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autre mode que l'on met au temps et à la personne qu'exige le sens; on dira donc c'est pour que nous fassions des heureux que le Seigneur nous donne; c'est pour que je rende service à tes parents que je t'instruis; ou c'est pour qu'il fasse des heureux que le Seigneur nous donne; c'est pour que tu rendes service à tes parents que je t'instruis.

582.-Remarque. On sous-entend quelquefois le mot auquel se rapporte l'infinitif; mais il faut alors que l'esprit le supplée facilement, et que le rapport de l'infinitif avec ce mot sous-entendu n'offre rien de louche, rien qui puisse obscurcir le sens de la phrase. Tel est l'emploi de l'infinitif dans les phrases suivantes: la comédie est faite pour RIRE; le savoir est trop précieux pour le NÉGLIGER; la nuit se passa sans DORMIR, dans lesquelles on voit clairement que le pronom nous est sous-entendu, et que c'est à ce pronom que se rapporte l'infinitif. C'est comme s'il y avait la comédie est faite pour que nous riions; le savoir est trop précieux pour que nous le négligions; la nuit se passa sans que nous dormissions.

583.-Au surplus, lorsque l'emploi de l'infinitif ne présente rien de louche, on doit préférer ce mode à l'indicatif et au subjonctif, qui rendent le style diffus et languissant. Ainsi, au lieu de il vaut mieux qu'ON SOIT malheureux que criminel; mon frère est certain qu'IL RÉUSSIRA, il est mieux de dire: il vaut mieux ÊTRE malheureux que criminel; mon frère est certain de RÉUSSIR.

584.-L'infinitif peut être le complément d'un autre verbe, ou sans le secours d'une préposition, ou à l'aide de certaines prépositions, dont les plus usitées, en pareil cas, sont à et de.

585.-L'infinitif n'est précédé d'aucune préposition après aimer mieux, compter, croire, daigner, devoir, entendre, faire, falloir, s'imaginer, laisser, oser, pouvoir, prétendre, savoir, sentir, vouloir.

J'ai cru n'avoir au ciel que des grâces à rendre. Ah! demeurez, seigneur, et daignez m'écouter. (RACINE.) Je voudrais inspirer l'amour de la retraite. (LA FONTAINE.) 586.-L'infinitif est précédé de la préposition à après aimer, aider, s'attendre, s'entendre, autoriser, balancer, consentir, décider, désapprendre, encourager, exhorter, habituer, hésiter, s'obstiner, penser, persister, renoncer, répugner, etc.

Elle aimait à prévenir les injures par sa bonté.
Je consens à me perdre afin de le sauver.
J'ai voulu m'obstiner à vous être fidèle.

(Boss.) (CORNEILLE) (RACINE.)

587.-L'infinitif est précédé de la préposition de après appréhender, craindre, dédaigner, défier, se dépêcher, déses pérer, désirer, détester, différer, discontinuer, espérer, gagner, regretter, souhaiter, soupçonner, etc.

Je demande sa tête, et crains DE l'obtenir.
Ils ont désespéré D'avoir mon secret.

(CORNEILLE.) (LA BRUYÈRE)

Je défiais ses yeux DE me troubler jamais. (RACINE.) 588.-Remarque. On peut supprimer la préposition de après les verbes désirer, détester, espérer, souhaiter, et dire: je désire DE sortir, ou je désire sortir, etc. C'est le goût et l'oreille qui en décident.

589.-L'infinitif est précédé de la préposition à ou de après continuer, contraindre, déterminer, s'empresser, engager, essayer, faillir, forcer, obliger, résoudre, solliciter, souffrir, tarder. C'est également le goût et l'oreille qu'il faut consulter :

Il contraignit cinq légions romaines à poser les armes sans combat.

Et lui-même au torrent nous contraint DE céder.

(BOSSUET.) (RACINE.)

590.-Il est dans le génie de notre langue d'admettre deux infinitifs de suite, et, dans ce cas, le second est complément du premier: je veux le lui FAIRE SAVOIR. Je n'ose leur PERMETTRE D'ÉCRIRE. Mais trois ou quatre infinitifs employés de cette manière rendent le style diffus, désagréable pour l'oreille, et sont contraires à l'usage de nos bons écrivains. Ne dites donc pas je crois POUVOIR ALLER VOIR vos parents.-N'allez pas CROIRE SAVOIR FAIRE JOUER tous les ressorts de l'éloquence. Il faut alors diminuer le nombre des infinitifs, en se servant d'un autre mode: je crois que je pourrai aller voir vos parents.-N'allez pas croire que vous sachiez faire jouer tous les ressorts de l'éloquence.

CHAPITRE VIII.

DU PARTICIPE PRÉSENT.

591. Le participe présent est toujours in variable.

Le temps est un vrai brouillon, mettant, remettant, rangeant, dérangeant, imprimant, effaçant, rapprochant, éloignant et rendant toutes choses bonnes ou mauvaises. (MADAME DE SÉVIGNÉ.)

592. Il ne faut pas confondre le participe présent avec l'adjectif verbal (voy. n° 50); celui-ci, terminé également par ant, s'accorde en genre et en nombre avec le mot qu'il qualifie :

Des esprits bas et rampants ne s'élèvent jamais au sublime.
(GIRARD.)

La passion dominante de César était l'ambition.

593.-Le participe présent exprime une action, et peut se remplacer par un autre temps du verbe précédé de qui, ou d'une des conjonctions lorsque, parce que, puisque, etc.: c'est un homme d'un bon caractère, OBLIGEANT ses amis, quand l'occasion s'en présente.-Ces hommes, PRÉVOYANT le danger, se mirent sur leurs gardes.-Les hommes AIMANT tout le monde, n'aiment ordinairement personne. On peut dire : qui oblige ses amis, qui prévoyaient le danger, qui aiment tout le monde.

