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SECTION II.

DES DIFFÉRENTS MOUVEMENTS MUSCULAIRES.

CHAPITRE PREMIER.

Des mouvements involontaires et volontaires.

Parmi toutes les différences que peuvent présenter les mouvements musculaires, la plus frappante est celle qu'on remarque entre les muscles qui obéissent aux ordres de la volonté et ceux qui ne les reconnaissent pas. Cependant, lorsqu'on approfondit le sujet, on trouve cette distinction moins naturelle qu'elle ne semble

il plaça les mêmes excitateurs sur le même muscle, dans un point où la peau était intacte, et ip n'obtint qu'une sensation de brûlure, sans contraction musculaire. Ayant remplacé les excitateurs métalliques par des éponges humides enfoncées dans des cylindres excitateurs, et les ayant posées, comme dans l'expérience précédente, sur la peau, dans un point correspondant au crural, il développa une contraction avec la sensation sourde et spéciale qui avait été produite eu plaçant l'excitateur sur le muscle dénudé.

Chez un autre blessé, dont le nerf radial avait été détruit à la partie inférieure du bras, et qui avait perdu la sensibilité et la contractilité électriques des muscles de la région postérieure de l'avant-bras, mais dont la sensibilité de la peau était restée intacte par l'intégrité des nerfs cutanés, M. Duchenne appliqua des excitateurs métalliques sur la peau des régions anté-brachiales postérieure et antérieure, et partout il produisit une sensation vive de brûlure. Il remplaça les excitateurs secs par des éponges humides enfoncées dans des cylindres ; alors il n'observa, à la région postérieure, ni sensation, ni contraction, tandis que des contractions accompagnées de sensations se manifestèrent à la région anté-brachiale antérieure. Dans cette dernière région, la sensation de brûlure, produite par les excitateurs métalliques secs, était remplacée par une sensation sourde et spéciale à la contraction musculaire provoquée par les excitateurs humides. La galvanisation musculaire permet de connaître la situation, la direction et la surface des muscles des régions superficielles. Que l'on place un excitateur humide sur un point de la peau correspondant à du tissu musculaire, il se manifeste à l'instant un mouvement qui rappelle le nom du muscle qui seul peut le produire, et auquel doit appartenir ce tissu musculaire. Veut-on connaitre alors la surface de ce muscle, on promène l'excitateur parallèlement, puis transversalement, à la direction de ses fibres musculaires. Par ce procédé, nous pouvons suivre les fibres des muscles de la face beaucoup mieux et beaucoup plus loin qu'avec le scalpel, surtout celles qui se perdent dans la peau, et qu'on est forcé de sacrifier dans les préparations anatomiques. Cette sorte de myologie vivante sera principalement utile aux artistes, auxquels elle permettra de bien étudier les reliefs produits par la contraction musculaire. Ce procédé peut aussi servir à l'examen de certaines atrophies musculaires avec transformation graisseuse ; dans ces paralysies, la galvanisation localisée indique, avec une grande précision, le degré de maladie de chacun des muscles affectés. La galvanisation musculaire est appelée à établir d'une manière exacte les usages d'un grand nombre de muscles. Concentrant son excitation sur chacun des muscles et même sur chacun de leurs faisceaux, elle permet d'analyser leur action individuelle. Ainsi, le grand et le petit zygomatique, considérés jusqu'à présent comme muscles congénères, modifient les trails d'une manière différente et agissent sous l'influence d'impressions contraires : le premier

