Page images
PDF
EPUB

Conseil tenu par les Rats.

Un chat, nommé Rodilardus,
Faisoit des rats telle déconfiture,

Que l'on n'en voyoit presque plus,
Tant il en avoit mis dedans la sépulture.
Le péu qu'il en restoit, n'osant quitter son trou,
Ne trouvoit à manger que le quart de son sou;
Et Rodilard passoit, chez la gent misérable,
Non pour un chat, mais pour un diable.
Or, un jour qu'au haut et au loin

Le galant alla chercher femme,

Pendant tout le sabbat qu'il fit avec sa dame,
Le demeurant des rats tint chapitre en un coin
Sur la nécessité présente.

Dès l'abord, lear doyen, personne très-prudente,
Opina qu'il falloit, et plutôt que plus tard,
Attacher un grelot au cou de Rodilard;

Qu'ainsi, quand il iroit en guerre,

De sa marche avertis, ils s'enfuiroient sous terre:
Qu'il n'y savoit que ce moyen.
Chacun fut de l'avis de monsieur le doyen:
Chose ne leur. parut à tous plus salutaire.
La difficulté fut d'attacher le grelot.

L'un dit: Je n'y vas pas, je ne suis pas si sot:
L'autre Je ne saurois. Si bien que sans rien faire
On se quitta. J'ai maint chapitres vas,
Qui pour néant se sont ainsi tenus;
Chapitres, non de rats mais chapitres de moines;
Voire chapitres de chanoines.

[ocr errors]

Ne faut-il que délibérer ?

La cour en conseillers foisonne.
Est-il besoin d'exécuter?

L'on ne rencontre plus personne.

Vespertilio et duæ Mustela.

IMPETE præcipiti dum vespertilio fertur

Mustela in nidun se malecautus agit.

[ocr errors]

Hæc vetus in mures odium alto pectore servans Advolat, iminiti quò ferat ore necem.

Quid tua gens toties mihi cum sit adorta nocere, Tu tamen ante oculos ausus adesse meos!

Dic agedum: nonne es murino sanguine cretus? Vocibus ambiguis ne mihi vera tege.

Credo equidem mus es, vel jam mustela negabor, Parce, misellus ait, non mihi tale genus.

Mus ego? me murem tibi rettulit improba lingua;
Gratia dîs, mater me mea fecit avem.

Si mihi nil credis, pennas en aspice, vivant
Queis secat ærias mobilis ala plagas.
Credita res, adeò causam feliciter egit,
Inque sua illæso tecta redire datur.

Post paulo alterius ruit inconsultus in antrum
Mustela, aligeri quæ gregis hostis erat.

Hic nova causa metûs, longo domina ore parabat
Huic tanquam volucri deptoperare necem,

Me volucrem! tantum procul me dedecus absit;
Non advertis? avem quid, nisi pluma, facit?
Nobile duco genus murino sanguine, mures
Vivite, vos feles, deleat ira Jovis.

Sic hostes geminos, geminatâ fraude fefellit,
Bis vitam solers expediisse suam,

Plurimus immutat dum belli insignia, sæpe
Elusit simili magna pericla dolo.

Vivat Tarquinius, vivat respublica, dicit
Astutus vir, ubi res-ve locus-ve petunt.

La Chauve-souris et les deux Belettes.

UNE chauve-souris donna tête baissée
Dans un nid de belette; et si-tôt qu'elle y fut,
L'autre, envers les souris de long-temps courroucée,
Pour la dévorer accourut.

Quoi! vous osez, dit-elle, à mes yeux vous produire,
Après que votre race a tâché de me nuire !
N'êtes-vous pas souris? Parlez sans fiction.
Oui, vous l'êtes; ou bien je ne suis pas belette.
Pardonnez-moi, dit la pauvrette,

Ce n'est pas ma profession.

Moi, souris! Des méchans vous ont dit ces nouvelles. Grâce à l'auteur de l'univers,

[ocr errors]

Je suis oiseau voyez mes ailes :

Vive la gent qui fend les airs!

Sa raison plut, et sembla bonne.
Elle fait si bien, qu'on lui donne
Liberté de se retirer.

Deux jours après, notre étourdie
Aveuglément se va fourrer

Chez une autre belette, aux oiseaux ennemis.
La voilà derechef en danger de sa vie.

