J'entrelaçai mes doigts aux barreaux des persiennes, Que la mousse tapisse, où l'aigle fait son nid, 500 Comme un homme étendant ses deux bras sur deux têtes. Là je me retournai pour la première fois, 505 510 Le jardin verdoyer sous les murs du village, 497. La sombre montagne. Le sommet du Craz domine Milly. 501. Les deux faites. Celui de la sombre montagne » et celui de l'autre mont bordant, au delà, la vallée qui se creuse derrière elle. 518. La grâce. ses bienfaits. LAMARTINE. Sens mystique: la grâce de Dieu, c'est-à-dire 20 Comblez-les de vos dons; menez-les par la main, 524 Au terme où nous devons vous rendre grâce ensemble, Je dis, et, sous les bois de ces derniers sommets, 525. Au terme. C'est-à-dire au ciel, où tous les justes se retrouveront. Voir la fin de l'Harmonie Milly, p. 453. 526. Par la communauté des prières et de la foi. 503-528. Ce dernier adieu de Jocelyn, et la prière qui l'accompagne sont, dans notre littérature, l'un des premiers modèles de poésie religieuse à la fois simple, pure et familière. 527: Ces derniers sommets. Les derniers d'où il pouvait encore être aperçu. 528. On peut rapprocher l'impression de René lorsqu'il s'embarque pour l'Amérique : « ... Je contemplai longtemps sur la côte les derniers balancements des arbres de la patrie, et les faîtes du monastère qui s'abaissaient à l'horizon. » (Chateaubriand, René.) DEUXIÈME ÉPOQUE Jocelyn ne rouvre son journal qu'au « Séminaire de ***, le 1er janvier 1793 ». « Six ans » ont passé pour lui dans l'étude et la paix ; six ans et demi à compter à la rigueur, puisqu'il a quitté la maison paternelle le 5 juin 1786 : « Six ans sont retranchés des jours de mon jeune âge Les dalles ont compté mes pas silencieux; La méditation, la prière et l'étude Ont engourdi mes sens dans leur froide habitude... » 1. L'Ivresse mystique à la Cathédrale. Isolé du monde, Jocelyn connaît tous les élans d'une foi où la sensibilité a presque autant de part que l'intelligence. Pour les décrire, Lamartine s'est souvenu des heures de religieuse extase qu'il passait, adolescent, dans la chapelle du collège de Belley : « ... J'ai peint dans Jocelyn, sous le nom d'un personnage imaginaire, ce que j'ai éprouvé moi-même de chaleur d'âme contenue, d'enthousiasme pieux répandu en élancements de pensées, en épanchements et en larmes d'adoration devant Dieu, pendant ces brûlantes années d'adolescence, dans une maison religieuse. Toutes mes passions futures encore en pressentiments, toutes mes facultés de comprendre, de sentir et d'aimer encore en germe, toutes les voluptés et toutes les douleurs de ma vie encore en songe, s'étaient pour ainsi dire concentrées, recueillies et condensées dans cette passion de Dieu, comme pour offrir au créateur de mon être, au printemps de mes jours, les prémices, les flammes et les parfums d'une existence que rien n'avait encore profanée, éteinte, ou évaporée avant lui. Je vivrais mille ans que je n'oublierais pas certaines heures du soir où, m'échappant pendant la récréation des élèves jouant dans la cour, j'entrais par une petite porte secrète dans l'église déjà assombrie par la nuit, et à peine éclairée au fond du chœur par la lampe suspendue du sanctuaire ; je me cachais sous l'ombre plus épaisse d'un pilier; je m'enveloppais tout entier de mon manteau comme dans un linceul ; j'appuyais mon front contre le marbre froid d'une balustrade, et, plongé, pendant des minutes que je ne comptais plus, dans une muette mais intarissable adoration, je ne sentais plus la terre sous mes genoux ou sous mes pieds, et je m'abîmais en Dieu, comme l'atome flottant dans la chaleur d'un jour d'été