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389.-L'adjectif employé adverbialement, c'est-à-dire, pour modifier un verbe, est toujours invariable: ces livres coûtent CHER, ces fleurs sentent BON, ils marchent VITE.

390.-Les adjectifs composés (51) sont soumis aux quatre règles suivantes, qui ont beaucoup de rapport avec celles des substantifs composés.

391.-1° Quand un adjectif composé est formé de deux adjectifs, ils varient l'un et l'autre en genre et en nombre; tels sont aveugle-né, premier-né, mort-né, ivre-mort, sourdmuet: des hommes IVRES-MORTS, des femmes SOURDES-MUETTES.

392.-Exception. Dans les adjectifs composés qui commencent par mi, demi, semi, comme mi-parti, demi-barbare, semi-périodique, les adjectifs mi, demi, semi, restent toujours invariables: une étoffe MI-partie blanche et noire; des peuples DEMI-civilisés des appartements SEMI-doubles.

393.-2° Quand un adjectif composé est formé de deux adjectifs dont le premier est employé adverbialement, comme nouveau-né, clair-semé, aigre-doux, court-vêtu, court-jointé, long-jointé, qui sont pour nouvellement né, clairement semé, aigrement doux, etc., le second adjectif seul s'accorde: une fille NOUVEAU-NÉE, des enfants NOUVEAU-NÉS; des hommes COURT-VÊTUS, des femmes COURT-VÊTUES.

394. Excepté frais-cueilli et tout-puissant, qui, par raison d'euphonie, font au féminin singulier fraîche-cueillie, toutepuissante, et au féminin pluriel fraîches-cueillies, toutespuissantes.

395.-3° Quand un adjectif composé est formé d'un mot invariable (adverbe ou préposition) et d'un adjectif, ce dernier seul varie; tels sont bien-aimé, bien-disant, mal-avisé, avant-dernier, contre-révolutionnaire: des enfants BIEN-AIMÉS, les AVANT-DERNIERS événements.

396.-4° Les deux adjectifs composés brèche-dents (qui a une brèche entre les dents) et chèvre-pieds (qui a des pieds de chèvre) s'écrivent comme l'indique la décomposition de ces mots, c'est-à-dire, avec les mots brèche et chèvre toujours au singulier, et les mots dents et pieds toujours au pluriel, quel que soit le nombre du substantif que ces deux adjectifs modifient un homme BRÈCHE-DENTS, des hommes BRÈCHEDENTS, un dieu CHÈVRE-PIEDS, des dieux CHÈVRE-PIEDS.

397.-L'adjectif reçoit la loi du substantif, mais il ne la lui fait jamais. Conséquemment il est contre la grammaire de dire:

Les littératures française et italienne ;

Les langues grecque et latine;

Les histoires ancienne et moderne.

Ces exemples sont elliptiques; des deux adjectifs que chacun renferme, l'un modifie un substantif exprimé, et l'autre un substantif sous-entendu; c'est comme s'il y avait : la littérature française et (la littérature) italienne ;-la langue grecque et (la langue) latine ;-l'histoire ancienne et (l'histoire) moderne. Puisque le substantif énoncé dans chacun de ces exemples exprime l'unité, il est évident que les adjectifs qui l'accompagnent ne sauraient lui faire prendre la marque du pluriel. Il faut dire conséquemment: la littérature française et l'italienne; la langue grecque et lu latine; l'histoire ancienne et la moderne, ou en répétant le substantif: la littérature française et la littérature italienne; la langue grecque et la langue latine; l'histoire ancienne et l'histoire moderne.

398.-La même chose a lieu avec les adjectifs ordinaux, comme le premier, le second, etc., et avec l'un et l'autre. On doit dire le premier et le second ETAGE; le cinquième et le sixième CHAPITRE; l'un et l'autre METAL; et non pas : LES premier et second ÉTAGES; LES cinquième et sixième CHAPITRES; l'un et l'autre MÉTAUX. Ces phrases équivalant à celles-ci: le premier (étage) et le second étage, le cinquième (chapitre) et le sixième chapitre, l'un (métal) et l'autre métal, il est évident que les substantifs étage, chapitre, métal, ne sauraient être mis au pluriel.

