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HORA СЕ,

TRAGÉDIE.

P. Corn. Tome IV.

+

A MONSEIGNEUR

MONSEIGNEUR

LE CARDINAL

DUC

DE RICHELIEU.

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M

ONSEIGNEUR,

Je n'aurois jamais eu la témérité de préfenter à votre Eminence ce mauvais portrait d'Horace, fi je n'euffe confidéré qu'après tant de bienfaits que j'ai reçûs d'elle, le filence où mon respect m'a retenu jufqu'à préfent, passeroit pour ingratitude, & que quelque jufte defiance que j'aye de mon travail, je dois avoir encore plus de confiance en votre bonté. C'est d'elle que je tiens tout ce que je fuis, & ce n'est pas fans rougir que pour toute reconnoissance je vous fais un préfent fi peu digne de vous, & fi peu proportionné à ce que je vous dois. Mais dans cette confufion, qui m'eft commune avec tous ceux qui écrivent, j'ai cet avantage qu'on ne peut fans quelque injuftice condamner mon choix, & que ce généreux Romain que je mets aux pieds de votre Eminence

eût pú paroître devant elle avec moins de honte, fi les forces de l'artifan euffent repondu à la dignité de la matiere: J'en ai pour garant l'auteur dont je l'ai tirée, qui commence à décrire cette fameufe hiftoire par ce glorieux éloge, qu'il n'y a prefque aucune chofe plus noble dans toute l'antiquité. Je voudrois que ce qu'il a dit de l'action fe pût dire de la peinture que j'en ai faite, non pour en tirer plus de vanité, mais feulement pour vous offrir quelque chofe un peu moins indigne de vous être offert. Le fujet étoit capable de plus de grace, s'il eût été traité d'une main plus favante, mais du moins il a reçû de la mienne toutes celles qu'elle étoit capable de lui donner, & qu'on pouvoit raisonnablement attendre d'une Mufe de province, qui n'étant pas affez heureuse pour jouir souvent des regards de votre Eminence, n'a pas les mêmes lumieres à fe conduire qu'ont celles qui en font continuellement éclairées. Et certes, MONSEIGNEUR, ce changement visible qu'on remarque en mes ouvrages, depuis que j'ai l'honneur d'être à votre Eminen ce, qu'est-ce autre chofe qu'un effet des grandes idées qu'elle m'infpire, quand elle daigne fouffrir que je lui rende mes devoirs; & à quoi peut-on attribuer ce qui s'y mêle de mauvais qu'aux teintures groffieres que je reprens quand je demeure abandonné à ma propre foibleffe? Il faut, MONSEIGNEUR, que tous ceux qui donnent leurs veilles au théatre, publient hautement avec moi, que nous vous avons deux obligations très-fignalées ; l'une d'avoir ennobli le but de l'art, l'autre de nous en avoir facilité les connoissances. Vous avez ennobli le but de l'art, puifqu'au lieu de celui de plaire au peuple que nous prefcrivent nos maîtres, & dont les deux plus honnêtes gens de leur fiécle, Scipion & Lælie, ont autrefois protesté de fe contenter, vous nous avez donné celui de vous plaire & de vous divertir, & qu'ainfi nous ne Tendons pas un petit service à l'état, puisque, contribuant à vos divertiffemens, nous contribuons à l'entretien d'une fanté qui lui eft fi précieuse & fi néceffaire. Vous nous en vez facilité les connoissances, puifque nous n'avons plus

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