s'élève, se noie, se perd dans l'atmosphère, et, devenu transparent comme l'éther, paraît aussi aérien que l'air lui-même et aussi lumineux que la lumière !... » (Confilences, VI, 4.) Ces lignes sont le meilleur commentaire du morceau suivant, l'un de ceux, certainement, auxquels Lamartine pensait en écrivant à Virieu : « C'est toi et moi à seize ans. » Février 1793. Souvent, lorsque des nuits l'ombre que l'on voit croître De piliers en piliers s'étend le long du cloître, 40 34. Les lévites. Terme du langage ecclésiastique, emprunté de la Bible. Il y désignait les membres de la tribu de Lévi consacrés au service du temple de Jérusalem: par extension, il signifie non pas les prêtres comme l'indique Littré, mais les ministres de la religion chrétienne qui leur sont inférieurs diacres, sousdiacres, etc... Ici : « les séminaristes ». — Sur les bancs. Les bancs disposés sous le cloître et dans sa cour intérieure. Il faut supposer, d'après ces indications et celles qui vont suivre, que le grand séminaire est contigu, par son cloître, à la cathédrale. 40. Sens: chez lequel chaque croyant trouve toujours un amour égal au sien propre. L'amour de Dieu est le seul sur lequel l'homme soit toujours assuré de pouvoir compter. 41. Par la porte secrète. Voir plus haut l'indication des Confidences. 42. Je répands mon âme. L'image est la traduction directe du latin effundere ; c'est proprement une « effusion ». — L'expression elle-même est, d'ailleurs, de la langue religieuse classique : ... Mon Dieu, si j'ose répandre mon âme en votre présence... " FLÉCHIER. Oraison funèbre de Turenne. Lamartine l'avait déjà employée dans les Méditations. Je répandrai mon âme au senil du sanctuaire... (Chant lyrique de Saül.) Ossian! Ossian ! lorsque plus jeune encore Je rêvais des brouillards et des monts d'Inistore; 43. Ossian ! Ossian! - Lamartine va comparer les extases où le jetait la poésie d'Ossian à celles que provoque la méditation religieuse; ces dernières sont supérieures et préférables, car le croyant peut, pour ainsi dire, les renouveler à volonté (vers 85-86). Mais, poétiques ou religieuses, ces deux sortes d'extases sont de la même qualité. On saisit ici, sur le vif, comment Lamartine unissait dans une même conception poésie et croyance, et on peut comprendre, à l'aide de ce passage, dans quelle mesure exactement et pourquoi sa poésie est religieuse. Ossian. Nom d'un barde gaélique du me siècle après J.-C. On n'a conservé aucune de ses œuvres; mais un jeune poète écossais, Macpherson, prétendit en avoir retrouvé un manuscrit : il les publia en 1760. Bien qu'il les ait inventées de toutes pièces en s'inspirant, avec beaucoup d'habileté, des légendes du pays et de quelques fragments déformés par la tradition orale, elles eurent dans toute l'Europe un succès inattendu jusqu'à l'époque romantique Napoléon luimême était un dévot d'Ossian. - Voir plus haut p. 48 à quelle époque Lamartine lut ses poèmes. D'après les Confidences, VI-6, ce serait vers 1806 ou 1807, en plein hiver : « ... C'était dans les apres frissons de novembre et de décembre... C'était la décoration naturelle et sublime du poème d'Ossian que je tenais à la main... » 44. Inistore. Ville d'Irlande. 45. Ta harpe à la main. — Sens métaphorique. Lamartine veut dire qu'il s'est essayé lui-même à écrire des vers à la manière d'Ossian. 49. Que mes cheveux, etc.— Attitude romantique par excellence : elle vient de Chateaubriand : « ... Je marchais à grands pas, le visage enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure, ne sentant ni pluie, ni frimas, enchanté, tourmenté, et comme possédé par le démon de mon cœur.» René. |