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PRÉFACE

Les écrivains de notre temps qui se sont occupés de l'Oratoire enseignant en ont parlé, presque exclusivement, d'après les Entretiens sur les sciences du P. Lamy, la Méthode d'étudier et d'enseigner chrétiennement les humanités du P. Thomassin, la Notice sur le collège de Juilly du P. Adry.

Malgré la haute valeur des ouvrages qui leur ont servi de guides, nous ne croyons pas qu'ils soient arrivés complètement à la vérité. Les PP. Lamy et Thomassin songeaient plutôt à exposer dans leurs livres leurs projets de réforme et leurs réflexions personnelles sur l'enseignement, qu'à se faire les rapporteurs fidèles de ce qui se passait, de leur temps, dans les collèges de leur ordre. Ils ont peint, si l'on veut, l'Oratoire tel qu'il aurait dû être, mais non pas tel qu'il a été. Quant au P. Adry, il a écrit sur Juilly une notice qui a le défaut d'être trop courte et de ressembler parfois à un panégyrique.

Nous avons puisé nos renseignements à des sources qui nous ont paru plus sûres. Nous avons interrogé les archives domestiques d'un des principaux collèges de l'Oratoire. Nous avons dépouillé avec le plus grand soin la correspondance des supérieurs, feuilleté les registres des préfets des études, consulté les cahiers de corrigés des professeurs, revu les devoirs des écoliers, compulsé les mémoires des fournisseurs et les factures des libraires. Ajoutons que nous avons eu l'avantage

de voir la maison dont nous nous sommes fait l'historien et même de la connaître mieux que personne, car nous avons été l'un de ses derniers hôtes.

On sait qu'à la suite de la suppression des ordres religieux par la Constituante, les livres et les papiers du collège de l'Oratoire de Troyes furent attribués les uns à la bibliothèque de la ville, les autres aux archives départementales de l'Aube. Les papiers forment à eux seuls la meilleure partie de la section D de ces archives. C'est en ce qui concerne le seul collège de Troyes un total d'environ 5,200 pièces réparties en 69 liasses. Les titres mêmes de ces liasses disent assez l'importance des documents qu'elles contiennent :

Affaire de la succession Pithou et installation des Oratoriens au collège de Troyes (liasses 9 à 14);

Fondations de leçons et de missions (liasses 15 et 16);

Règlements et exercices (liasse 17);

Surveillance exercée sur le collège par les magistrats (liasse 18);
État des bâtiments du collège (liasse 19);

Acquisitions et constructions faites par Pithou et les Oratoriens (liasses 20 à 38);

Procès des PP. de l'Oratoire avec les chapitres, les hôpitaux et des particuliers (liasses 40 à 45 et 74);

Affaire du prieuré de Radonvilliers (liasse 39);

État des biens du collège, revenus, charges et dettes (liasses 46 à 49); Mémoires des fournisseurs, libraires, etc. (liasses 50 à 73);

Bulles et brefs des papes concernant l'Oratoire (liasse 75);

Correspondances des PP. de l'Oratoire et circulaires des supérieurs généraux (liasse 76);

Testaments de quelques pères de l'Oratoire; inventaire des titres du collège (liasse 77).

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La bibliothèque municipale de Troyes n'est guère moins riche en documents originaux. Elle possède les registres de la préfecture de l'ancien collège ou Catalogus scolasticorum Collegii Trecensis, les catalogues de la bibliothèque des Oratoriens, les règlements, observances et usages des maisons de l'Oratoire, un certain nombre de cahiers de cours et de corrigés, - une collection très importante de programmes de tragédies, thèses et exercices académiques, une notable partie des livres de classe en usage dans les maisons de l'Ora

toire. Nous avons indiqué aussi exactement que possible, au bas des pages de notre travail, tous les volumes imprimés et manuscrits, toutes les plaquettes rares et curieuses, toutes les collections que nous avons consultés.

Bien que l'objet principal de cette étude soit le collège de Troyes sous les Oratoriens, nous n'avons pas cru inutile de remonter au delà du xvII° siècle et de rechercher, dans les archives municipales et départementales, quelle avait été la situation de l'enseignement secondaire à Troyes avant les Oratoriens. Un document, qui était resté à peu près inaperçu, bien qu'il eût été publié une première fois par M. Vallet de Viriville dans ses Archives historiques de l'Aube et une seconde fois par M. l'abbé Lalore dans son Ancienne discipline du diocèse de Troyes, nous a fourni des détails d'une grande précision sur les écoles de grammaire à la fin du moyen âge, sur leur personnel, leur discipline, leurs méthodes d'enseignement. Même après le savant travail de M. Thurot sur l'Organisation de l'Enseignement dans l'Université de Paris, nous croyons cette pièce originale appelée à jeter une lumière nouvelle sur l'enseignement de la grammaire au xv° siècle, particulièrement dans les écoles de province.

