Page images
PDF
EPUB

encore inconnue, en des décharges périodiques et alternatives du principe nerveux vers les fibres nerveuses des muscles inspirateurs et expirateurs, décharges dont l'une est toujours cause que l'autre s'effectue. Des irritations sensitives dans les organes respiratoires peuvent quelquefois donner lieu à une action réflective de la moelle allongée qui trouble cette succession: ainsi, par exemple, plusieurs expirations ont lieu de suite dans la toux, sans que chacune d'elles appelle une inspiration. Outre les mouvements respiratoires ordinaires, on en observe parfois, dans certains états du système nerveux, notamment dans la fatigue, et, après comme avant le sommeil, d'autres périodiques qui dépendent du cerveau: tel est le bâillement, qui consiste en une profonde inspiration, suivie d'une expiration profonde, avec affection du nerf facial, dont les branches dévolues à la face déterminent les contractions des muscles faciaux, et dont la branche destinée au muscle digastrique fait ouvrir largement la bouche. Ici se range encore le hoquet, qui survient sous forme périodique dans quelques affections nerveuses.

Les mouvements respiratoires ne sont pas les seuls mouvements automatiques périodiques ayant lieu dans le cours journalier de la vie, qui dépendent des parties centrales du système nerveux. Les muscles oculaires et l'iris en offrent un autre exemple pendant le sommeil. Chez l'homme qui dort, l'œil est placé un peu en dedans et en haut, et l'iris fort resserré, bien qu'entièrement dans l'ombre. Dès avant que l'on s'endorme, l'œil prend cette situation, et l'on reconnaît que les yeux se placent en dedans, d'après la situation des doubles images que la personne tourmentée par l'envie de dormir aperçoit lorsqu'une circonstance fortuite la force brusquement à observer. Comme dans le cas de convergence des yeux, ces doubles images sont placées, celle de l'œil droit à droite, et celle de l'œil gauche à gauche. J'ai prouvé plus haut que la pupille se rétrécit toutes les fois que les yeux se tournent en dedans, volontairement ou involontairement. Les deux phénomènes, qui dépendent du nerf oculo-musculaire commun, coïncident aussi ensemble pendant le sommeil. Donc, dans le sommeil, il s'accomplit toujours un mouvement involontaire des muscles oculaires et de l'iris, qui, durant la veille, n'est produit que par un acte de la volonté. Le principe nerveux, réparti entre tant de fonctions chez l'homme qui veille, se concentre pendant le sommeil dans une province particulière du cerveau et dans les conducteurs de ces mouvements. Cependant la situation des yeux en dedans lorsqu'on s'endort, et le rétrécissement de la pupille durant le sommeil, dépendent peut-être uniquement d'un antagonisme entre les diverses branches du nerf oculo-musculaire commun, de telle sorte que ces mouvements surviennent toutes les fois que l'élévateur de la paupière supérieure cesse d'agir.

Mouvements automatiques du système animal à type continu.

Les mouvements involontaires périodiques du système animal ne sont pas les seuls qui dépendent des parties centrales du système nerveux : certains mouvements continus, ou du moins rarement interrompus, se trouvent également sous la dépendance de ces parties. Tels sont ceux des sphincters de la vie animale. Quoi que nous puissions à volonté rendre l'action de ces muscles plus énergique, ils n'en sont pas moins continuellement contractés, tant dans l'état de sommeil que

dans celui de veille; il n'est pas en notre pouvoir d'interrompre volontairement leur action, à moins que nous ne la contrebalancions par celle de leurs antagonistes. Ceci s'applique surtout au sphincter de l'anus, et même à celui de la vessie, en tant que le système nerveux de la vie animale exerce aussi de l'influence sur ce dernier. La force et la contraction de ces muscles dépendent de la moelle épinière. Les lésions du cordon rachidien sont la cause de leur relâchement continu et de la sortie involontaire des excréments et de l'urine, effet auquel donnent également lieu quelquefois les passions déprimantes, qui affaiblissent l'énergie de la moelle épinière. Marshall Hall a fait voir que le sphincter de l'anus de la tortue conserve sa puissance aussi longtemps que la partie inférieure de la moelle n'est point détruite. L'action des sphincters doit dépendre d'une excitation motrice non interrompue des nerfs qui s'y rendent. Cependant, lorsque nous traiterons des mouvements par antagonisme, nous apprendrons à connaître des faits qui prouvent que les sphincters ne sont pas seuls exposés à une influence motrice continue, et qu'à proprement parler les muscles de la vie animale se trouvent dans le même cas qu'eux à cet égard.

