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à ceux qui le donnent aux autres : ceux qui y ont droit les premiers font ceux qui arrofent les fruits de la terre de leurs fueurs, & c'est une cruelle inhumanité que de s'engraiffer de leurs peines & de les laiffer dans l'indigence.

Si l'Agriculture étoit fortement protégée, on trouveroit la carriere neuve encore. Indépendamment des bonnes terres & des médiocres, qui pourroient être extrêmement bonifiées par une culture plus affidue & plus éclairée, il n'en eft aucune dans ce qu'on met au rang des mauvaises, qui ne pût être mise en rapport par l'induftrie & la patience de l'homme. La nature nous démontre par fes feuls efforts, qu'on peut tirer parti de tout : il eft peu de terreins fablonneux qui ne foient couverts de brandes, où il ne croiffe des pins & autres arbres : les montagnes les plus élevées, du moins dans nos climats tempérés, fe couvrent d'elles-mêmes d'arbres & de verdure, & mille exemples nous montrent que les roches les plus arides peuvent être fertilifées par le travail.

La nature des terres eft telle en France, qu'à la réserve de quelques dunes au bord de la mer, & de quelques roches efcarpées en petit nombre, il n'y a peut-être pas un pouce de terrein qui ne pût être mis en valeur.

DES CONNOISSANCES NÉCESSAIRES

A L'AGRICULTEUR.

POUR entendre l'Agriculture, on doit néceffairement être inftruit de plufieurs connoif-/ fances effentielles à cet art. 1o. On doit avoir

une idée du méchanisme de la nature, afin de pouvoir juger au coup-d'oeil, par l'expofition & la couleur des terres, quelle en eft la qualité, avant què de la connoître plus exactement par l'odorat & le goût. 2°. On doit savoir comment la terre doit être préparée pour lui faire donner de beaux fruits, entendre parfaitement tout ce qui concerne la culture des terres & les regles qu'il faut obferver pour donner les labours néceffaires, femer à propos & dans le degré convenable, connoître les qualités du bon bled: on doit enfin être verfé dans toutes les parties de l'Agriculture qui regardent la vigne, les prés, les bois, la plantation & la taille des arbres; ce qui embraffe un détail infini. 3o. Un bon Agriculteur doit avoir auffi quelques connoiffances de l'Arpentage, connoître la contenance des terres lorfqu'il en veut faire l'acquifition; ce qu'il en coûtera à les façonner, & la quantité de femence qu'elles demandent. 4°. Savoir les regles du Toifé pour la charpente & la maçonnerie, afin de n'être point trompé par les ouvriers. 5. Il doit entendre le gouvernement des beftiaux, car chaque efpece de troupeau eft d'une nature particuliere; connoître fa nourriture favorite, les maladies auxquelles il eft fujet, & les remedes qu'il faut mettre en usage de peur que le mal ne fe communique. 6°. Il doit fe connoître en chevaux, à caufe des grands fervices qu'ils rendent ; favoir quelles font les qualités d'un bon & d'un mauvais cheval, à quelles marques on les connoît, leurs maladies & les remedes qui leur conviennent.

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DE LA QUALITÉ DIVERSE DES TERRES.

AVANT toutes chofes, il faut confidérer les qualités de la terre qu'on a à cultiver. Une bonne terre doit être de couleur noire, grisâtre, tenir un peu aux doigts quand on la manie, répandre une odeur agréable après la pluie, n'être pas trop fangeufe, avoir deux ou trois pieds de profondeur de bon fonds. On juge que le fonds d'une terre eft bon, quand fes productions font vigoureuses & nombreuses, les prés abondans, les plantes larges & épaiffes, les arbres de belle venue & pouffant de beaux jets.

Les terres font de plufieurs fortes; 1o. les terres fortes ou franches : telles font celles dont nous venons de parler: elles font excellentes pour le bled-froment & autres grains. On appelle auffi terres fortes celles qui le font trop, comme la terre argilleufe qui eft gluante, lourde, tenace, difficile à cultiver; & la terre glaise qui est massive & visqueuse. 2°. Les terres fablonneufes & pierreuses: elles demandent des labours profonds. 3°. Les terres humides : elles font ftériles dans les années pluvieuses. 4°. Les terres légeres & fablonneufes : les plants y périffent on y doit répandre du fumier de vache, avec des boues qu'on a laiffé égoutter; couvrir le fumier de fable, les labourer en tems chaud, y femer du méteil (bled mêlé de froment & de feigle), du ris, &c. 5o. Les terres pierreufes : elles font légeres on doit les labourer dans un tems chaud, les fumer avec du fumier de. mouton, en ôter les pierres : celles qui ont des

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cailloux noirâtres ou pierres à fufil ne valent rien. 6°. Les terres meubles font celles qui font faciles à labourer: on les rend douces à force de labours & d'engrais; ce qu'on appelle ameublir. 7°. Les terres neuves font des terres portées d'un lieu dans un autre. 8°. Les terres novales font toutes celles qui ne portoient que du bois ou de l'herbe, & que l'on change par. le labour en terres à grain.

On laiffe repofer ordinairement les terres à grain de trois années une, où feulement la cinquiéme année, felon que le fonds eft plus ou moins gras. Delà il fuit que toutes fortes de terres ne peuvent pas produire toutes fortes de grains: ainfi pour le froment il faut des terres fortes & limonneufes. Pour le feigle, il vient fort bien dans une médiocre & légere. L'orge, l'avoine, le bled farrafin ou bled noir, le millet veulent des terres fablonneufes.

Les terres pour être mises en valeur & pouvoir rapporter ont befoin de culture, laquelle fe fait par un amendement, des labours & des engrais. Les terres fortes demandent un labour fréquent & un léger engrais : les terres maigres, au contraire, veulent un fort engrais & un léger labour.

DES LABOURS POUR LES TERRES A BLED.

On doit donner trois labours aux terres à bled avant de les enfemencer; le premier en automne : il eft pour ouvrir la terre & détruire les mauvaises herbes : on doit faire les raies les plus droites & les plus près l'une de l'autre

qu'il fe peut; enfuite on caffe les mottes avec la herfe. Le fecond fe fait après l'hiver : il eft pour la même fin. Le troifiéme eft celui qui précede la femaille : il doit être profond, & on doit fumer les terres avant que de le donner.

On donne feulement deux labours aux terres à menus grains; le premier avant l'hiver, le fecond avant de femer.

DE LA SEMENCE, ET DE L'ACTION

DE SEMER.

On doit choisir le meilleur bled, de quel que ce foit le bon froment, par exemple, doit être d'un gris blanchâtre, rond, pesant, sonnant, ferme fous la dent, parfaitement criblé & purifié de toute graine étrangere, & tiré d'un terroir diftant de quelques lieues de celui où il doit être employé : il eft d'usage de faire paffer la femence par une leflive de chaux vive, ce qu'on appelle échaulage. Pour cet effet, on le met tremper durant cinq ou fix heures dans une faumure faite exprès. Cette précaution empêche que le bled ne foit charbonné ou noir.

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Le tems de femer eft en automne, fur la fin de Septembre & partie d'Octobre, mais tou jours par un beau tems, à l'égard du froment, du feigle, du méteil, de l'épeautre, de l'efcourgeon on feme au printems l'avoine, l'orge les lentilles, les féveroles & autres graines qu'on appelle les Mars. On doit commencer par les plaines le bled femé de bonne heure leve mieux on commence par le feigle, enfuite l'efcourgeon, le méteil, enfin le froment.

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