient pour lui la solution pleine et entière de l'énigme du monde. Son esprit, son cœur, son imagination, sa raison sont en possession d'un objet qui répond pleinement à tous ses besoins, à toutes les tendances les plus élevées de sa nature. Car, par la notion de ses rapports avec Dieu, il a l'intelligence parfaite de tous ses rapports avec les êtres qui l'entourent; et, en connaissant la vérité parfaite, le beau et le bien parfaits, sa faculté de connaître, sa faculté d'aimer, sa faculté de vouloir cessent de flotter dans le vague, parce que leur fin est clairement déterminée. Il a une règle sûre, infaillible, qui sera la mesure de ce qu'il doit accorder à ses sens, qui le dirigera dans ses recherches scientifiques, dans ses affections pour ses semblables, dans toutes ses actions, dans toutes ses œuvres, et qui fera converger vers l'unité d'un même but toutes ses pensées, tous ses sentiments, toutes ses déterminations.

CHAPITRE II.

LOI DE SIMPLIFICATION ET DE RÉDUCTION DES IMPRESSIONS NERVEUSES ET CÉRÉBRALES A L'UNITÉ D'IDÉE ET DE

SENTIMENT.

« Il n'y a rien, dit M. Buchez, qui paraisse au premier coup d'œil plus simple que la douleur, et cependant toute douleur se compose d'une multitude d'impressions différentes sur le cerveau. Il y a celles relatives à l'espèce de la douleur, impressions caractéristiques, et qui servent en médecine de moyen diagnostic; il y a celles qui dépendent des effets sympathiques; il y a celles qui tiennent au siége, celles qui marquent l'intensité du mal, etc. » On peut en dire autant de toute sensation agréable ou désagréable. Chacune d'elles est le résultat d'une multitude d'impressions nerveuses qu'il faut nécessairement supposer ramenées à l'unité par un procédé de simplification qui fasse de leur ensemble un sentiment indivisible, irréductible.

Il n'y a rien, pourrions-nous dire aussi, de plus indécomposable que celles de nos idées qu'on a nommées pour cette raison idées simples. Par exemple, l'idée de blancheur échappe à toute analyse. Cependant, cette idée est le résultat d'une multitude d'impressions, comme le témoignent les faits organiques qui précèdent et qui constituent le phénomène de la vision. Non-seulement il y a double impression dans les deux rétines, double impression dans les deux nerfs optiques, et par conséquent impressions multiples dans le cerveau; mais par combien de rayons lumineux n'a-t-il pas fallu que chaque rétine fût frappée dans les divers points de sa surface, pour former, par exemple, l'image d'un lis? Et qui pourrait dire encore les réactions et les sympathies qui ont lieu peutêtre dans les autres parties de l'organisme, à l'occasion du seul phénomène de la vision? Cependant, de cette pluralité d'impressions résulte encore une seule idée, l'idée de blancheur; donc, nécessité de supposer encore ici un principe de simplification qui ramène à l'unité cette diversité de modifications nerveuses et cérébrales, qui opère l'identification de tous les éléments matériels qui ont concouru à la for

mer.

a

A plus forte raison sera-t-il nécessaire, si l'objet de l'idée est un homme. Lorsque les rayons lumineux, dit M. Buchez, réfléchis par un objet viennent peindre dans l'œil une image tellement exacte qu'elle ne diffère pas de celle qu'on obtiendrait dans une chambre obscure, en sorte qu'elle nous présente une peinture d'une perfection inimitable, qu'arrive-t-il dans la rétine? Là, ce n'est plus une image, mais les effets des contacts produits par les rayons lumineux, contacts dont les uns donnent des impressions de couleur, d'autres des impressions de forme, de geste, de position, etc. Ce n'est pas tout; il est prouvé que cet homme, objet de la vision, est senti par la rétine, comme s'il était renversé, comme s'il avait la tête où sont les pieds et les pieds où est la tête. Ce n'est pas tout encore; cet objet sera plus ou moins éloigné : or, il est prouvé que la grandeur de l'image diminue en raison qu'augmente le carré des distances. On ne pourrait compter les mille impressions dont se compose la vision d'un seul objet........... Que sera.

ce, si nous joignons à la pluralité produite dans le cerveau par les modifications éprouvées par un seul sens, les effets de plusieurs, de l'ouïe, du toucher, etc.? »

Dira-t-on que l'unité de l'idée résulte de la simultanéité même des impressions? M. Buchez répond par un fait décisif: c'est que le cerveau n'est pas impressionné seulement, dans le moment dont il s'agit, par la somme des transmissions sensuelles qui se rapportent à l'objet dont on ya avoir l'idée, mais en même temps par une multitude d'autres impressions diverses que les sens reçoivent de mille autres objets appartenant au monde extérieur. Celles-ci entreraient donc dans la simultanéité, en sorte qu'au lieu d'une idée nette et positive, on n'aurait jamais que des unités confuses et faus

ses.

