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Scythes, parce qu'on ne fait qui meurt ni qui vit. 1767. Vous le faurez le mercredi des cendres, qui eft fou

vent un jour de pénitence pour les auteurs. Mais, fifflé ou toléré, fachez que je vous aime de tout mon cœur. V.

LETTRE XXX VIII.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

14 de février.

MEs chers anges, par excès de précautions et

par nouvelle furabondance de droit, j'adresse encore un nouvel exemplaire à M. le duc de Praflin, pour que vous ayez la bonté de le communiquer. Il y a quelque peu de vers encore de changés, et les notes inftructives font plus amples. Il ferait trop aifé de jouer le rôle d'Obéide à contre-fens ; c'est dans ce rôle que la lettre tue, et que l'efprit vivifie; car dans ce rôle, pendant plus de quatre actes, oui veut dire non. J'ai pris mon parti fignifie je fuis au défefpoir. Tout m'est indifférent veut dire évidemment je fuis trèsfenfible.

Ce rôle joué d'une manière attendriffante, fait, ce me femble, un très-grand effet; et, fi nous avons deux vieillards, je crois que tout ira bien.

J'efpère toujours qu'après Pâques M. de la Harpe donnera quelque chofe de meilleur que les Scythes. Il s'eft trompé dans fon Gustave, mais il n'en vaudra que mieux; et il est, en vérité, le feul qui ait un

style raisonnable. Par quelle fatalité faut-il que des pièces qu'on ne peut lire aient eu de fi prodigieux fuccès? Cela eft horriblement velche, et les Velches ne se corrigeront jamais. Vous qui êtes français, tenez toujours pour le bon goût.

Je recommande mes corrections à vos bontés angéliques. Je vous prie de les faire porter fur l'exemplaire de le Kain et fur les autres. Après cette importunité, je vous demande une autre grâce, c'eft d'envoyer un exemplaire bien corrigé à madame de Florian qui n'en fera pas un mauvais ufage, et qui ne le laiffera pas courir. Il ne ferait pas mal qu'elle fît une répétition; elle s'y connaît, elle dit son mot net et court. Plus j'y penfe, plus j'aime les Scythes. Je prie DIEU qu'ainfi foit de vous. Le sujet est heureux, ou je fuis bien trompé. Si la pièce est bien jouée, elle pourra valoir de l'argent au tripot, et donner du plaisir à mes anges; mais, pour moi, je fuis incapable de plaifir; je ne le fuis pas de confolation, et ma plus grande eft l'amitié dont mes anges m'honorent.

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BELISAIRE arrive, nous nous jetons dessus,

maman et moi, comme des gourmands. Nous tombons fur le chapitre quinzième; c'est le chapitre de la tolérance, le catéchifme des rois; c'eft la liberté de penfer foutenue avec autant de courage que d'adresse; rien n'eft plus fage, rien n'eft plus hardi. Je me hâte de vous dire combien vous nous avez fait de plaisir. Nous nous attendons bien que tout le refte fera de la même force, car vous ne pouvez penfer qu'avec votre esprit et écrire que de votre style. Je vous en dirai davantage quand j'aurai tout lu.

pas

Je vous demande votre indulgence pour la tragédie des Scythes. Elle eft d'un jeune homme qui ne devait faire de pièce de théâtre à fon âge; mais, comme il effuyait une espèce de petite perfécution, il a cru devoir imiter Alcibiade qui fit couper la queue à fon chien pour détourner les caquets.

Grand merci, encore une fois, de votre beau chapitre ; vous venez de rendre service au genrehumain. DIEU vous préferve des regards malins!

Je vous quitte pour entendre la lecture du refte. Bonfoir, mon très-cher confrère. V.

LETTRE

1767.

LETTRE XL.

A M. ELIE DE BEAUMONT, avocat.

A Ferney, le 16 de février.

Mon cher Cicéron, vous venez de faire pleurer le

ON

bon homme Sirven de tendreffe et de reconnaissance. Recevez mes nouveaux remercîmens; ajoutez à toutes vos bontés celle de dire à M. Target, votre ami, combien je fuis touché de ce qu'il veut élever fa voix en faveur des filles de Sirven. Je vous réponds que ce bon homme ne s'adreffera pas à d'autres qu'à vous. Les Calas étaient conduits par cinq ou fix proteftans du Languedoc, et Sirven n'a d'appui que moi; il ne peut ni ne doit fe conduire que par mes confeils et par vos ordres.

Vous favez avec quelle impatience j'attends votre mémoire imprimé. Il n'y a certainement pas un inftant à perdre. M. Chardon m'a mandé qu'il ferait bientôt prêt, malgré l'affaire de la Cayenne qui lui prend tout fon temps. Il eft humain, il est philosophe et bonjuge; je compte fur lui comme fur vous. Vous aurez la gloire d'écrafer deux fois le fanatifme; et les proteftans, éclairés d'ailleurs par votre excellent mémoire contre M. de la Roque, ne feront plus fâchés contre madame de Beaumont, à qui je préfente mes très-tendres refpects.

N. B. Vous ferez très-bien d'avertir par une note que ces longs délais ne doivent être imputés Tome IX. E

Correfp. générale.

1767.

ni aux Sirven ni à vous. La note eft nécessaire, et je vous en remercie. Je vous fuis auffi tendrement attaché que fi j'avais vécu avec vous.

LETTRE X LI

A M. DAMILA VILLE.

16 de février,

L'ARTICLE de votre lettre du 10, concernant un intendant, m'étonne autant qu'il m'afflige. Je crois qu'il fera bon, dans l'occafion, de lui faire parler fortement en votre faveur, fans paraître inftruit de ce que vous me mandez. Il m'était venu voir à Ferney, et j'en avais été très-content. Je me flatte encore qu'il fera difficile de le ramener.

ne

pas

Je ne connais point M. Caffen; j'étais fort content de M. Mariette, et je vous prie instamment de le lui dire: mais il faut laiffer faire M. de Beaumont, et ne le pas décourager. Il eft actif; fa gloire eft intéreffée au fuccès; il eft ami de M. Caffen; il fait encore travailler M. Target, qui eft, dit-on, un excellent avocat, et qui doit donner un factum en faveur des filles Sirven.

Je vous demande deux grâces, mon cher ami; c'est de voir Mariette pour le confoler, et Target et Caffen pour les remercier. J'ai très-bonne opinion du procès. Je fuis perfuadé que les maîtres des requêtes mettront ce dernier fleuron à leur couronne civique. M. de

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