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affermie. C'est l'âge d'apprendre, celui pendant lequel se posent les bases de ce que l'entendement doit être un jour.

3° Période de maturité. Elle commence à la puberté, et s'étend jusqu'à la perte de la faculté procréatrice, qui a lieu, chez la femme, entre la quarantecinquième et la cinquantième année. On peut y distinguer deux âges, l'adolescence et la virilité. Je ne reviendrai point ici sur les phénomènes du développement de la puberté, qui ont été exposés ailleurs en même temps qu'ils se déploient, les organes respiratoires et vocaux se perfectionnent, comme je l'ai dit aussi en trai tant de la voix, et la configuration extérieure acquiert tous les développements dont elle est susceptible: aussi les traits du visage subissent-ils souvent un changement rapide à cette époque, et prennent-ils l'expression qu'ils doivent conserver pendant tout le reste de la vie. La physionomie perd le caractère enfantin qu'elle avait eu jusqu'alors, et devient capable de peindre des passions plus vives; le jeune homme n'a plus besoin d'être guidé, et supporte avec impatience qu'on veuille le diriger; les défauts de l'enfant mal élevé éclatent, et l'indépendance entraîne à des erreurs dont le temps et l'expérience pourront seuls amener le redressement. Comme la jeune fille se développe de meilleure heure et plus vite, elle renonce aussi plus tôt aux jeux des garçons de son âge, en présence desquels elle devient timide et pudique, lorsqu'ils ont atteint, comme elle, la puberté. Dans les deux sexes, l'imagination déploie toutes ses poétiques richesses: l'envie, l'avarice et la jalousie sont inconnues; c'est l'âge des dévouements de l'amitié; on découvre devant soi un horizon à perte de vue; on ne connaît pas de bornes à ses propres capacités; l'amour est le centre des plus nobles sentiments, car le développement individuel étant achevé, le trop-plein de la vie organique se rejette sur les nouveaux produits de la génération. Les individus dont la constitution n'a pu parvenir à se consolider encore résistent moins bien alors aux influences du dehors, celles surtout qui portent leur action sur les poumons, devenus d'autant plus excitables que l'appareil respiratoire a pris un grand développement. Aussi voit-on souvent éclater dans cet important organe des maladies dont le germe avait pour ainsi dire dormi jusqu'alors, de même que la phthisie suspend fréquemment ses ravages pendant la grossesse.

Tant que le corps continue de croître, les épiphyses demeurent libres et distinctes, parce que c'est à l'endroit de leur jonction avec la diaphyse que s'opère l'allongement des os. Elles se soudent dès que l'individu a atteint sa taille normale.

A l'âge de la maturité, les formes sveltes de la jeunesse font souvent place à d'autres plus chargées de matière et de graisse, annonçant que la puissance formatrice a perdu une partie de son influence sur la masse. L'intelligence est arrivée à son plus haut période, elle a la conscience de ses limites et de ses facultés, la vie est devenue plus calme et plus sérieuse, et, si les passions existent encore, elles ont pris une autre direction, elles ont maintenant pour but l'acquisition des avantages physiques et moraux qu'il est possible de se procurer dans la vie sociale. Pendant cette période de la vie, il n'y a pas de disposition prédominante aux maladies de tel ou tel système organique. Cependant, vers la fin, les changements matériels se manifestent de préférence dans les organes qui ont pour fonction principale l'élaboration chimique de la matière, comme les grands viscères glandu

leux; et la puissance formatrice, qui a perdu de son énergie, peut d'autant moins faire équilibre aux influences pertubatrices, que celles-ci se sont reproduites plus fréquemment. Les poumons ne sont plus alors, comme par le passé, la partie faible du corps, car ils se sont remis peu à peu des secousses qui leur avaient été imprimées durant la jeunesse. Les organes les plus exposés désormais aux altérations morbides sont les viscères du bas-ventre. Les troubles du système nerveux ont aussi plus de portée, plus de retentissement; aussi l'âge mûr est-il plus que tout autre exposé aux maladies mentales.