Mais comment expliquer cette conversion des impressions multiples en unité de sentiment ou d'idée ? M. Buchez l'explique par l'intervention de l'activité de l'âme agissant sur les modifications nerveuses et cérébrales. Selon lui, leur simplification est un acte, une opération de l'esprit, attendu que l'acte seul, tant un et simultané, est seul capable de produire le phénomène d'unification dont il s'agit. Il en resulterait que la sensation et l'idée seraient des faits actifs : ce qui est faux. L'âme est passive dans la douleur comme dans la perception. L'idée comme le sentiment se forme en elle et la modifie, indépendamment de sa volonté. L'idée et le sentiment résultent de l'action des objets sur l'âme, et non pas de l'action de l'âme sur les impressions, puisqu'elle n'est pas maitresse de faire que telle série d'impressions ne soit pas suivie de telle idée et de telle sensation. Mais comme il est bien vrai que la douleur n'est sentie et l'objet perçu que d'une manière obscure, tant qu'il n'y a point acte d'attention, nous accorderons à M. Buchez que l'unification des impressions n'est un fait parfaitement distinct que par la réaction de l'âme sur ses propres modes, c'est-à-dire , par la réflexion. Ajoutons à l'appui de notre opinion qu'il est si bien dans la nature de l'âme de percevoir et de sentir toutes choges sous la condition de l'unité, que les sentiments et les idées les plus complexes se produisent de pr'me-abord en nous

sous la forme synthétique. Bien loin que ce soit l'activité de l'âme qui opère la simplification dont il s'agit, c'est elle au contraire qui, par le moyen de l'analyse, sépare ce qui était uni dans cette synthèse primitive, en démêle les éléments et les retient isolés les uns des autres. Que conclure de là, sinon que l'unité du sentiment et de l'idée résulte, non pas de l'action de l'âme, mais de sa simplicité. En effet, on prouverait presque géométriquement qu'il n'y a qu'un sujet un et indivisible qui puisse recevoir sous la forme de l'unité le résultat d'une pluralité d'impressions convergeant toutes les unes vers les autres. Leur parfaite identification ne peut être conçue que dans une substance parfaitement simple. En elle seule peut s'accomplir leur fusion complète.

Ce qui a pu faire illusion à M. Buchez, c'est le procédé par lequel l'esprit transporte l'idée ou le fait interne dans le langage et la manifeste par la parole. Mais ce procédé, qui est bien réellement une opération, un acte, en rattachant l'idée à un signe verbal que la mémoire puisse garder et que la voix puisse transmettre, ne la transforme pas; il l'exprime, il la revêt d'un symbole matériel, et voilà tout. L'unification de l'idée était déjà un fait accompli dans l'entendement, avant qu'elle fût unie au mot qui la représente, et qui en est la forme extérieure.

Mais où la simplification des impressions nous apparaît évidemment comme une opération de l'esprit, c'est quand, par un acte de volition qui met en jeu presque tout le système nerveux et musculaire, l'esprit fait converger vers un seul et même but, vers une parfaite unité d'intention et d'action toutes ces mille impressions et tous les mouvements qui en sont le résultat, et les fait concourir à la réalisation d'une seule et même conception, d'un seul et même désir. Ici, c'est bien la volonté qui a l'initiative de l'action; par conséquent l'action n'est une que par l'opération même de l'esprit. Mais dans l'idée et le sentiment, l'initiative émane des cat se; extérieures; ce n'est plus comme douée d'activité, mais comme douée de réceptivité, que l'âme connaît et qu'elle sent.

CHAPITRE III.

LOI D'INFLUENCE ET DE RÉACTION DES FACULTÉS

LES UNES SUR LES AUTRES.

Une autre loi de l'esprit humain, c'est celle en vertu de laquelle les facultés influent et réagissent réciproquement l'une sur l'autre. A la vérité, les facultés du moi luiétantidentiques, on peut dire que c'est toujours le moi qui réagit sur lui-même dans un sens ou dans un autre. Néanmoins ces facultés ne sont pas chimériques, et quand on dit que l'âme est capable de sentir, de connaitre et de vouloir librement, on distingue là bien réellement trois pouvoirs dont on conçoit très-bien l'action et la réaction mutuelles; chose qui d'ailleurs est confirmée par l'expérience.

Et remarquons ici encore l'admirable constitution de l'esprit humain. Si ces trois pouvoirs se développaient isɔlément de manière que chacun d'eux fût indépendant des deux autres, l'âme serait triple, et par conséquent divisée contre elle-même. Aucun lien n'unissant la vie affective à la vie intellectuelle, et celle-ci à la vie active, il y aurait dans l'homme trois existences distinctes, et par conséquent trois tendances, dont la diversité ou plutôt la divergence romprait en lui l'unité de l'être et l'identité de la personne. Si au contraire il n'y avait dans l'homme qu'une seule faculté, l'âme serait dans l'impossibilité de se modifier elle-même. Car supposons en elle un seul pouvoir, la volonté; comme il serait dans sa nature d'agir et de toujours agir, son activité ne se déploierait plus par choix, avec préférence, librement enfin, mais nécessairement, mais fatalement. Car la liberté, dans les êtres finis et contingents, suppose la passivité; c'est la passivité seule qui rend son exercice possible. En effet, je n'ai le pouvoir de remuer mon bras, que parce que j'ai le choix de le faire passer du repos au mouvement et du mouvement au repos. Mais s'il était dans sa nature d'être toujours en mouvement, comment aurais-je la puissance de le mouvoir? De même si l'âme était toujours active, et si le développement non interrompu de cette activité constituait à lui seul toute

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