l'être au premier aperçu. Les différentes formes anatomiques du tissu musculaire ne parlent point en sa faveur. Il y a, en outre, bien des mouvements involontaires de muscles qui sont soumis à la volonté, mouvements dont quelques uns n'ont pas un rhythme moins prononcé que ceux du cœur. Si certains muscles sont entièrement soustraits à l'influence de la volonté, ils ne sont pas pour cela indépendants des états de l'âme, et la division si généralement admise par les physiologistes a beaucoup perdu de son intérêt depuis qu'on sait que les nerfs exercent tout autant d'empire sur les mouvements involontaires que sur les autres. Les considérations anatomiques ne viennent pas non plus l'appuyer. Quoique les muscles de la partie organique du corps se distinguent des autres par la cylindricité de leurs fibres et l'absence de stries transversales sur les faisceaux primitifs, et qu'ils ne reconnaissent pas les ordres de la volonté, cependant la vessie urinaire, qui est susceptible de quelques mouvements volontaires, ne saurait être séparée d'eux au point de vue de sa structure. Les faisceaux des fibres de l'iris n'ont point de rides transversales, et pourtant on peut mouvoir l'iris à volonté en tournant l'œil vers le nez. D'un autre côté, quoique les muscles de la partie animale du corps se distinguent par les rides transversales de leurs faisceaux primitifs et par la forme en chapelet de leurs fibres primitives, et qu'ils soient soumis à la volonté, le cœur établit une seconde exception, puisque sa structure le rapproche de ceux-ci, et que le caractère involontaire de ses mouvements le place dans la catégorie des précédents. La couleur des muscles ne s'accorde pas non plus avec cette division. Les muscles volontaires sont généralement rouges; mais, s'il y en a quelques uns de rouges chez les poissons, la plupart y sont pâles. Les muscles contractiles involontairement sont pâles, pour le plus grand nombre, comme ceux de l'intestin; mais ceux du gésier des oiseaux et du cœur ont une teinte de rouge foncé, et la tunique musculeuse de la vessie, qui obéit à la volonté, est aussi pàle que celle de l'intestin. Cette différence de coloration ne dépend certainement pas du plus ou moins grand nombre de vaisseaux sanguins, ni de la matière colorante du sang. La substance elle-même des fibres musculaires, qui a de commun avec la matière colorante du sang de devenir plus rouge à l'air, paraît être la cause de cette particularité. A la vérité, la

produit toujours le sourire ou la gaieté franche; le second exprime le chagrin ou annonce les larmes.

M. Duchenne emploie heureusement la galvanisation localisée au diagnostic de certaines paralysies. Ainsi, deux hommes se présentent à lui avec une paralysie de l'avant-bras qui offrait les caractères suivants : chute du poignet, flexion des doigts avec impossibilité de les étendre, paralysie incomplète et diminution de force dans les autres muscles de l'avant-bras ; amaigrissement général du membre paralysé, et atrophie plus prononcée à la région postérieure de l'avant-bras; pas de contracture. La galvanisation montra que, dans un cas, la contractilité et la sensibilité électro-musculaires étaient normales; tandis que, dans l'autre, les muscles de la région postérieure avaient perdu leur contractilité électrique. Cela signifiait que, dans le premier cas, la paralysie était de cause rhumatismale, et, dans le second, de cause saturnine. Deux paralysies lui ayant été présentées, il s'agissait de savoir si, ches les deux femmes, la paralysie dépendait d'une affection des centres nerveux: dans la première, la contractilité électro-musculaire était intacte, et la sensibilité un peu diminuée; dans la seconde, les muscles avaient perdu leur contractilité et leur sensibilité électrique. De là le diagnostic: que la première a une paraplégie de cause hystérique, et la seconde une paraplégie qui provient de la moelle épinière, ou de l'affection si grave appelée paralysie générale. É. L.

division des muscles en volontaires et involontaires repose plus sur des motifs tirés du système nerveux que sur des motifs empruntés aux muscles eux-mêmes; mais ici encore l'iris et la vessie urinaire soulèvent des difficultés. Enfin, si l'on réfléchit que certains muscles, qui au fond sont soumis à la volonté, se contractent néanmoins continuellement sans nul concours de sa part, comme le sphincter de l'anus; que quelques uns de ceux de la partie animale du corps sont susceptibles de mouvements volontaires chez un très petit nombre sculement d'hommes, comme le crémaster; que tous les muscles aux ordres de la volonté sont fréquemment soumis à des mouvements involontaires, soit par réflexion, soit par association, comme dans le rire, le bâillement, les soupirs, mais plus encore dans le jeu des passions; on trouve qu'il existe assez de raisons pour adopter une division dont les éléments se rapportent davantage aux causes internes des divers mouvements. Comme l'établissement de l'ordre des mouvements involontaires repose sur un caractère purement négatif, quelques physiologistes ont admis une distinction meilleure, celle des mouvements en automatiques et volontaires. Cependant il existe tant d'espèces de mouvements involontaires différentes au point de vue des causes, que cette division ne semble pas non plus être d'une grande utilité. En effet, quelle différence n'y a-t-il pas entre les mouvements automatiques et rhythmiques du cœur et des muscles respirateurs, et les mouvements réflexes!