399.-Deux adjectifs dont le premier est qualifié par le second restent tous les deux invariables: des cheveux CHÂTAIN

CLAIR, des étoffes ROSE TENDRE. La raison en est que le premier adjectif est pris substantivement: c'est comme s'il y avait d'un châtain clair, d'un rose tendre.

400. Certains adjectifs ne conviennent qu'aux personnes, comme consolable, inconsolable, intentionné; d'autres ne conviennent qu'aux choses, comme pardonnable, impardonnable, contestable, incontestable, inestimable, inévitable. D'où il suit

qu'on ne doit pas dire: une douleur inconsolable; une personne pardonnable, impardonnable; un homme inestimable. Selon l'Académie, déplorable se dit des personnes et des choses.

Il n'y a que l'usage et la lecture des bons auteurs qui puissent servir de guide dans l'emploi de ces adjectifs.

401.-Il y a des adjectifs qui se mettent avant le substantif: beau jardin, grand arbre, etc.; d'autres qui ne se placent qu'après: habit rouge, table ovale, maison neuve, etc. Enfin un grand nombre précèdent ou suivent le substantif, selon que l'oreille et le goût l'exigent: véritable ami, ami véritable, charmante maison, maison charmante.

402.-Il y a aussi des adjectifs qui changent la signification du substantif, selon qu'ils sont placés avant ou après; par exemple:

Un brave homme signifie un homme qui a de la bonhomie et de la probité.

Un homme brave désigne un homme qui a de la bravoure.
Un honnête homme est un homme qui a de la probité.
Un homme honnête signifie un homme poli.

Un pauvre homme est un homme sans capacité.

Un homme pauvre désigne un homme dépourvu de fortune.

La différence n'est pas moins sensible entre grand homme et homme grand, galant homme et homme galant, etc.

C'est à l'usage qu'il appartient de faire connaître la place que doivent occuper certains adjectifs.

Complément de deux adjectifs.

403.-Deux adjectifs peuvent n'avoir qu'un seul et même complément, pourvu qu'ils régissent l'un et l'autre la même préposition: il est utile et cher À SA FAMILLE. En effet on dit: utile à, cher à.

404. Si les deux adjectifs ne régissent pas la même préposition, comme utile, qui exige à, et chéri, qui demande de, il faut donner à chaque adjectif le complément qui lui convient il est utile À SA FAMILLE, et EN est chéri.—Il est utile et chéri DE sa famille serait une faute extrêmement grave.

CHAPITRE V.

DES ADJECTIFS DÉTERMINATIFS.

405.-VINGT et CENT sont les seuls adjectifs numéraux cardinaux susceptibles de prendre la marque du pluriel.

Vingt et cent prennent une s, lorsqu'ils sont multipliés par un autre nombre: quatre-VINGTS soldats; trois CENTS chevaux; ils sont quatre-VINGTS; il y en a deux CENTS.

406.-Exception. Vingt et cent, quoique multipliés, rejettent la marque du pluriel, quand ils sont suivis d'un autre nombre; quatre-VINGT-cinq soldats, trois CENT dix chevaux.

407.-Remarque. Vingt et cent employés pour vingtième, centième, restent toujours invariables, parce qu'alors ils qualifient un substantif singulier, exprimé ou sous-entendu: chapitre quatre-vingt, page deux cent; en l'an sept cent quatre-vingt, en huit cent; c'est-à-dire, chapitre quatre-vingtième, page deux centième; en l'an sept cent quatrevingtième, en (l'an) huit centième.

408.-MILLE s'écrit de trois manières :

Mil, dans la supputation des années; c'est une abréviation de mille: l'Amérique a été découverte en l'an MIL-quatre-cent quatre-vingt-douze.

