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convenues ou d'illusions futiles, est-il digne d'occuper un seul instant la pensée d'un esprit sérieux ? L'homme est fait pour une science plus positive, et il est puéril de faire semblant de croire à de pareilles chimères. Entre la résignation d'une raison saine et l'amour insensé d'illusions chimériques, il y a un abîme: celui qui sépare l'erreur de la vérité. C'est un devoir de signaler le péril de ces aberrations avec d'autant plus de sévérité qu'elles se produisent sous des noms plus honorés et des formes plus élégantes; j'allais dire avec des mœurs plus honnêtes, car si l'écrivain dont nous citons les phrases harmonieuses a un dessein bien arrêté, c'est celui d'être un moraliste sain et un sérieux consolateur.

Que si l'on demande aux faits réels la preuve que la confiance, religieuse ou philosophique, dans la conduite divine de nos destinées, est une des situations les plus admirables de l'âme, des plus fécondes en vertus, éclatantes ou humbles, qu'on prenne je ne dis pas la vie de saint Augustin ou celle de Fénelon, ou de tel autre personnage éminent, mais celle de tout homme à puissantes convictions, fût-il d'ailleurs des plus obscurs '.

IV. p. ex. le Journal du missionnaire Miertsching, qui a fait partie de l'expédition du capitaine Mac-lure allant à la recherche de Franklin, 1850-1854.

La confiance et l'espérance prennent des formes spéciales dans un autre rapport avec Dieu : conducteur de nos destinées, Dieu est aussi le juge et le rémunérateur de nos œuvres. C'est là un rapport qui nous inspire un sentiment encore plus vif. Ses conséquences, plus frappantes, sont aussi la source de devoirs plus évidents. La violation d'une loi divine qui est l'ordre suprême, ne peut qu'exciter le déplaisir de son auteur; le déplaisir, que la vindicte. Or ces deux nuances de la même peine doivent être la même à nos yeux, toute violation de la loi divine étant un abus des facultés que nous avons reçues pour l'observer, un abus étant un acte de félonie, tout acte de félonie une altération dans nos rapports et toute altération, une chute grave. Car en nous éloignant de celui qui est l'ordre, nous ne pouvons que tomber dans le désordre. Or le désordre, qui est le mal, ne mène pas à l'indifférence seulement, qui est la mort morale, il mène à l'inimitié de Dieu, à cette haine qui, pour être secrète et hypocrite, n'en est que plus funeste pour l'âme.

La santé de l'âme est dans ses rapports avec Dieu. Elle se conserve par le respect de sa loi et le respect de son gouvernement. Elle périt dans la cessation de ces rapports, par le mépris de ces devoirs. Une parole apostolique dit que le salut se fait avec crainte et tremblement, et rien de

plus exact que cette leçon. Quiconque s'applique attentivement à la pratique de la loi divine, craint sans cesse, se surprend sans cesse en état de violation ouverte ou de négligence distraite. Or, il serait impossible de concilier l'infidélité avec cette : paix et cette confiance dans la conduite suprême de nos destinées, qui est l'espérance, n'était cette infinie bonté qui nous aime malgré nos faiblesses, en raison de la sincérité de nos efforts, bonté que le christianisme appelle tantôt pitié, tantôt compassion, souvent miséricorde divine.

Mais si notre pratique est imparfaite à ce point et souvent coupable, n'est-il pas insensé de notre part de nous bercer, à peu près tous, de la douce perspective d'une rémunération future de nos œuvres ?

Sans nul doute. Il peut exister d'autres races qui aient des titres à ces glorieuses compensations, mais quant à la nôtre, l'imperfection réelle de nos œuvres, même de celles que nous qualifions de bonnes, ne nous permettrait d'autre perspective que celle d'une expiation, n'était cette appréciation suprême qui, au nom d'une tendresse toute divine, fait abstraction de l'acte manqué en faveur de la pensée, en faveur du sentiment ou des intentions qui l'inspirent, tendresse qui nous pardonne encore, si l'acte est mauvais, en faveur des regrets et des vœux dont il est suivi.

Quelque graves que soient nos aberrations, elles sont effacées par nos larmes et nos sacrifices. Cela est si vrai que, pleurées et réparées, nos œuvres, quelle qu'en soit l'imperfection, sont le bien et ont droit au bonheur qu'il procure dès qu'elles ont été inspirées par le seul et sincère amour du bien.

On le sent, cette situation donne à nos rapports avec Dieu, juge et rémunérateur, une face nouvelle et qui devient une source de nouveaux devoirs : ce sont des sentiments de reconnaissance et d'amour qui doivent être vifs et purs pour répondre à tant d'indulgence et de tendresse.

En effet, s'il peut être question de mérite et de rémunération, ce ne peut être qu'en raison de la sincérité de notre attachement, et pour celui qui, confiant la direction de sa destinée à Dieu et lui laissant bien la part qu'il s'y est réservée, se charge fidèlement de celle qu'il nous laisse. Car seul celui-là qui sait aimer Dieu de toutes les puissances de son âme et confondre dans cette affection suprême toutes les autres affections, peut envisager en paix ses rapports avec Dieu suprême juge et rémunérateur de ses œuvres. Quand on parle d'âmes qui ne comptent que sur ellesmêmes, ne connaissent dans l'ordre moral que les lois qu'elles se donnent et se prennent nonseulement pour autonomes, mais se croient juges

de leurs œuvres au même titre que législateurs de leurs actes, s'attribuant des titres à des rémunérations éclatantes et éternelles, on fait des romans. Ce n'est pas à leurs propres lois, ni à des lois imaginaires, c'est à celles qui forment dans le monde réel l'ordre moral, que Dieu nous a soumis, et cet ordre, qui est celui d'une exacte justice, veut que chacun subisse les conséquences légitimes de ses œuvres. Or où est le mortel assez téméraire pour se dire assez pur et pour ne pas trembler à la vue de la balance du divin Osiris et des notes de son immortel greffier, cette balance où un roi-type « a été pesé, » et ces notes constatant « qu'il a été trouvé trop léger? »

Ce n'est pas là le jugement d'un seul, c'est un jugement universel.

3. Dieu objet de nos plus hautes pensées et de
nos plus grandes affections.

Que Dieu est le plus grand de tous les objets qui peuvent attirer la pensée, la nourrir, la fortifier et la féconder de la manière la plus large; que Dieu est le problême le plus sublime et par conséquent le plus attrayant de la science, cela est hors de doute pour les esprits élevés, puisqu'il est le suprême, le parfait, le principe où gît la

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