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DE L'OUÏE.

Un des phénomènes les plus extraordinaires c'est assurément la voix humaine.

Les animaux ont presque tous la faculté de manifester par des sons leurs souffrances ou leurs joies, mais nous possédons seuls le secret de faire comprendre par ce même principe toutes nos pensées, toutes nos sensations. Qui nous a donné cette incontestable supériorité ? l'exercice.

L'homme toujours isolé et sans rapport avec ses semblables serait resté dans un état d'abrutissement complet 1. L'exercice a nonseulement contribué puissamment á étendre et á varier les sons de la voix, mais il a développé un autre sens qui donne à celui qui le possède pour lui-même, et dans une certaine perfection, une supériorité marquée.

L'ouïe est la perception la plus active de l'intelligence. L'orateur qui n'a pas une oreille délicate, et qui ne saisit pas la justesse des tons de sa voix, aura une grande infériorité dans plusieurs parties de sa profession. La finesse de l'ouïe est la principale qualité d'un musicien et surtout d'un chanteur. Le poète ne peut avoir d'harmonie dans ses vers s'il n'a pas le don de savoir s'écouter. Ainsi Racine possédait cette perception au plus haut degré; ainsi Corneille ne l'avait qu'imparfaitement le vers de l'un est

:

Plusieurs faits sont venus de nouveau prouver cette vérité. (Voir dans ces derniers temps l'histoire de Gaspard Hauser.)

harmonieux, doux, facile; le vers de l'autre est presque toujours dur, sec, aride dans l'exécution. Si Corneille avait étudié cette partie de l'éloquence, au lieu de quatre ou cinq productions qui sont restées, il est vrai, immortelles, ses trente-trois ouvrages auraient conservé un rang de supériorité incontestable dans la littérature. Un travail assidu peut rendre à l'ouïe, par l'exercice, toute la mobilité et la délicatesse qui lui sont nécessaires.

L'étude de la parole, telle qu'elle va être dirigée dans cet ouvrage, servira pour exercer les deux organes à la fois.

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DE LA VOIX ET DE LA RESPIRATION.

L'air que nous aspirons, après avoir été subir dans les poumons les modifications imposées par l'ordre physiologique, passant de nouveau, á son retour, avec une certaine violence par le larynx (gosier), produit, au moment de sortir de la bouche, un bruit plus ou moins fort que l'on désigne sous le nom de voix.

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Cette voix peut être regardée dans trois conditions différentes : 1o La voix simple, qui n'est point articulée, comme dans les voyelles ;

2o La voix qui ne possède que des articulations imparfaites, comme celle des animaux;

3o La voix qui, à l'aide de l'instrument et de l'exercice, peut moduler et varier les sons.

La première et la troisième de ces voix deviendront l'objet de

mon examen.

L'action d'attirer l'air par la bouche se nomme aspiration 1. L'action par laquelle on rend l'air qu'on a fait entrer par l'aspiration se désigne sous le nom d'expiration.

Le résultat de ces deux actions s'appelle respiration.

Respirer signifie donc, attirer en nous et repousser hors de nous avec plus ou moins de douceur ou de force, mais toujours sans bruit, une quantité d'air en proportion avec la capacité de

nos poumons.

Cette respiration étant le premier mobile de la voix, il faut apprendre á la régler; il faut en connaître l'étendue.

L'aspiration et l'expiration s'opèrent par un mouvement natu

Le terme physiologique est inspiration, j'ai cru devoir me servir du mot adopté par les philologues: aspiration.

2

Respirer, attirer l'air dans sa poitrine et le repousser dehors. (Dictionnaire de L'ACADÉMIE.)

rel, mais elles peuvent l'une et l'autre se prolonger ou s'arrêter quelque temps, suivant le sentiment ou l'animation de l'orateur.

Plus l'air se renouvellera, plus les poumons auront de facilité dans leur travail. La voix, par ce renouvellement, acquerra de la vigueur et s'enrichira d'inflexions variées.

On doit donc aspirer chaque fois que la construction de la phrase le permet.

L'aspiration terminée, la voix reprend aussitôt son travail, et le poursuit pendant l'expiration, à moins qu'une interruption ne soit motivée par le sens du discours.

Une respiration faite á propos donne souvent beaucoup d'importance au sentiment d'une phrase ou même d'un mot; l'auditeur attentif apprécie mieux, après ce repos, la valeur de la pensée, la justesse de l'expression. Le silence est, en certaines circonstances, plus éloquent que la parole.

L'étendue ou la prolongation de l'aspiration s'acquiert par l'étude de la tenue des sons primitifs que j'indiquerai plus loin.

Après cette aspiration, l'excitation et l'impulsion que nous donnons à l'air qui, en sortant, vient alors frapper avec quelque rudesse le larynx, forment les sons primitifs.

Mais cette émission n'est pas encore la parole; elle n'est qu'un cri plus ou moins prolongé, plus ou moins plein, plus ou moins aigu, qui deviendra bientôt, à l'aide de la mâchoire, des dents, de la langue et des lèvres, la parole elle-même.

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