La dame du logis, avec son long museau,
S'en alloit la croquer en qualité d'oiseau;
Quand elle protesta qu'on lui faisoit outrage.
Moi, pour telle passer! Vous n'y regardez pas.
Qui fait l'oiseau? c'est le plumage.

Je suis souris vivent les rats!

Jupiter confonde les chats!

Par cette adroite repartie

Elle sauva deux fois sa vie.

Plusieurs se sont trouvés qui d'écharpe changeans,
Aux dangers, ainsi qu'elle, ont souvent fait la figue.
Le sage dit, selon les gens,
Vive le roi vive la ligue!

Leo et Culex.

VILE genus, malè progenuit quod putrida turpi
Terra sinu, aligerum dedecus, esto procul.
In culicem hæc jactasse leo convicia fertur,
Quem vocat indignans in fera bella culex ;
Nempe putas regis nomen (quo, stulte, superbis)
Esse mihi cure vel dare posse metum ?
Te mole immani taurus, te robore vincit;
Hunc tamen ad nutum flecto, reflecto, meum.
Talia vix fatus, dat signa, strepentibus alis,
Ipse suus tubicen, ductor et ipse suus.
Nec mora; se se infert campo, tempusque secundum
Captat, et invadit colla superba feri;

Insanit quadrupes, rugit, spumam evomit ore,
Scintillasque vibrans lumen utrumque ruber.
Agricolæ trepidi latitant, habet omnia terror;
Quæ motus tanti causa metûsque? Culex.
Quò se cumque leo ferat, indefessa lacescit
Muscula, sexcentis insequiturque locis.
Nunc rostro infigit jaculum, nunc vellicat armos,
Nunc, veluti latebram, concava naris adit.
Crescit in immensum rabies effræna leonis ;
Hostis at invisus jam sibi plaudit ovans:
Dum, dentes quot habet, quot et ungues bellua, certant
Frendentem horrendis dilacerare modis.

Cauda immanè sonans frustra leo verberat auras
Insontes, creber tundit utruinque latus;
Summus anhelantem frangit furor, edomat; ægro
Deficiunt animi, victus et ecce jacet.

Partâ laude tumens discedit musca; triumphum,
Ut pugnam cecinit, sic canit ipsa suum.
Omnia pervolitans loca, dum rem vulgat, arachnes
Se temerè in laqueos injicit, inque necem.
Hinc edisce duo primum: mala ferre potenti
Hostis vel miniinus maxima sæpe valet.
Deinde, graves valuit qui mox eludere casus
Hunc subito mergit funere causa levis.

Le Lion et le Moucheron.

VA-T'EN, chetif insecte, excrément de la terre!
C'est en ces mots que le lion
Parloit un jour au moucheron.
L'autre lai déclara la guerre:

Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi
Me fasse peur ni me soucie?

Un boeuf est plus puissant que toi;
Je le mène à ma fantaisie.

A peine il achevoit ces mots,
Que lui-même il sonna la charge,
Fut le trompette et le héros.

Dans l'abord il se met au large,
Puis prend son temps, fond sur le cou
Du lion qu'il rend presque fou.

Le quadrupède écume, et son œil étincelle;
Il rugit. On se cache, on tremble à l'environ;
Et cette alarme universelle

Est l'ouvrage d'un moucheron.

Un avorton de mouche en cent lieux le harcele;
Tantôt pique l'échine, et tantôt le museau,
Tantôt entre au fond du naseau.
La rage alors se trouve à son faîte montée.
L'invisible ennemi triomphe, et rit de voir
Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée.
Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir.
Le malheureux lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs,
Bat l'air qui n'en peut mais: et sa fureur extrême
voilà sur les dents.

Le fatigue, l'abat : le
L'insecte du combat se retire avec gloire :
Comme il sonna la charge, il sonne la victoire,
a par-tout l'annoncer, et rencontre en chemin
L'embuscade d'une araignée :

Va

Il y rencontre aussi sa fin.

Quelle chose par-là peut nous être enseignée ?
J'en vois deux dont l'une est qu'entre nos ennemis
Les plus à craindre sont souvent les plus petits;
L'autre, qu'aux grands périls tel a pu se soustraire,
Qui perit pour la moindre affaire.

« PreviousContinue »