Gravé par Laur. Cars. Mon père, voilà monsieur,... vous pouvez lui donner Voilà sa main; vous n'avez qu'à donner la vôtre. (LE MARIAGE FORCÉ, scène x.) Oui, si je le serai ou non? SGANARELLE. LES DEUX ÉGYPTIENNES, chantant et dansant. la! (Elles s'en vont.) SGANARELLE. Peste soit des carognes 1, qui me laissent dans l'inquiétude! Il faut absolument que je sache la destinée de mon mariage, et, pour cela, je veux aller trouver ce grand magicien dont tout le monde parle tant, et qui, par son art admirable, fait voir tout ce que l'on souhaite. Ma foi, je crois que je n'ai que faire d'aller au magicien, et voici qui me montre tout ce que je puis demander. DORIMÈNE. LYCASTE. Tout de bon. Et vos noces se feront dès ce soir? Dès ce soir. Et vous pouvez, cruelle que vous êtes, oublier de la sorte l'amour que j'ai pour vous et les obligeantes paroles que vous m'aviez données? DORIMÈNE. Moi? point du tout. Je vous considère toujours de même, et ce mariage ne doit point vous inquiéter. C'est un homme que je n'épouse point par amour, et sa seule richesse me fait résoudre à l'accepter. Je n'ai point de bien, vous n'en avez point aussi, et vous savez que sans cela on passe mal le temps au monde, et qu'à quelque prix que ce soit il faut tâcher d'en avoir. J'ai embrassé cette occasion-ci de me mettre à mon aise, et je l'ai fait sur l'espérance de me voir bientôt délivrer du barbon' que je prends. C'est un homme qui mourra avant qu'il soit peu, et qui n'a tout au plus que six mois dans le ventre. Je vous le garantis défunt dans le temps que je dis, et je n'aurai pas longuement à demander pour moi au ciel l'heureux état de veuve. (Apercevant Sganarelle.) Ah! nous parlions de vous, et nous en disions tout le bien qu'on en saurait dire. 1. Carogne: femme hargneuse, méchante femme. MOLIÈRE. - THEATRE COMPLET III. 2. Barbon: vieillard. 11 DORIMÈNE. LYCASTE. - Est-ce là monsieur...? Oui, c'est monsieur qui me prend pour femme Agréez, monsieur, que je vous félicite de votre mariage, et vous présente en même temps mes très humbles services. Je vous assure que vous épousez là une très honnête personne. Et vous, mademoiselle, je me réjouis avec vous aussi de l'heureux choix que vous avez fait. Vous ne pouviez pas mieux trouver, et monsieur a toute la mine d'être un fort bon mari. Oui, monsieur, je veux faire amitié avec vous et lier ensemble un petit commerce de visites et de divertissements. C'est trop d'honneur que vous nous faites à tous deux. Mais allons, le temps me presse, et nous aurons tout le loisir de nous entretenir ensemble. DORIMÈNE. SGANARELLE. Me voilà tout à fait dégoûté de mon mariage, et je crois que je ne ferai pas mal de m'aller dégager de ma parole. Il m'en a coûté quelque argent; mais il vaut mieux encore perdre cela que de m'exposer à quelque chose de pis. Tâchons adroitement de nous débarrasser de cette affaire. Holà ! SCÈNE VIII: ALCANTOR, SGANARELLE. Ah! mon gendre, soyez le bienvenu ! Monsieur, votre serviteur. Vous venez pour conclure le mariage? Je vous promets que j'en ai autant d'impa Je viens ici pour autre sujet. J'ai donné ordre à toutes les choses nécessaires Il n'est pas question de cela. ALCANTOR. Les violons sont retenus, le festin est commandé, et ma fille est parée pour vous recevoir. SGANARELLE. ALCANTOR. Enfin vous allez être satisfait, et rien ne peut retarder votre contentement. ALCANTOR. Ah! mon Dieu, ne faisons point de cérémonie : entrez vite, s'il vous plaît. SGANARELLE. Non, vous dis-je. Je veux vous parler aupa ravant. SGANARELLE. Seigneur Alcantor, j'ai demandé votre fille en mariage, il est vrai, et vous me l'avez accordée ; mais je me trouve un peu avancé en âge pour elle, et je considère que je ne suis point du tout son fait. ALCANTOR. Pardonnez-moi. Ma fille vous trouve bien comme vous êtes, et je suis sûr qu'elle vivra fort contente avec vous. SGANARELLE. Point: j'ai parfois des bizarreries épouvantables, et elle aurait trop à souffrir de ma mauvaise humeur. ALCANTOR. Ma fille a de la complaisance, et vous verrez qu'elle s'accommodera entièrement à vous. Enfin voulez-vous que je vous dise? je ne vous conseille pas de me la donner. ALCANTOR. Vous moquez-vous? j'aimerais mieux mourir que d'avoir manqué à ma parole. SGANARELLE. Mon Dieu, je vous en dispense, et je... -- ALCANTOR. Point du tout. Je vous l'ai promise, et vous l'aurez en dépit de tous ceux qui y prétendent. SGANARELLE. ALCANTOR. Voyez-vous, j'ai une estime et une amitié pour vous toute particulière, et je refuserais ma fille à un prince pour vous la donner. SGANARELLE. Seigneur Alcantor, je vous suis obligé de l'honneur que vous me faites; mais je vous déclare que je ne me veux point marier. |