4o Période de stérilité. — Elle s'étend depuis le moment où l'individu cesse de pouvoir se reproduire jusqu'au terme de l'existence. Les formes perdent leur caractère de plénitude et de turgescence. Les poils, dont la pousse avait commencé à la tête, et s'était ensuite étendue à la face, périssent aussi d'abord au cuir chevelu. La barbe seule persiste jusque dans l'âge le plus avancé. Les cartilages et les tuniques des vaisseaux sanguins ont une grande tendance à s'imprégner de sels calcaires. Les dents tombent; leurs alvéoles s'effacent, et les mâchoires se raccourcissent par suite de ce changement. Aucun développement n'a plus lieu; l'énergie des fonctions vitales diminue d'une manière uniforme ou irrégulière; les mouvements perdent leur énergie; les penchants, les inclinations, les sympathies s'effacent peu à peu; les sens s'émoussent; l'imagination s'assombrit, et tout courage s'éteint. Très peu d'hommes arrivent à l'âge où cette diminution graduelle des forces conduit insensiblement au terme d'une vie exempte de maladies. La plupart succombent prématurément à l'influence de causes locales; mais, même en l'absence de toute anomalie accidentelle, l'homme chez lequel il ne s'opère plus aucun développement ressemble davantage à une machine construite avec art qu'à l'organisme primitif, qui trouvait en lui-même les moyens de créer son propre mécanisme, et par conséquent de remédier à tous les désordres dont il pouvait être atteint (1). Aussi, chez le vieillard, le moindre trouble excité par une cause exté

(1) M. Bouchut (Traité des signes de la mort et des moyens de prévenir les enterrements prématurés, 1849) ayant soumis cette question tant agitée à un nouvel examen, et étant parvenu à un résultat tout à fait digne d'attention, je le mets sous les yeux du lecteur. Voici ce résultat : L'absence prolongée des battements du cœur à l'auscultation indique, d'une manière très certaine, la cessation des fonctions de cet organe. Il était impossible aux anciens médecins, d'accorder beaucoup de valeur aux résultats de l'exploration d'un orgañe qu'ils n'atteignaient pas et dont ils ne pouvaient apprécier l'intégrité ou la vie que par la palpation. Les observations recueillies chez l'homme et les résultats de nombreuses expériences sur les animaux prouvent incontestablement que la vie existe là où l'on perçoit les battements et les bruits du cœur, tandis qu'au contraire la mort coïncide toujours avec leur cessation. Depuis les recherches de M. Bouchut, il faut reformer les notions de la syncope dans laquelle, dit-on, les battements du cœur sont suspendus; il n'en est rien. Ils persistent encore; mais ils peuvent n'être perceptibles qu'à l'auscultation. Lorsque la syncope est complète, les pulsations du cœur sont très faibles et très sourdes, elles sont ralenties et se répètent à des intervalles inégaux; on n'entend plus qu'un simple battement toutes les deux ou trois secondes ; mais enfin ce mouvement existe, et il empêchera toujours de prendre l'état de mort apparente dans la syncope pour la mort réelle. Il en est de même dans les affections nerveuses qui parfois donuent lieu à des phénomènes pouvant, à la rigueur, simuler la mort. Les expériences sur les animaux ont fourni le même résultat. Quand, chez eux, on détermine par la soustraction du sang les symptômes de la mort apparente par syncope, on arrive à diminuer le nombre et la force des battements du cœur, mais on ne peut réussir à les suspendre et à faire disparaître leurs bruits sans occasionner la

rieure suffit-il, la plupart du temps, pour frapper d'inertie les ressorts de la machine et amener la mort (1).

CHAPITRE III.

Des variétés chez les animaux et dans l'espèce humaine.

Après avoir tracé l'histoire du développement de la vie individuelle, nous sommes conduit à contempler les formes générales auxquelles les individus se rapportent comme types d'espèces, de sorte qu'en terminant la physiologie spéciale, nous nous trouvons ramené aux considérations dont nous avions interrompu le fil en traitant de la physiologie générale, dans les Prolégomènes. Les races des animaux et des végétaux changent au milieu des conditions variées à l'influence desquelles elles sont exposées dans leur distribution sur la surface du globe; mais les modifications qu'elles éprouvent ne dépassent jamais les limites assignées aux espèces; elles se propagent seulement, comme types de variétés, par les générations successives des êtres organisés. C'est par l'étude de ces phénomènes que je terminerai mon Manuel.

Un point important ici, c'est de bien déterminer tout d'abord l'idée qu'on doit attacher aux mots espèce et variété.