Mille, quand il signifie dix fois cent: nos troupes firent cing MILLE prisonniers.

Dans ces deux cas il rejette toujours la marque du plurie.. Mille, avec une s au pluriel, pour représenter une mesure de chemin, et alors il est substantif commun: trois MILLES d'Angleterre font un peu plus d'une lieue de France.

409.-Les autres adjectifs numéraux restent invariables, lors même qu'ils sont employés substantivement: Voici Mėlitus, le chef des ONZE. (Volt.)--Million et milliard, étant des substantifs communs, prennent la marque du pluriel: deux MILLIONS d'habitants, trois MILLIARDS de francs.

410.-Les adjectifs possessifs doivent être remplacés par l'article, quand le sens indique clairement quel est l'objet possesseur: J'AI mal à LA tête. Pierre s'est cassé LA jambe, etc. Il est évident qu'il s'agit ici de ma tête et de la jambe de Pierre; les adjectifs possessifs ma, sa, n'ajouteraient rien

au sens.

Il n'en est pas de même quand je dis je vois que LA jambe enfle; Pierre a perdu L'argent; le sens est équivoque, on ne sait si c'est ma jambe ou celle d'un autre que je vois enfler; si c'est son argent ou celui de Paul que Pierre a perdu. L'équivoque disparaît si l'on dit: je vois que MA jambe enfle; Pierre a perdu SON argent.

On fait aussi usage de l'adjectif possessif pour désigner une chose habituelle: MA migraine m'a repris; sa goutte le

tourmente.

411.-Les adjectifs possessifs notre, votre, leur, se mettent au pluriel, lorsqu'ils se rapportent à plusieurs unités prises collectivement, et présentant alors une idée de pluralité ainsi on écrira avec le pluriel :

Tous ces maris étaient au bal avec leurs femmes.

Ces dames avaient des fleurs sur leurs chapeaux.

Ces enfants (ils ne sont pas frères) ont perdu leurs pères.

Ces deux négociants ont vendu leurs maisons (ils en avaient chacun une).

Nous attendions nos voitures (chacun de nous avait la sienne).
Mesdames, vous avez oublié vos éventails.

Ce sont des unités, parce que chacune des personnes dont il s'agit n'a qu'une femme, qu'un chapeau, qu'un père, qu'une maison, qu'une voiture, qu'un éventail; et ces unités sont prises collectivement, par la raison que plusieurs personnes ayant chacune une femme, un chapeau, etc., il y a conséquemment plusieurs femmes, plusieurs chapeaux, plusieurs pères, plusieurs maisons, plusieurs voitures, plusieurs éventails. Le singulier serait un contre-sens, puisqu'il annoncerait que les maris n'avaient qu'une femme, qu'il n'y avait qu'un chapeau pour plusieurs dames, etc. Voici quelques exemples à l'appui de cette règle:

Les époux s'interrompaient entre eux pour se parler de leurs épouses. (FLORIAN.)

Les tendres soins que vous rendez à vos parents font souhaiter à toutes les meres de vous donner pour épousé à leurs fils.

(MARMONTEL.) Ils entassaient dans leurs chapeaux des pièces d'or et d'argent.

Quelques matelots fumaient leurs pipes en silence.

(LE SAGE.)

(CHATEAUBRIAND.)

Ces festons dans nos mains, et ces fleurs sur vos têtes,
Autrefois convenaient à nos pompeuses fêtes.

(RACINE.)

412.-Exception. Malgré l'idée collective, notre, votre, leur, se mettent au singulier, quand ils se rapportent à un substantif qui ne s'emploie pas au pluriel, comme humanité, faim, soif, santé, etc: nous sommes mécontents de NOTRE SANTE; messieurs, modérez VOTRE IMPATIENCE; je plains LEUR SORT. En effet, nous ne disons pas : des santés, des impatiences, des sorts, du moins dans le sens où ils sont employés ici.

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