Elle n'a pu faillir sans me couvrir de honte, SCÈNE II: ALAIN, GEORGETTE, ARNOLPHE. ALAIN. Ah! monsieur, cette fois... ARNOLPHE. Paix ! Venez çà tous deux : Passez là, passez là. Venez là, venez, dis-je. GEORGETTE. Ah! vous me faites peur, et tout mon sang se fige. ARNOLPHE. C'est donc ainsi qu'absent vous m'avez obéi, GEORGETTE. Eh! ne me mangez pas, monsieur, je vous conjure. Quelque chien enragé l'a mordu, je m'assure. ARNOLPHE. Ouf! Je ne puis parler, tant je suis prévenu; Comme est-ce que chez moi s'est introduit cet homme? ALAIN ET GEORGETTE, tombant à genoux. 1. Me faul: me manque. Ah! ah! GEORGETTE. Le cœur me faut 1! Je meurs. ALAIN. ARNOLPHE. Je suis en eau, prenons un peu d'haleine. Qu'il croîtrait pour cela? Ciel ! que mon cœur pâlit! CÈNE III: ALAIN, GEORGETTE. GEORGETTE. Mon Dieu, qu'il est terrible! Ses regards m'ont fait peur, mais une peur horrible, Et jamais je ne vis un plus hideux chrétien. ALAIN. Ce monsieur l'a fâché, je te le disais bien. GEORGETTE. Mais que diantre est-ce là qu'avec tant de rudesse D'où vient qu'à tout le monde il veut tant la cacher, ALAIN C'est que cette action le met en jalousie. GEORGETTE. Mais d'où vient qu'il est pris de cette fantaisie? ALAIN. Cela vient... cela vient de ce qu'il est jaloux. GEORGETTE. Oui; mais pourquoi l'est-il, et pourquoi ce courroux? ALAIN. C'est que la jalousie... entends-tu bien, Georgette, Afin de concevoir la chose davantage. Dis-moi, n'est-il pas vrai, quand tu tiens ton potage, GEORGETTE. Oui, je comprends cela. ALAIN. C'est justement tout comme. La femme est, en effet, le potage de l'homme, GEORGETTE. Oui; mais pourquoi chacun n'en fait-il pas de même, Et que nous en voyons qui paraissent joyeux Lorsque leurs femmes sont avec les biaux 1 monsieux? ALAIN. 1 C'est que chacun n'a pas cette amitié goulue Qui n'en veut que pour soi. SCÈNE IV: ARNOLPHE, AGNÈS, ALAIN, GEORGETTE. ARNOLPHE. Un certain Grec disait à l'empereur Auguste, n que dans ce temps la bile se tempère, (A Georgette et Alain.) C'est dommage; mais quoi? Nous sommes tous mortels, et chacun est pour soi. Lorsque j'étais aux champs n'a-t-il point fait de pluie? Non. AGNÈS. ARNOLPHE. Vous ennuyait-il 1 : AGNÈS. Jamais je ne m'ennuie. ARNOLPHE. Qu'avez-vous fait encor ces neuf ou dix jours-ci? AGNÈS. Six chemises, je pense, et six coiffes aussi. ARNOLPHE, ayant un peu rêvé. Le monde, chère Agnès, est une étrange chose. Que vous aviez souffert sa vue et ses harangues. Mais je n'ai point pris foi sur ces méchantes langues, AGNÈS. Mon Dieu, ne gagez pas, vous perdriez vraiment. ARNOLPHE. Quoi! c'est la vérité qu'un homme... AGNÈS. Chose sûre. Il n'a presque bougé de chez nous, je vous jure. ARNOLPHE, à part. Cet aveu qu'elle fait avec sincérité Me marque pour le moins son ingénuité. (Haut.) Mais il me semble, Agnès, si ma mémoire est bonne, AGNÈS. Oui, mais, quand je l'ai vu, vous ignorez pourquoi, ARNOLPHE. Peut-être, mais enfin contez-moi cette histoire. AGNÈS. Elle est fort étonnante et difficile à croire. J'étais sur le balcon à travailler au frais, 1. Vous êtes-vous ennuyée? |