La classification suivante est celle qui paraît faire le mieux ressortir les causes diverses des mouvements musculaires.

HOLVEMENTS DÉTERMINÉS PAR DES IRRITATIONS HÉTÉROGÈNES, EXTERNES OU INTERNES.

Par irritations hétérogènes, j'entends ici toutes les causes de mouvement autres que la simple impulsion du principe nerveux lui-même. Généralement parlant, ces irritations n'agissent point dans l'état de santé il y a cependant des cas où elles sont normales, comme l'influence de la bile ou des excréments sur les mouvements de l'intestin, celle de l'urine sur la vessie, etc. Un changement de l'état des nerfs musculaires est une condition nécessaire du mouvement. Peu importe que la cause arrive aux nerfs des parties centrales du système nerveux, ou de leurs vaisseaux, ou de l'extérieur. Tous les muscles de la partie animale et de la partie organique du corps sont susceptibles de ces mouvements: ils ont lieu involontairement, que les muscles d'où ils ressortent obéissent ou non d'ailleurs à la volonté. L'irritation peut s'exercer sur trois points différents.

1° Sur le muscle lui-même. Dans ce cas, les nerfs qui se répandent dans le muscle sont affect's les premiers, et la convulsion arrive comme conséquence. Le cœur, le canal intestinal, la vessie, tous les muscles soustraits à la volonté, comme tous ceux qui lui obéissent, sc contractent par le fait d'une irritation extérieure. La seule différence consiste en ce que les irritations extérieures ne déterminent pas toujours, dans les muscles organiques dépendants du nerf grand sympathique, des convulsions rapides et instantanées comme celles qu'elles provoquent dans les muscles du système animal, et que tantôt la contraction à laquelle elles donnent lieu s'établit et s'accroît avec lenteur, comme à l'intestin et à la matrice des animaux, n’atteint son maximum que longtemps après la cessation de l'irritation, et survit à cette dernière; tantôt le mode et la rapidité du rhythme des organes qui en obser

vent un dans leurs contractions, comme le cœur, se trouvent changés pour un laps de temps plus ou moins long. La propagation du mouvement du principe nerveux paraît donc se faire avec beaucoup plus de lenteur dans le grand sympathique que dans les nerfs de la vie animale, dont l'irritation détermine des effets instantanés qui n'ont pas plus de durée qu'elle.

2o Sur le nerf. L'irritation de la portion du nerf située hors des muscles a le même résultat que celle qui porte sur ce dernier. Le fait a lieu constamment pour les nerfs de la vie animale; quant à ce qui concerne ceux de la vie organique, on ne l'a découvert que dans ces derniers temps. Humboldt est parvenu à changer les battements du cœur par la galvanisation des nerfs cardiaques, et Burdach par l'application de la potasse caustique au ganglion cervical inférieur. Après avoir mis à découvert le canal intestinal d'un lapin, j'ai ravivé le mouvement péristaltique, qui s'était déjà ralenti, en galvanisant le ganglion cœliaque au moyen de la pile. Mais, en touchant le ganglion avec de la potasse caustique, on démontre le fait de la manière à la fois la plus facile et la plus évidente. C'est une des meilleures expériences de la physiologie. Quand les mouvements de l'intestin d'un lapin, que l'impression de l'air rend d'abord beaucoup plus vifs, commencent à se calmer, si l'on applique de la potasse caustique sur le ganglion cæliaque, ils se reproduisent bientôt avec un surcroît d'intensité. Là encore on s'aperçoit que le mouvement du principe nerveux est plus lent, mais plus persistant, dans le nerf grand sympathique; car le mouvement de l'intestin n'arrive à son maximum qu'au bout de quelques instants, et il persiste très longtemps.

