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MARTINE.

SGANARELLE.

MARTINE.

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Oui! après m'avoir ainsi battue !

Cela n'est rien. Touche.

Je ne veux pas.

SGANARELLE. не?

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Non.

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Point.

Allons, te dis-je.

Je n'en ferai rien.

Viens, viens, viens.

Non, je veux être en colère.

SGANARELLE. Fi! c'est une bagatelle; allons, allons.
MARTINE. Laisse-moi là.

SGANARELLE. Touche, te dis-je.

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Eh bien, va, je te demande pardon; mets là

Je te pardonne; (elle dit le reste bas) mais tu le

SGANARELLE. Tu es une folle de prendre garde à cela. Ce sont petites choses qui sont de temps en temps nécessaires dans l'amitié, et cinq ou six coups de bâton entre gens qui s'aiment ne font que ragaillardir l'affection. Va, je m'en vais au bois et je te promets aujourd'hui plus d'un cent de fagots.

SCÈNE III: MARTINE, seule.

Va, quelque mine que je fasse, je n'oublie pas mon ressentiment, et je brûle en moi-même de trouver les moyens de te punir des coups que tu me donnes. Je sais bien qu'une femme a toujours dans les mains de quoi se venger d'un mari ; mais c'est une punition trop délicate pour mon pendard. Je veux une vengeance qui se fasse un peu mieux sentir, et ce n'est pas contentement1 pour l'injure que j'ai reçue.

SCÈNE IV: VALÈRE, LUCAS, MARTINE.

LUCAS.

-

Parguenne! j'avons pris là tous deux une guèble de commission ; et je ne sais pas, moi, ce que je pensons attraper.

1. Ce n'est pas contentement: cela ne suffit pas.

VALÈRE. — Que veux-tu, mon pauvre nourricier? Il faut bien obéir à notre maître ; et puis nous avons intérêt l'un et l'autre à la santé de sa fille, notre maîtresse ; et sans doute son mariage, différé par sa maladie, nous vaudrait quelque récompense. Horace, qui est libéral, a bonne part aux prétentions qu'on peut avoir sur sa personne, et, quoi qu'elle ait fait voir de l'amitié pour un certain Léandre, tu sais bien que son père n'a jamais voulu consentir à le recevoir pour son gendre.

MARTINE, rêvant, à part elle. Ne puis-je point trouver quelque invention pour me venger?

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LUCAS. Mais quelle fantaisie s'est-il boutée1 là dans la tête, puisque les médecins y avont tous pardu leur latin? VALÈRE. On trouve quelquefois, à force de chercher, ce qu'on ne trouve pas d'abord ; et souvent, en de simples lieux... MARTINE. Oui, il faut que je m'en venge à quelque prix que ce soit ces coups de bâton me reviennent au cœur, je ne les saurais digérer, et... (Elle dit tout ceci en rêvant, de sorte que, ne prenant pas garde à ces deux hommes, elle les heurte en se retournant et leur dit.) Ah! messieurs, je vous demande pardon, je ne vous voyais pas, et cherchais dans ma tête quelque chose qui m'embarrasse.

-

VALÈRE. Chacun a ses soins dans le monde, et nous cherchons aussi ce que nous voudrions bien trouver.

MARTINE. Serait-ce quelque chose où je vous puisse aider? VALÈRE. Cela se pourrait faire, et nous tâchons de rencontrer quelque habile homme, quelque médecin particulier qui pût donner quelque soulagement à la fille de notre maître, attaquée d'une maladie qui lui a ôté tout d'un coup l'usage de la langue. Plusieurs médecins ont déjà épuisé toute leur science après elle mais on trouve parfois des gens avec des secrets admirables, de certains remèdes particuliers, qui font le plus souvent ce que les autres n'ont su faire, et c'est là ce que nous cherchons.

Ah ! que

MARTINE. (Elle dit ces deux premières lignes bas.) le ciel m'inspire une admirable invention pour me venger de mon pendard! (Haut.) Vous ne pouviez jamais vous mieux adresser pour rencontrer ce que vous cherchez, et nous avons ici un homme, le plus merveilleux homme du monde pour les maladies désespérées.

1. Boutée: mise.

VALÈRE.

MARTINE.

