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quelle assurance cela me donnait dans mon travail lorsque nous nous trouvions d'accord, et quel examen j'ai dû faire quand nous différions d'opinion.

J'ai parlé d'assurance dans mon travail : qu'on ne pense pas que cette assurance soit de la présomption. J'avouerai que je crois avoir fait beaucoup; mais qu'il y a loin de là à tout ce qu'il y avait à faire pour une bonne édition de Voltaire! Personne ne sent plus que moi mon insuffisance pour une si forte tâche. « C'en est une terrible, disait Voltaire 1, que d'être obligé d'avoir toujours raison dans quatorze tomes »; et c'est dans soixantedix qu'il me faudrait l'avoir eue. La bienveillance avec laquelle tant de personnes que je respecte ont accueilli mon travail ne m'aveugle pas. Je dois avoir failli très-fréquemment; et, comme le disait Bayle2, « je ne doute point qu'outre mes péchés d'omission, qui sont infinis, il ne m'en soit échappé un très-grand nombre de commission »>.

Malgré les mesures et précautions prises, il a été impossible d'achever l'édition en trois ans, comme le promettait le prospectus. L'impression aura duré cinq ans et demi; c'est encore plus d'un volume par mois. Un hiver rigoureux a forcé de suspendre les travaux de papeterie et d'imprimerie pendant près de deux mois. Une grande commotion politique est survenue, qui a ralenti les opérations commerciales; il a fallu le courage de M. Lefèvre pour mener à fin une lourde entreprise, que tout autre libraire que lui aurait, sinon abandonnée, du moins ajournée. Ces retardements ont profité à l'édition; ils m'ont donné le temps de me procurer des renseignements difficiles à obtenir.

Paris, 10 juin 1834, centenaire de la condamnation

des Lettres philosophiques.

P. S. Je m'aperçois que j'ai déjà dit que le 10 avril était le centenaire de la condamnation des Lettres philosophiques; c'est une faute que, suivant les principes de Bayle et de Gryphe, je relève à la plus belle place.

1. Lettre à Schouvalow, du 13 auguste 1762.

2. Paragraphe Iv de la préface de la première édition de son Dictionnaire historique et critique.

3. Voyez tome XXXI, page 2.

FIN DE LA PRÉFACE GÉNÉRALE DE BEUCHOT.

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PRINCIPALES CORRECTIONS

Tome I, p. 1, ligne 5 : « Membre de l'Académie française de la Crusca. » Il faut une virgule : « Membre de l'Académie française, de la Crusca. »>

Tome II, p. VI. « Dans la dix-huitième des Lettres sur les Anglais, publiées en 1732,» lisez en 1733, ou mieux en 1734 (33, l'édition en anglais; 34, l'édition en français).

Ibid., p. 38. « OEdipe dit à Jocaste (acte Ier...) », lisez : « OEdipe dit à Jocaste (acte III...) ».

Tome X, page 98, note 2, deuxième ligne. Il faut 1757, et non 1758.

Tome X, épître XI, à Samuel Bernard, p. 230. Cette épître, classée sous l'année 1716, ne peut être que de 1731 à 1733.

Tome X, épître à Mme Denis, p. 344.

1749, et non 1748.

Tome X, épître XCVII, p. 389. Cettre épitre, datée de 1766, est de 1765; elle se trouve dans l'Almanach des Muses de 1766, ou Choix des meilleures pièces de poésies fugitives, qui ont paru en 1765. C'est la réponse à une épître du chevalier de Boufflers qui commence ainsi :

Je fus, dans mon printemps, guidé par la folie.

Tome X, page 567, note 1 : « Le quatrain peut être de la même année (1761).» Bettinelli rendit visite à Voltaire au mois de novembre 1758. Voyez ci-après le récit qui fait partie des Documents biographiques. Le quatrain n° 227 des Poésies mélées est du mois de décembre suivant.

Tome XXI, p. 5, dernière ligne : « Cette édition, que Beuchot croit sortie des presses de Cramer. » M. Bengesco ne le croit pas, et il paraît même que l'indication de Beuchot ne se rapporte pas à cette édition, mais à une autre de la même année. L'édition de 1768 est, dit M. Bengesco, parisienne et corrompue. Peutêtre l'introduction des sommaires pourrait-elle se défendre tout de même. Ces intitulés n'auraient-ils pas été demandés à part à l'auteur? En tout cas, le lecteur reste juge de l'innovation; nous en avons fait surtout valoir l'utilité.

Tome XXII, p. 75. L'avertissement de Beuchot est reproduit tel quel; il s'y trouve quelques erreurs. Il doit être rectifié au moyen de l'article de la Notice bibliographique, tome L, page 530.

Tome XXIV, p. 155. Sur la date de ce Fragment d'une lettre de lord Bolingbroke, voyez la Notice bibliographique, tome L, page 560.

Tome XXV, page 188, note 2. Ajoutez : « Ce sonnet n'est pas de Zappi, mais de Filicaia ».

Tome XXXIII, page 451. Le dernier paragraphe de la lettre des 4 et 6 novembre à d'Argental ne peut être de l'année 1734, car d'Argental ne se maria qu'en 1737.

Tome XXXVI, page 359, dernière ligne. « Éditeurs, de Cayrol et François.» MM. de Cayrol et François ont en effet donné cette lettre dans leur recueil de 1856. Mais elle avait été antérieurement, en avril 1839, publiée à part par M. Serge Poltoratzki, de Moscou. Nous ne nous sommes pas fait une obligation de rechercher toujours le premier éditeur; mais, ici, il eût été juste de mentionner la plaquette de M. Poltoratzki de préférence au volume où elle a été réimprimée avec la date inexacte de 1750.

