ARNOLPHE. J'étais à la campagne. HORACE. Oui, depuis deux journées. ARNOLPHE. Oh! comme les enfants croissent en peu d'années ! Vous voyez. HORACE. ARNOLPHE. Mais, de grâce, Oronte votre père, Mon bon et cher ami, que j'estime et révère, Que fait-il? que dit-il? est-il toujours gaillard? HORACE. Il est, seigneur Arnolphe, encor plus gai que nous, ARNOLPHE. Non. Vous a-t-on point dit comme on le nomme? HORACE. Enrique. Non. ARNOLPHE. HORACE. Mon père m'en parle, et qu'il est revenu, Et m'écrit qu'en chemin ensemble ils se vont mettre ARNOLPHE. J'aurai certainement grande joie à le voir, 1 Et pour le régaler 1 je ferai mon pouvoir. 1. Le régaler le bien accueillir. (Après avoir lu la lettre.) Il faut, pour des amis, des lettres moins civiles, HORACE. Je suis homme à saisir les gens par leurs paroles, ARNOLPHE. Ma foi, c'est m'obliger que d'en user ainsi, Gardez aussi la bourse. HORACE. Il faut... ARNOLPHE. Laissons ce style. Eh bien comment encor trouvez-vous cette ville? HORACE. Nombreuse en citoyens, superbe en bâtiments, ARNOLPHE. Chacun a ses plaisirs, qu'il se fait à sa guise; Car les femmes y sont faites à coqueter. On trouve d'humeur douce et la brune et la blonde, Et les maris aussi les plus bénins du monde : C'est un plaisir de prince, et des tours que je vois HORACE. A ne vous rien cacher de la vérité pure, J'ai d'amour en ces lieux eu certaine aventure, 1. Féru: frappé. ARNOLPHE. Bon! voici de nouveau quelque conte gaillard, HORACE. Mais, de grâce, qu'au moins ces choses soient secrètes. Oh ! ARNOLPHE. HORACE. Vous n'ignorez pas qu'en ces occasions Et c'est? ARNOLPHE, riant. HORACE, lui montrant le logis d'Agnès. Un air tout engageant, je ne sais quoi de tendre ARNOLPHE, à part. Ah! je crève ! HORACE. Pour l'homme, C'est, je crois, de La Zousse, ou Source, qu'on le nomme; Je ne me suis pas fort arrêté sur le nom; Riche, à ce qu'on m'a dit, mais des plus sensés, non, Le connaissez-vous point? ARNOLPHE, à part. La fâcheuse pilule! HORACE. Eh! vous ne dites mot? ARNOLPHE. Eh! oui, je le connois. HORACE. C'est un fou, n'est-ce pas? ARNOLPHE. Eh !... HORACE. Qu'en dites-vous? quoi? Eh! c'est-à-dire oui. Jaloux à faire rire? Fût laissée au pouvoir de cet homme bizarre. Pour moi, tous mes efforts, tous mes vœux les plus doux, ARNOLPHE. Non, c'est que je songeais... HORACE. Cet entretien vous lasse. Adieu; j'irai chez vous tantôt vous rendre grâce. (Il s'en va.) ARNOLPHE. Ah ! faut-il... HORACE, revenant. Derechef, veuillez être discret, Et n'allez pas, de grâce, éventer mon secret. (Il s'en va.) ARNOLPHE. Que je sens dans mon âme... HORACE, revenant. Et surtout à mon père, Qui s'en ferait peut-être un sujet de colère. (Il s'en va.) ARNOLPHE, croyant qu'il revient encore. Oh !... Oh !... que j'ai souffert durant cet entretien ! Je tremble du malheur qui m'en peut arriver, ACTE DEUXIÈME SCÈNE PREMIÈRE : ARNOLPHE. Il m'est, lorsque j'y pense, avantageux, sans doute, 1. A gober le morecau: à se laisser tromper. 1 |