L'espèce est une forme de vie, représentée par des individus, qui reparaît dans les produits de la génération, avec certains caractères inaliénables, et qui se reproduit constamment par la procréation d'individus similaires. Cette dernière circonstance distingue l'espèce des forines hybrides ou bâtardes. La possibilité, pour une forme de vie que la génération a procréée, de contracter une union productive avec une autre, n'est pas un caractère exclusif de l'espèce, et n'autorise point à conclure que les individus qui s'unissent ainsi font partie d'une même espèce, car des individus, appartenant à deux espèces différentes, comme le chien et le loup, le cheval et l'âne, etc., peuvent quelquefois produire ensemble, ce qui donne lieu à des bâtards. Le type générique, représenté par des espèces et des individus, est seul incapable de comporter une union féconde entre ces individus et ceux qui font partie d'un autre type générique; mais les hybrides, dont la production est déjà rendue difficile par la répugnance naturelle que des individus d'espèce différente éprouvent à s'unir ensemble, ne sont plus aptes à maintenir leurs caractères en se mêlant avec leurs semblables. Ces sortes d'union demeurent stériles, ou, si

mort. Dans ce qu'on appelle léthargie, c'est-à-dire dans les divers états de sommeil qui offrent toutes les apparences de la mort, dans le sommeil épileptique, dans le sommeil produit par le froid et dans l'état de torpeur extrême des animaux hibernants, les battements du cœur ne cessent pas de se faire entendre.

En résumé, quand l'auscultation pratiquée sur tous les points où les bruits cardiaques peuvent être naturellement ou accidentellement entendus, témoigne pendant quatre ou cinq minutes que ces bruits sont éteints, la mort est définitive, et ce signe en est la preuve certaine, preuve qu'il est toujours facile d'acquérir.

(1) BURDACH, Traité de physiologie, t. V, p. 129 et suiv.

É. L.

parfois elles sont fécondes, comme dans le cas d'union d'un bâtard avec l'une des deux espèces pures qui ont contribué à lui donner naissance, le produit revient au type de l'une ou de l'autre espèce. La reproduction constante du même type ou de la même forme de vie, par l'accouplement avec son semblable, est donc le caractère essentiel et inaliénable de l'espèce (1).

Les variétés sont des formes représentées par des individus, mais qui rentrent dans la définition de l'espèce. Les individus qui s'y rapportent peuvent procréer entre eux et avec d'autres variétés de la même espèce. Des individus appartenant à des genres différents ne sont pas capables d'union féconde; ceux d'espèces différentes d'un même genre le sont; mais leurs produits ne sauraient se reproduire. La même chose à lieu pour les variétés. Une race née du mélange de deux races se propage par son union avec son semblable, tandis que, quand elle s'unit avec les races qui ont concouru à la produire, elle revient, au bout de plusieurs générations, au type d'une de ces dernières. Ces caractères suffisent pour distinguer la variété, qui prend le nom de race lorsqu'elle devient permanente. Cependant, on peut s'y prendre d'une autre manière encore pour la définir et la distinguer de l'espèce. L'espèce n'est point capable de se rapprocher du caractère d'une autre espèce, ni moins encore de se transformer en une autre. Quand des formes animales passent de l'une à l'autre par une transition graduelle, les zoologistes ne peuvent point les regarder comme des espèces distinctes. Il en est autrement d'une variété. Les individus productifs similaires d'une variété, d'une race déterminée, possèdent les qualités essentielles de l'espèce, ce qui fait qu'il y a toujours en eux possibilité éloignée de produire toutes les autres variétés de la même espèce, en supposant que les conditions internes et externes persistent pendant une longue série de générations. Mais, à l'égard des espèces, il n'y a pas la moindre possibilité que l'une d'elles soit produite par d'autres. D'après ce qui se passe aujourd'hui dans le règne animal, nous sommes en droit de penser qu'elles ont été créées chacune à part, et indépendamment les unes des autres. Au contraire, en ce qui regarde les variétés d'une espèce quelconque, il nous suffit, pour les expliquer, d'admettre l'union de deux individus faisant partie de cette espèce, et la persistance, pendant un certain nombre de générations, de circonstances extérieures exerçant une influence modificatrice. L'espèce, quoique représentée aussi par deux individus semblables qui procréent en s'unissant ensemble, possède par elle-mème l'aptitude à se reproduire, en ce sens que c'est elle-même qui, sous l'empire des conditions internes ou externes, détermine la production de variétés dont les particularités différentielles ne s'écartent pas des limites assignées à ses propres carac

tères.