D'après les faits qui ont été exposés jusqu'ici, nous voyons que des mouvements involontaires, les uns périodiques, les autres continus, dépendent du cerveau et de la moelle épinière. Nous observons la même chose dans les maladies de ces organes, dont les états s'expriment tant par des contractions permanentes que par des convulsions périodiques, souvent très régulières, par un branlement continuel de la tête, par des tremblements, ou même par des spasmes toniques revenant à des périodes fixes. Les causes de ces types sont inconnues: on sait seulement que des contractures permanentes ont lieu de préférence dans les cas de dégénérescences tout à fait locales et invariables, quoique ces altérations de texture puissent aussi déterminer des accès périodiques de spasmes. On peut dire, en général, que presque toutes les maladies nerveuses accompagnées de mouvements se dessinent par accès; les spasmes tétaniques eux-mêmes qui proviennent d'une inflammation de la moelle épinière affectent cette forme, quoique la cause agisse sans interruption. Ces phénomènes, auxquels il faut joindre la périodicité des accès de l'épilepsie, malgré la persistance des causes, semblent annoncer que l'excitabilité des organes centraux s'éteint par la prolongation de l'impression des causes morbides sans cesse agissantes, tout comme l'aptitude des nerfs à recevoir les impressions sensitives cesse momentanément par l'effet du changement matériel qui en est inséparable, et que le pouvoir de réagir contre les influences dépend, dans les deux cas, du rétablissement de l'excitabilité pendant la période du repos. Parmi les phénomènes typiques de ce genre, on doit citer l'effacement de l'impression d'une tache colorée que l'on contemple longtemps, la réapparition de cette tache au bout d'un certain laps de temps, et la périodicité de la veille et du sommeil; car, ici également, les réactions cessent quoique les impressions persistent, et elles se rétablissent d'ellesmêmes après un intervalle plus ou moins long.

MOUVEMENTS PAR ANTAGONISME.

Les mouvements musculaires ne surviennent pas seulement de temps en temps, à la suite des décharges du principe nerveux que le système nerveux opère sur

eux. Il y a des raisons d'admettre que, surtout dans le système musculaire de la vie animale, les fibres musculaires ne cessent jamais de se trouver dans un léger état de contraction, et que celle-ci persiste, bien qu'à un plus faible degré, durant ce qu'on appelle le repos. On peut s'en convaincre non seulement par la rétraction qu'un muscle vivant éprouve lorsqu'on le coupe en travers, mais encore, et d'une manière bien plus sensible, par la force contractile considérable que les muscles déploient d'eux-mêmes quand leurs antagonistes sont coupés ou frappés de paralysie. Dans la paralysie d'un côté de la face, les muscles du côté opposé se contractent d'eux-mêmes, et attirent à eux les traits du côté malade. Dans la paralysie d'une moitié de la langue, cet organe est constamment tiré du côté opposé. Après l'extirpation de la portion moyenne de la mâchoire inférieure, qui fait perdre leur point fixe aux muscles chargés de ramener en avant l'os hyoïde (ventre antérieur du digastrique, mylo-hyoïdien, génio - hyoïdien) et la langue (génio – glosse); l'hyoïde et la langue sont tirés avec tant de force en arrière, le premier par le stylohyoïdien et la seconde par le stylo-glosse, qu'il y a danger imminent de suffocation. D'après tous ces faits, on voit que le repos de diverses parties de notre corps n'est pas l'expression d'un repos absolu des muscles; que, loin de là, divers groupes de muscles se font équilibre par l'action égale qu'ils exercent en sens inverse les uns des autres, et que, toutes les fois qu'une partie sort de sa situation moyenne, ou de ce qu'on appelle son état de repos, le mouvement d'un ou de plusieurs des muscles antagonistes devient plus fort. Il y a des groupes antagonistes de muscles dans presque toutes les parties du corps. Aux membres, ce sont les fléchisseurs et les extenseurs, les supinateurs et les pronateurs, les abducteurs et les adducteurs, les rotateurs en dehors et les rotateurs en dedans. Fréquemment aussi les faisceaux de fibres nerveuses destinées à ces groupes sont réunis en nerfs spéciaux. Ainsi, par exemple, les fléchisseurs de la main et des doigts reçoivent leurs filets du nerf médian et du cubital; ceux des extenseurs proviennent du nerf radial; le nerf musculo-cutané anime les fléchisseurs de l'avant-bras, et le radial ses extenseurs. Les extenseurs de la jambe dépendent du nerf crural, et les fléchisseurs du sciatique. Les muscles péroniers, qui soulèvent le bord externe du pied, appartiennent au nerf péronier, et le tibial postérieur au nerf tibial. Les moteurs du pied et des orteils en arrière et en bas sont pourvus par le nerf tibial, et ceux qui meuvent ces organes en sens inverse le sont par le nerf péronier. Les spasmes qui affectent si souvent une direction déterminée dans les maladies de la moelle épinière, comme l'opisthotonos, l'emprosthotonos, et le pleurotonos, montrent aussi que le mouvement simultané des extenseurs ou des fléchisseurs doit être favorisé par la disposition des fibres dans les parties centrales, quoique l'opinion de Bellingeri, qui faisait présider les cordons antérieurs de la moelle à la flexion, et les postérieurs à l'extension, n'ait point de base expérimentale. Il ne faut cependant pas donner trop d'extension à cette remarque. Le fait précédemment mentionné de la répartition des nerfs n'est point général. Il arrive quelquefois qu'un même nerf fournit des filets à des muscles antagonistes: ainsi le grand hypoglosse en donne aux abaisseurs de l'hyoïde et à l'un de ses protracteurs; le nerf péronier en fournit aux muscles péroniers, qui élèvent le bord externe du pied, et au tibial antérieur, qui agit en sens inverse de ceux-là. Les muscles antagonistes peuvent s'associer avec la plus grande facilité dans leurs effets; les péroniers et le tibial antérieur devien