Nous nous faisons un devoir de nommer ici les hommes qui ont abordé avant nous l'histoire de l'enseignement public de Troyes.

Au xvII° siècle l'avocat Semilliard rédigea sur le collège une notice d'une trentaine de pages environ, fort incomplète assurément, mais qui renferme des pièces inédites dont nous avons fait notre profit. Cette notice est restée manuscrite (m3 2689 de la bibl. de Troyes).

En 1841, M. Forneron en publia une autre, très intéressante et fort bien écrite, mais qui, elle aussi, a le défaut d'ètre trop succincte. Elle a été imprimée dans l'Annuaire administratif de l'Aube.

En 1869, M. Boutiot fit paraître une Histoire de l'Instruction publique et populaire à Troyes pendant les quatre derniers siècles (1 vol. in-8°, 100 pages). C'est un travail incomplet, mal

ordonné, mais d'une valeur incontestable. Chargé jadis de classer les archives municipales, l'érudit Troyen a condensé dans sa brochure le résultat de ses patientes recherches.

Dans sa Notice sur l'ancien collège et le lycée de Troyes, publiée en 1877, dans l'Annuaire administratif de l'Aube (52 pages), M. Thévenot n'a guère fait que résumer les travaux de ses devanciers. La partie la plus originale de sa notice est celle qu'il a consacrée à l'histoire du collège postérieurement aux Oratoriens.

:

Nos prédécesseurs ont eu des prétentions modestes nous craignons qu'on ne trouve les nôtres exagérées. Trois cents pages sur les diverses métamorphoses d'un collège de province! C'est peut-être beaucoup, quand on songe que tant de villes et tant d'hommes illustres n'ont pas encore trouvé d'historien. Qu'on nous le pardonne. Nous appartenons au corps enseignant, et, pour nous, il n'est pas d'étude plus intéressante que celle qui touche à l'histoire même de notre profession. Dans un temps, où l'érudition élève patiemment les assises de la Grande Histoire de l'Enseignement public, nous nous sommes fait un devoir d'apporter notre pierre à l'édifice. Puisse-t-elle y tenir honorablement sa place!

CALIFORNIA

L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE

A TROYES

PREMIÈRE PARTIE

Histoire des Établissements d'enseignement secondaire à Troyes du Moyen âge à la Révolution.

CHAPITRE PREMIER

LES ÉCOLES DE TROYES AU MOYEN AGE

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I

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I. Origine des écoles de Troyes. Affaires du droit de collation. Première décadence des écoles. Règlements de 1378 et de 1436. II. Les grandes et les petites écoles. Le personnel le recteur, le portier, le prévôt, les primitifs, les régents. III. Le siège des grandes écoles de grammaire. Pauvrete du local. Discipline scolaire. IV. Organisation des classes: maîtres, sousmaîtres et hebdomadaires. - Le Donat et le Doctrinal; les Actores; les leçons et les devoirs; les révisions et les disputes. V. Nouvelle décadence des écoles de grammaire. VI. L'école des enfants de choeur du chapitre de Saint-Pierre.

On a fait remonter à saint Loup l'origine de l'école épiscopale de Troyes'. C'est peut-être beaucoup s'avancer. Ce qui est à peu près certain, c'est que l'illustre prélat aimait à réunir autour de lui, dans un oratoire situé aux portes de la ville 2, quelques jeunes gens d'élite et à les instruire lui-même dans la science des saintes Écritures et la discipline ecclésiastique.

Le véritable fondateur de l'école épiscopale de Troyes semble avoir été l'évêque Ragnégésile, qui vivait au VIIe siècle (626-631),

1. Les documents originaux nous font défaut sur les premières écoles de Troyes. Nous ne faisons que répéter ici ce qui a été dit par les plus autorisés des écrivains locaux: Camusat, Promptuarium; Courtalon, Topographie du diocèse de Troyes. -Cf. Gallia Christiana et Vallet de Viriville, Histoire de l'instruction publique. 2. Plus tard abbaye de Saint-Loup-hors-les-murs, puis de Saint-Martin-ès-aires.

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