Les causes qui font naître des variétés dans une espèce sont, les unes intérieures et fondées sur l'organisme lui-même, les autres extérieures, comme la nourriture, l'élévation au-dessus du niveau de la mer, le climat. Chaque espèce, végétale ou animale, renferme en elle-même, et indépendamment de toute influence extérieure, un certain cercle de variations. C'est à cette circonstance que tiennent toutes les formes différentes qui peuvent procéder d'un seul et même

(4) Cons., pour les faits relatifs à ce point de doctrine, RUDOLPHI, Beitrage zur Anthropo logic und allgemeine Naturgeschichte, Berlin, 1812. — PRICHARD, Hist. nat. de l'homme, trad. par F. Roulin. Paris, 1843, t. I, p. 10 et suiv.

acte générateur. Chaque individu d'une espèce a en soi la possibilité de produire telle ou telle partie de ce cercle de variations, car il n'est pas tena d'engendrer des êtres qui aient une parfaite ressemblance avec lui, et, s'il procrée, c'est toujours sous l'empire des lois qui régissent l'espèce en général. Ainsi, les enfants nés d'un même mariage peuvent être, les uns blonds et les autres noirs, ceux-ci élancés et sveltes, ceux-là forts et trapus, tous, en un mot, différents de tempérament et de traits. Les variétés qui procèdent le plus ordinairement de causes internes sont celles à cheveux blonds et à cheveux noirs. On rencontre quelques personnes blondes chez les races dont la plupart des individus ont les cheveux noirs, tels que les Mongols; et Prichard cite même plusieurs exemples de nègres à cheveux clairs, qui n'étaient pas, pour cela, des albinos.

Il est vrai que ces variations dépendent en grande partie d'une différence qui existe entre les parents au point de vue de la complexion, ou de ce que l'un d'eux exerce une influence prépondérante sur les produits de leur union. Mais personne n'ignore que les individus mêmes qui se ressemblent le plus, eu égard à la complexion, procréent néanmoins des enfants qui diffèrent les uns des autres quant aux formes et aux aptitudes. L'union de ces variétés entre elles n'en perpétue point les formes, ne les convertit pas en des types permanents; mais il est facile de concevoir quelles conditions il faut pour arriver à ce résultat, indépendamment du climat, de la nourriture et de la localité. Plus les unions se répètent entre des individus semblables, sans mélange étranger, plus le type auquel appartiennent les parents se maintient longtemps. Il peut, de cette manière, et en dehors de toute influence extérieure, se produire une race persistante, qui rentre dans le cercle des variations possibles de l'espèce, c'est-à-dire qui fasse partie du nombre de celles auxquelles des causes intérieures ont le pouvoir de donner naissance. Qu'on suppose un mariage dans lequel les conjoints aient entre eux la plus grande ressemblance possible, et qu'on admette que les enfants qui naîtront de là s'uniront toujours entre eux, que les alliances ne sortiront jamais de la même famille, on aura une race dont les membres, malgré toutes les différences individuelles possibles, seront dominés d'une manière durable par le type de ceux qui leur ont servi primitivement de souche. Quelquefois même, quand le type est parvenu à se fixer dans une famille par une longue série de générations, le mélange avec un type étranger ne suffit pas pour l'effacer, et le nouvel élément se trouve absorbé par les anciens. Voilà sans doute pourquoi certaines maisons princières conservent si remarquablement un type de famille, malgré les alliances qu'elles contractent avec d'autres. On vient de voir qu'une famille isolée, et dont les membres ne s'uniraient jamais qu'entre eux, finirait par produire une nation ou une tribu douée de caractères particuliers. Or, l'histoire nous apprend que le type des nations peut se conserver pendant des milliers d'années, au milieu de la diversité infinie des variations individuelles. Les Juifs en fournissent un exemple bien connu; le type qui les distingue ne s'altère pas, malgré même l'influence des climats les plus divers, dont chacun cependant détermine des modifications particulières de forme et de complexion.

La procréation par des individus similaires n'influe pas seulement sur la configuration, sur les caractères physiques des variétés dont elle devient la source; elle peut aussi transmettre les facultés que les individus acquièrent par l'éducation. Les

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