3o Sur les organes centraux. L'application des irritants aux organes centraux entraîne les mêmes résultats. Les mouvements ont toujours lieu dans les muscles dont les nerfs dépendent de la partie irritée du cerveau ou de la moelle épinière. D'après les expériences de Wilson Philip, le mouvement du cœur peut être changé par l'irritation d'une partie quelconque de l'encéphale ou du prolongement rachidien, tandis que celle de certaines parties de ces organes entraîne toujours des convulsions dans certains muscles. Mais il y a une différence importante, qui tient à la nature de l'irritation matérielle. Certaines influences déterminent des convulsions, qu'on les mette en contact avec les muscles, avec les nerfs, ou avec les organes centraux tels sont les stimulus mécaniques, la chaleur, l'électricité, les alcalis, etc. D'autres n'en provoquent que quand elles agissent sur les centres du système nerveux par l'intermédiaire de la circulation, comme les narcotiques. Un narcotique peut bien, quand on l'applique sur un muscle ou un nerf, éteindre d'une manière locale l'irritabilité de cet organe, mais jamais alors il ne donne lieu à des convulsions, tandis qu'il en détermine de très violentes lorsqu'il agit par le sang sur le cerveau ou la moelle épinière; et ce qui prouve que, dans ce cas, la cause des phénomènes convulsifs siége aux organes centraux, c'est qu'en coupant les nerfs du membre convulsé, le tétanos cesse dans toutes les parties dont les cordons nerveux ne communiquent plus avec la moelle épinière.

MOUVEMENTS AUTOMATIQUES.

Sous ce nom on comprend tous les mouvements qui, indépendants des actions de l'âme, sont continus, ou affectent un rhythme régulier, et qui, les uns comme

les autres, dépendent de causes naturelles, compatibles avec la santé, et dont les nerfs ou les organes centraux sont le siége. Les mouvements rhythmiques se partagent en deux classes, suivant que leur principe réside dans le grand sympathique ou dans les organes centraux du système nerveux. Jamais les mouvements rhythmiques réguliers n'ont leur source dans les seuls nerfs de la vie animale.

Mouvements automatiques qui dépendent du nerf grand sympathique.

1° Muscles dont les faisceaux primitifs offrent des rides transversales. Le cœur. 2° Muscles dont les faisceaux primitifs ne présentent pas de rides transversales. Le canal intestinal, la matrice, la vessie urinaire.

Les mouvements automatiques des premiers sont prompts, instantanés, et se succèdent avec rapidité, comme dans les muscles de la vie animale pourvus de stries transversales. Ceux des seconds sont lents: les convulsions n'y atteignent jamais leur maximum que peu à peu; elles durent longtemps, et les périodes de repos sont beaucoup plus longues. On ignore si cette différence tient à la structure des fibres musculaires ou à l'influence nerveuse. Ce qui semblerait donner à penser, jusqu'à un certain point, qu'elle dépend de la première circonstance, c'est que la vessie urinaire, quoique mobile en vertu de la volonté, diffère néanmoins des muscles volontaires en ce que ses mouvements ne peuvent point affecter le caractère convulsif. Du reste, ils ne se trouvent compris ici parmi les mouvements automatiques que parce qu'ils s'accroissent d'une manière périodique lorsque le réservoir est rempli. Dans les mouvements automatiques du système organique, on remarque partout une certaine succession de contractions; l'une des parties de l'organe se contracte plus tôt que l'autre, et le mouvement marche avec régularité, en suivant une certaine progression, jusqu'à ce que la période soit accomplie. Dans le cœur de la grenouille, il commence aux veines caves, puis se propage aux oreillettes, aux ventricules et au bulbe de l'aorte. Au canal intestinal il marche de haut en bas, d'une manière vermiforme; mais une période n'est point écoulée entièrement, que la suivante reprend, et que les parties recommencent à se contracter dans le même ordre. Le mouvement rhythmique débute à l'œsophage, dont la partie inférieure, d'après les observations de Magendie et les miennes, se resserre, puis se dilate de temps en temps. A l'estomac, le mouvement est proportionnellement très faible. Il présente aussi un caractère vermiforme à la matrice, du moins après l'application des irritants, comme je l'ai vu chez les rats; d'ailleurs, les mouvements de la matrice ne s'observent que pendant l'accouchement ; il est rare que, durant la grossesse, on en remarque de faibles, ayant l'apparence de spasmes. Quand les irritants agissent sur un organe doué de mouvements automatiques, ceux-ci conservent généralement leur ordre normal de succession ; c'est seulement lorsque l'irritation s'accroît beaucoup, que la succession change, et qu'on voit survenir un mouvement antipéristaltique ; mais celui-ci peut aussi se manifester au milieu d'accidents cérébraux, quand l'influence nerveuse vient à être suspendue. Toutes les fois que des organes susceptibles de mouvements automatiques sont irrités, la période change aussi, et les mouvements deviennent plus intenses; le cœur bat avec plus de force et de fréquence quand une irritation externe ou interne agit sur lui. Si de fortes maladies aiguës font sur les organes

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