nent élévateurs du pied quand ils agissent ensemble. Le fléchisseur radial et les extenseurs radiaux de la main deviennent abducteurs de cet appendice lorsqu'ils se contractent simultanément. L'hypothèse de Ritter, qui supposait un antagonisme entre les fléchisseurs et les extenseurs par rapport à l'excitation galvanique, ne s'est point confirmée.

Certains muscles sont tellement disposés qu'ils n'ont que de faibles antagonistes, ou mème qu'ils en manquent; dans ce cas, leur action tend toujours à donner une situation déterminée aux parties. Ainsi il y a beaucoup de muscles pour opérer la rotation de la cuisse en dehors, comme les fessiers, les obturateurs, le pyriforme, les jumeaux, le carré ; mais la rotation de la cuisse en dedans n'est confiée qu'à un muscle faible, celui du fascia lata, etc.; d'où résulte la tendance involontaire à tourner le membre entier en dehors quand on marche, qu'on s'assied ou qu'on se couche. Les sphincters sont aussi des muscles sans antagonistes proprement dits. On peut donc expliquer l'occlusion continuelle, par eux, des ouvertures qu'ils garnissent, d'après le fait bien constaté que la constriction de tous les mus · cles ne cesse jamais, même dans l'état de repos. Par cela seul que ces muscles n'ont pas de véritables antagonistes, ils doivent demeurer fermés, sans qu'il soit nécessaire qu'un courant du principe nerveux se dirige vers eux. Ils s'ouvrent quand le contenu de la vessie ou du rectum s'est accumulé, et que les contractions plus fortes des parois, excitées par ce contenu, le poussent contre cux. L'iris, qui est aussi un sphincter, se contracte continuellement pendant la veille, et avec plus de force encore durant le sommeil. On voit, pendant la veille, cette membrane onduler sans cesse, même sous l'influence d'une lumière dont l'intensité ne varie pas.

L'antagonisme des mouvements musculaires a une grande importance en pathologie. La destruction de l'équilibre de ces mouvements peut donner lieu à des déviations. Le pied bot, par exemple, qui se développe chez les enfants, tantôt après les premiers mois de la grossesse, tantôt après la naissance, dépend fort souvent d'une rupture de l'équilibre entre les muscles qui élèvent le bord interne et le bord externe du pied, et il suffit de rétablir cet équilibre pour le guérir. Ou les muscles qui lèvent le bord interne du pied, les péroniers, sont à demi paralysés, ou ceux qui lèvent le bord interne sont atteints de contracture. Dans les deux cas, le pied doit être amené en dedans par le muscle tibial postérieur. Peu à peu aussi la position des os change dans les articulations : l'os naviculaire se tourne généralement en dedans, et la tête de l'astragale, mise à nu en partie, fait saillie sur le cou-depied. Dans le pied équin, où le talon est fortement élevé, et où le sujet marche sur les orteils, les gastrocnémiens sont contracturés, et cependant parfois atrophiés. Car il y a un état de faiblesse, presque paralytique, des muscles, qui coïncide avec leur contracture (1), et nous avons même vu la contracture des gastrocnémiens accompagner leur atrophie.