Tome XXXVIII, page 151. M. L.-D). Petit, de Leyde, dans le Livre du 10 novembre 1882, a relevé le post-scriptum suivant de la lettre 2675: « Je serai mis en prison pour votre ouvrage: voilà l'obligation que je vous aurai. »

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Les abréviations nombreuses employées dans les tables de la Correspondance s'expliqueront en recourant à chaque lettre et à la note qui l'accompagne. Il serait trop long et inutile d'en dresser ici le tableau.

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JUGEMENTS

SUR VOLTAIRE.

PREMIÈRE ÉPOQUE

DIDEROT.

On ne saurait arracher un cheveu à cet homme sans lui faire jeter les hauts cris. A soixante ans passés il est auteur, et, auteur célèbre, il n'est pas encore fait à la peine. Il ne s'y fera jamais. L'avenir ne le corrigera point. Il espérera le bonheur jusqu'au moment où la vie lui échappera. Qu'il nous conserve une vie que je regarde comme la plus précieuse et la plus honorable à l'univers. On a des rois, des souverains, des ministres, des juges en tout temps; il faut des siècles pour recouvrer un homme comme lui.

...

... C'est Voltaire qui écrit pour cette malheureuse famille des Calas. Oh! mon ami, le bel emploi du génie ! Il faut que cet homme ait de l'âme, de la sensibilité, que l'injustice le révolte, et qu'il sente l'attrait de la vertu. Eh! que lui sont les Calas? Qu'est-ce qui peut l'intéresser pour eux? Quelle raison a-t-il pour s'occuper de leur défense?

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Quand il y aurait un Christ, je vous assure que Voltaire serait sauvé. (Mémoires.)

MARMONTEL.

On sait avec quelle bonté Voltaire accueillait les jeunes gens qui s'annonçaient par quelques talents pour la poésie : le Parnasse français était comme un empire dont il n'aurait voulu céder le sceptre à personne au monde, mais dont il se plaisait à voir les sujets se multiplier...

Les conversations de Voltaire et de Vauvenargues étaient ce que jamais on peut entendre de plus riche et de plus fécond. C'était, du côté de Voltaire, une abondance intarissable de faits intéressants et de traits de lumière. C'était, du côté de Vauvenargues, une éloquence pleine d'aménité, de grâce et de sagesse. Jamais dans la dispute on ne mit tant d'esprit, de

douceur, de bonne foi, et, ce qui me charmait plus encore, c'était, d'un côté, le respect de Vauvenargues pour le génie de Voltaire, et, de l'autre, la tendre vénération de Voltaire pour la vertu de Vauvenargues...

Voltaire avait cherché la gloire par toutes les routes ouvertes au génie, et l'avait méritée par d'immenses travaux et par des succès éclatants; mais şur toutes ces routes il avait rencontré l'envie et toutes les furies dont elle est escortée. Jamais homme de lettres n'avait essuyé tant d'outrages, sans autre crime que de grands talents et l'ardeur de les signaler. On croyait être ses rivaux en se montrant ses ennemis; ceux qu'en passant il foulait aux pieds l'insultaient encore dans leur fange. Sa vie entière fut une lutte, et il y fut infatigable. Le combat ne fut pas toujours digne de lui, et il y eut encore plus d'insectes à écraser que de serpents à étouffer. Mais il ne sut jamais ni dédaigner ni provoquer l'offense : les plus vils de ses agresseurs ont été flétris de sa main; l'arme du ridicule fut l'instrument de ses vengeances, et il s'en fit un jeu redoutable et cruel. Mais le plus grand des biens, le repos, lui fut inconnu. (Mémoires.}

PALISSOT.

Il était frondeur à Londres, courtisan à Versailles, chrétien à Nancy, incrédule à Berlin. Dans la société, il jouait tour à tour les rôles d'Aristippe et de Diogène...

Il passait de la morale à la plaisanterie, de la philosophie à l'enthousiasme, de la douceur à l'emportement, de la flatterie à la satire, de l'amour de l'argent à l'amour du luxe, de la modestie d'un sage à la vanité d'un grand seigneur...

Ces contrastes singuliers ne se faisaient pas moins remarquer dans son physique que dans son moral. J'ai cru remarquer que sa physionomie participait à celle de l'aigle et à celle du singe: et qui sait si ces contrastes ne seraient pas le principe de son goût favori pour les antithèses ?... Combien de fois ne s'est-il pas permis d'allier à la gravité de Platon les lazzis d'ArJequin!

SABATIER DE CASTRES.

De grands talents, et l'abus de ces talents porté aux derniers excès; des traits dignes d'admiration, une licence monstrueuse; des lumières capables d'honorer son siècle, des travers qui en sont la honte; des sentiments qui ennoblissent l'humanité, des faiblesses qui la dégradent; tous les charmes de l'esprit, et toutes les petitesses des passions; l'imagination la plus brillante, le langage le plus cynique et le plus révoltant; de la philosophie, et de l'absurdité; la variété de l'érudition, et les bévues de l'ignorance; une poésie riche, et des plagiats manifestes; de beaux ouvrages, et des productions odieuses; de la hardiesse, et une basse adulation; des hommages à la religion, et des blasphèmes; des leçons de vertu, et l'apologie du vice; des anathèmes contre l'envie, et l'envie avec tous ses accès; des protestations de zèle pour la vérité, et tous les artifices

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