Et, de grâce, où pouvons-nous le rencontrer?
Vous le trouverez maintenant vers ce petit lieu

que voilà, qui s'amuse à couper du bois.
LUCAS. Un médecin qui coupe du bois !

VALÈRE.

'dire?

MARTINE.

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Qui s'amuse à cueillir des simples, voulez-vous

Non, c'est un homme extraordinaire qui se plaît à cela, fantasque, bizarre, quinteux, et que vous ne prendriez jamais pour ce qu'il est. Il va vêtu d'une façon extravagante, affecte quelquefois de paraître ignorant, tient sa science renfermée, et ne fuit rien tant tous les jours que d'exercer les merveilleux talents qu'il a eus du ciel pour la médecine.

VALÈRE. C'est une chose admirable que tous les grands hommes ont toujours du caprice, quelque petit grain de folie mêlé à leur science.

MARTINE. La folie de celui-ci est plus grande qu'on ne peut croire, car elle va parfois jusqu'à vouloir être battu pour demeurer d'accord de sa capacité; et je vous donne avis que vous n'en viendrez point à bout, qu'il n'avouera jamais qu'il est médecin, s'il se le met en fantaisie, que vous ne preniez chacun un bâton et ne le réduisiez à force de coups à vous confesser à la fin ce qu'il vous cachera d'abord. C'est ainsi que nous en usons1 quand nous avons besoin de lui.

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MARTINE. Il est vrai; mais après cela, vous verrez qu'il fait des merveilles.

VALÈRE. -Comment s'appelle-t-il?

MARTINE.

Il s'appelle Sganarelle; mais il est aisé à connaître c'est un homme qui a une large barbe noire, et qui porte une fraise avec un habit jaune et vert.

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LUCAS. Un habit jaune et vart ! C'est donc le médecin des parroquets !

VALÈRE. Mais est-il bien vrai qu'il soit si habile que vous le dites?

MARTINE.

Comment! c'est un homme qui fait des miracles. Il y a six mois qu'une femme fut abandonnée de tous les autres médecins on la tenait morte il y avait déjà six heures, et l'on se disposait à l'ensevelir, lorsqu'on y fit venir de force l'homme

1. Nous en usons: nous nous conduisons.

dont nous parlons. Il lui mit, l'ayant vue, une petite goutte de je ne sais quoi dans la bouche; et dans le même instant elle se leva de son lit et se mit aussitôt à se promener dans sa chambre comme si de rien n'eût été.

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VALÈRE. Il fallait que ce fût quelque goutte d'or potable1. MARTINE.-Cela pourrait bien être. Il n'y a pas trois semaines encore qu'un jeune enfant de douze ans tomba du haut du clocher en bas, et se brisa sur le pavé la tête, les bras et les jambes. On n'y eut pas plutôt amené notre homme qu'il le frotta par tout le corps d'un certain onguent qu'il sait faire, et l'enfant aussitôt se leva sur ses pieds et courut jouer à la fossette. LUCAS. Ah !

VALÈRE. verselle.

MARTINE.

LUCAS.

-

--

Il faut que cet homme-là ait la médecine uni

Qui en doute?

Testigué ! velà justement l'homme qu'il nous faut; allons vite le charcher.

VALÈRE.

faites.

-

Nous vous remercions du plaisir que vous nous

MARTINE.- Mais souvenez-vous bien au moins de l'avertissement que je vous ai donné.

LUCAS.

--

Hé morguenne! laissez-nous faire; s'il ne tient qu'à battre, la vache est à nous.

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VALÈRE. Nous sommes bien heureux d'avoir fait cette rencontre, et j'en conçois, pour moi, la meilleure espérance du monde.

SCÈNE V : SGANARELLE, VALÈRE, LUCAS.

SGANARELLE, entre sur le théâtre en chantant et tenant une 'bouteille. La la la!

-

VALÈRE. J'entends quelqu'un qui chante et qui coupe du bois.

SGANARELLE. La la la ... Ma foi, c'est assez travaillé pour boire un coup: prenons un peu haleine. (Il boit, et dit 1. Potable: liquide, que l'on peut boire.

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VALÈRE. Je vous demande si ce n'est pas vous qui se ncmme

Sganarelle ? SGANARELLE.

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Oui et non, selon ce que vous lui voulez.

(LL MÉDECIN MALGRÉ LUI, acte I, sc. v.)

MOLIERE

V.

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