Quoique les déviations de la colonne vertébrale aient fréquemment pour cause une inflammation scrofuleuse des ligaments intervertébraux et des vertèbres, avec ramollissement, gonflement, suppuration et perte de substance, elles proviennent

[ocr errors]

Cruveilhier,

(1, OLLIVIER, Traité de la moelle épinière et de ses maladies, t. II, p. 789. Anat. pathologique, 2e livraison, in-fol. - Bulletin de l'Académie de médecine, t. II, p. 800,

t. III, p. 477, t. VI, p. 2014.

[ocr errors]

bien plus souvent encore d'une rupture de l'équilibre entre les muscles du tronc, On reconnaît ces sortes de scolioses à ce qu'il n'existe aucun signe de rachitisme, et à ce que les exercices gymnastiques corrigent la difformité. Ces phénomènes ont donc de l'analogie avec ceux qu'on observe dans le pied bot et dans le pied équin. La paralysie des muscles pectoraux d'un côté, qui accompagne la suppuration d'un poumon, n'est qu'apparente : ce côté de la poitrine cesse de pouvoir se soulever, parce que le poumon ne peut plus être distendu.

MOUVEMENTS RÉFLEXES.

J'ai déjà expliqué fort au long la nature des mouvements réflexes. Cette classe comprend tous ceux qui se manifestent à la suite d'une excitation de nerfs sensitifs, et dans lesquels les courants centripète et centrifuge passent par le cerveau et la moelle épinière. On peut en distinguer deux groupes principaux.

Mouvements réflexes du système animal.

A ce groupe se rapportent les mouvements réflexes des muscles recevant leurs filets nerveux des nerfs cérébraux et rachidiens, que l'excitation centripète ait pris naissance dans les nerfs de la vie animale ou dans ceux de la vie organique, par exemple à la peau ou au canal intestinal. Tels sont la toux par irritation de la membrane muqueuse des poumons et du larynx; le vomissement par irritation de la membrane muqueuse du pharynx, de l'estomac, de l'intestin; le ténesme vésical et anal par irritation de la membrane muqueuse de la vessie et du rectum, en tant qu'il est accompagé de mouvements musculaires étendus ; l'éternument par irritation du nerf optique et des nerfs du nez; le mouvement de l'iris par irritation du nerf optique; la contraction du pharynx par les attouchements exercés sur sa membrane muqueuse; enfin une foule de phénomènes dont la théorie des mouvements réflexes peut seule donner l'explication. Cette catégorie comprend encore tous les spasmes, dits sympathiques, qu'on rencontre dans les maladies accompagnées d'irritations sensitives, les convulsions des enfants et des femmes, dont le point de départ est si sujet à varier, etc. Les mouvements réflexes qui succèdent à des irritations de nerfs sensitifs sont, la plupart du temps, des contractions passagères, parfois aussi des contractions soutenues de muscles soumis à l'empire de la volonté. Toutes les fois que la moelle épinière se trouve irritée à un haut degré par un stimulus qui fait naître des sensations, les mouvements réflexes involontaires des muscles soumis à la volonté peuvent prendre le caractère de contractions rhythmiques qui se succèdent avec rapidité. Tels sont le tremblement déterminé par l'application du moxa, ou par le séjour prolongé dans un bain froid, et le claquement de dents qu'on éprouve aussi à la sortie de ce dernier. Cependant, ce qu'il y a de plus remarquable, à cet égard, ce sont les contractions rhythmiques des muscles du périnée après l'irritation voluptueuse des parties génitales, et l'expulsion également rhythmique de la semence par ces mouvements. Le caractère saccadé de l'éjaculation est d'autant plus digne de fixer l'attention que les vésicules séminales paraissent ne pas se contracter d'une manière rhythmique, et n'avoir qu'un mouvement vermiforme continu. Par ce dernier mouvement, leur contenu

« PreviousContinue »