594.-L'adjectif verbal marque l'état, la manière d'être du mot auquel il se rapporte, et peut se construire avec un des temps du verbe être : ce sont des hommes OBLIGEANTS.— Ces hommes PRÉVOYANTS ont aperçu le danger.—Les personnes AIMANTES ont plus de jouissances que les autres. On peut dire des hommes qui sont obligeants; des hommes qui sont prévoyants; des personnes qui sont aimantes.

595.-Le qualificatif en ant est participe prèsent quand il a un complément direct, parce qu'alors il y a action, ce complément étant toujours l'objet d'une action:

Cette réflexion embarrassant notre homme,

On ne dort point, dit-il, quand on a tant d'esprit.
Vois ces groupes d'enfants se jouant sous l'ombrage.

(LA F.)

(DEL.)

596.-Le qualificatif en ant est ordinairement adjectif verbal quand il n'a aucune espèce de complément, parce qu'alors il exprime presque toujours l'état :

Un geste pittoresque et des regards parlants.

(F. DE NEUF.)

On apercevait sur la mer des mâts et des cordages flottants. 597.-Le qualificatif en ant qui n'a qu'un complément indirect est ou participe présent ou adjectif verbal: participe présent, quand le sens indique l'action, et adjectif verbal, lorsque le sens indique la situation, l'état:

On voit la tendre rosée dégouttant des feuilles.
On voit la sueur ruisselant sur leur visage.

Dans ces phrases le sens est: la rosée QUI DÉGOUTTE des feuilles; la sueur QUI RUISSELLE sur leur visage; c'est de l'action qu'il s'agit: dégouttant, ruisselant, sont donc des participes présents, et doivent rester invariables.

Voyez-vous ces feuilles dégouttantes de rosée !
Voyez sa figure ruisselante de sueur.

Dans ces deux dernières, au contraire, c'est l'état, la manière d'être qu'on exprime; car le sens est qui SONT DÉGOUTTANTES de rosée, qui EST RUISSELANTE de sueur; dégouttantes, ruisselante, sont conséquemment des adjectifs verbaux, et doivent s'accorder avec les substantifs feuilles et figure, qu'ils qualifient.

598.-Remarque. Le qualificatif en ant est participe présent, et par conséquent toujours invariable:

1o Lorsqu'il est accompagné d'une négation: des écoliers NE TRAVAILLANT PAS, N'AIMANT PAS l'étude, ne répondant pas aux soins qu'on leur donne.

20 Lorsqu'il est précédé de la préposition en, exprimée ou sous-entendue: les hommes apprennent à vaincre leurs passions EN les COMBATTANT. La mer MUGISSANT ressemblait à une personne irritée, c'està-dire, en mugissant. Le participe présent précédé de la préposition en se nomme gérondif.

CHAPITRE IX.

DU PARTICIPE PASSÉ.

Participe passé sans auxiliaire.

599.-Le participe passé employé sans auxiliaire s'accorde, comme l'adjectif, en genre et en nombre avec le mot auquel il se rapporte :

Que de remparts détruits, que de villes forcées;
Que de moissons de gloire en courant amassées !

(BOIL.)

Les inimitiés sourdes et cachées sont plus à craindre que les haines ouvertes et déclarées.

600.-Exception. Les participes excepté, supposé, passé, employés sans auxiliaire, sont invariables quand ils sont placés avant le mot qu'ils modifient: EXCEPTÉ mes amis, SUPPOSE ces faits, PASSE cette heure.

601. Il en est de même des participes approuvé, certifié,

vu, placés au commencement d'une phrase dans certaines formules administratives ou judiciaires: APPROUVÉ l'écriture ci-dessus; CERTIFIÉ la présente copie conforme à l'original; vv par la cour les pièces mentionnées. (Dictionn. de l'Acad., 6 édit.)

Mais on dirait avec accord: mes amis EXCEPTÉS; ces faits SUPPOSÉS; cette heure PASSÉE; l'écriture ci-dessus APPROUVÉE; la présente copie CERTIFIÉE conforme, les pièces mentionnées VUES par la cour; attendu que les participes excepté, supposé, passé, approuvé, certifié, vu, sont précédés des mots qu'ils modifient.

Participe passé avec ÊTRE.

602.--Le participe passé, accompagné de l'auxiliaire être, s'accorde avec le sujet du verbe :

Le fer est émoussé, les bûchers sont éteints.

La vertu obscure est souvent méprisée.

(MASSILLON.)

Les Grecs étaient persuadés que l'ame est immortelle.

(BARTHÉLEMY.) 603.-Quelquefois le sujet est placé après le participe, mais cela ne change rien à l'accord: quand il vit l'urne où étaient RENFERMÉES les CENDRES d'Hippias, il versa un torrent de armes. (Fénelon.)

Participe passé avec AVOIR.

604.-Le participe passé accompagné de l'auxiliaire avoir s'accorde avec son complément direct lorsqu'il en est précédé, et reste invariable quand le complément direct est placé après le participe, ou qu'il n'y a pas de complément de cette nature.

Ainsi l'on écrira avec accord :

Voici la lettre que j'ai reçue ;
Voici les lettres que j'ai reçues ;
Où est ton livre ?-je l'ai perdu;
Où est ta plume ?-je l'ai perdue;
Où sont tes livres ?-je les ai perdus ;
Ils m'ont félicité;

Il nous a felicités;

Mon fils, nous l'avons récompensé ;

Mes fils, je vous ai récompensés;

Quelle peine j'ai éprouvée !

Que de désagréments ils m'ont causés i

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