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semblables aux autres et à la cellule première du germe, ne puissent cependant produire autre chose que leurs semblables, c'est-à-dire des cellules, et ne soient point susceptibles de devenir le germe d'un organisme entier ? Comment se fait-il que les cellules de corne ou de cartilage puissent bien, en s'appropriant la matière, former en elles des cellules nouvelles de corne et de cartilage, mais qu'elles ne soient point aptes à produire des embryons ou des bourgeons? Comment se fait-il que, chez les hydres elles-mêmes, il y ait des parties du corps, telles que les bras, qui ne puissent pas devenir de nouveaux polypes quand elles ont été détachées? Ce phénomène peut dépendre de ce que les cellules, quoique contenant toujours la puissance de former le tout, ont cependant subi, par la métamorphose spéciale de leur substance en corne, etc., une suspension telle de leur activité vitale, qué non seulement elles ont bientôt perdu leur aptitude à se reproduire dans l'organisme dont elles font partie, et qu'ainsi frappées de mort elles se sont détachées sous forme d'écailles, mais encore qu'après leur séparation elles ne peuvent plus reproduire le tout. Tout homme qui réfléchit peut tirer ces conclusions des faits précédents; mais elles n'en découlent pas d'une manière nécessaire.

Il semble que, dans cette hypothèse, on attribue une trop grande importance aux cellules. Les difficultés de l'appliquer aux animaux supérieurs sont si grandes, qu'elle devient invraisemblable comme théorie générale, tandis qu'on n'en peut contester la vérité eu égard aux êtres organisés inférieurs.

ou

2o La puissance de produire l'organisme entier n'appartient point à toutes les cellules qui se forment pendant l'accroissement, ni aux molécules de tissus qui en proviennent cette force, qui, d'après le principe, appartient à une seulé cellule, du moius à un petit nombre de cellules, c'est-à-dire réside dans le germe, augmente bien ensuite par l'effet de l'accroissement, mais il se produit une multitude de cellules qui ne possèdent que le pouvoir de former leurs semblables, et non celle de produire le tout, comme les cellules cornées, les cellules de cartilage, les fibres musculaires; toutes ces cellules, qui n'ont acquis qu'un développement incomplet, et qui diffèrent même les unes des autres au point de vue chimique, constituent, prises ensemble, l'organisation entière ou complétement déployée, c'est-à-dire ce qui n'existait qu'à l'état de non-développement, ou, autrement dit, virtuellement, dans la cellule germinative ou dans les cellules reproductives du bourgeon. L'accroissement consiste donc, du moins partiellement, en ce que le tout potentiel d'une cellule se transforme en un tout explicite, avec des cellules nombreuses, différentes les unes des autres quant à leur structure et à leur constitution chimique. Comme toutes ces cellules spéciales produisent également leurs pareilles, soit au dedans, soit au dehors d'elles-mêmes, par une métamorphose qu'elles font subir à la matière, et qu'en conséquence le nombre des cellules qui leur ressemblent va toujours en augmentant, l'organisme adulte est un tout explicite, avec un multiple de ses particules les plus simples; car l'adulte contient un multiple des cellules de cartilage de l'embryon, un multiple de ses fibres musculaires, etc.

Cependant l'adulte ne doit pas être considéré uniquement comme un tout explicite; il est bien tel, quant à la pluralité des parties de son corps, mais il est encore beaucoup plus. La puissance d'être implicitement ou virtuellement le tout n'est point éteinte en lui, et la faculté qu'il possède de se multiplier par gemmation,

par génération, n'est pas uniquement la conséquence d'une action réciproque entre les molécules organisées d'une manière spéciale; on parvient sans peine à démontrer que le pouvoir de produire le tout pénètre encore de toutes parts l'organisme entier.

En effet, outre que la tête d'une hydre, après avoir été détachée du corps, reproduit tout ce qui lui manque pour constituer un polype parfait, un individu de l'espèce humaine, quel que soit son sexe, ne procrée pas moins des enfants complets, bien qu'il ait perdu ses jambes. On pourrait certainement enlever beaucoup d'autres parties encore, sans que ce qui reste perdit le pouvoir de procréer le tout. De plus, la multiplication par scission spontanée artificielle nous prouve qu'il y a un degré d'organisation où le pouvoir de maintenir la vie du tout ne tient pas uniquement à la réaction mutuelle des diverses parties ou cellules constituantes, puisque la somme de ces parties peut être divisée sans que ce pouvoir soit compromis.

Non seulement tous les êtres organisés, à partir du premier moment de leur développement, produisent des cellules, qui, prises ensemble, constituent explicitement le tout, mais encore, pendant que, de cette manière, ils augmentent sans cesse la somme de leurs particules constituantes, ils forment des cellules, ou des amas de cellules, qui sont virtuellement un tout, c'est-à-dire qui possèdent le pouvoir de produire toutes les cellules destinées à des buts particuliers. L'accroissement de tous les êtres organisés comprend donc deux choses fort différentes, d'abord l'ampliation de la forme individuelle par multiplication des particules qui la constituent, ensuite la multiplication de la forme de l'espèce dans un état de nondéveloppement, dans un état où tout ce qui doit être séparé un jour se trouve encore confondu ensemble, en un mot sous les dehors soit d'un bourgeon renfermant en lui-même tout ce dont il a besoin pour se développer, soit d'un germe qui ne peut en faire autant qu'après avoir subi l'influence de la fécondation. La substance capable de se développer sans le secours de la fécondation, et qui, dans son état de plus grande simplicité, n'est autre chose qu'une cellule isolée, se produit ou dans toutes les parties ou dans le plus grand nombre des parties d'un être organisé : ainsi la plupart des parties d'une hydre ou d'un végétal poussent des bourgeons. Ou bien cette substance ne se produit que dans un organe spécial du tout, forme d'ovule dans l'ovaire, de sperme dans le testicule. Nous avons déjà vu que tout accroissement consiste en la formation d'un multiple virtuel. Maintenant nous reconnaissons que cette multiplication s'accomplit de deux manières, c'est-à-dire qu'il y a, d'un côté, multiplication des cellules constituant le mécanisme de l'organisation individuelle, et, d'un autre côté, production de multiples potentiels ou non développés, autrement dit, de cellules primitives. Ces deux modes marchent d'un pas égal dès le principe; dès que la plante pousse un rejeton, les germes des bourgeons prochains se produisent; de même, on trouve déjà, dans l'ovaire de l'enfant, des germes d'une nouvelle génération.

sous

SECTION II.

DE LA GÉNÉRATION PAR LE CONCOURS DES SEXES.

CHAPITRE PREMIER.

Des sexes,

Dans la génération qui s'opère par le concours des sexes, les germes, quoique ayant l'aptitude à propager le genre, l'espèce et même l'individu, ne peuvent pas déployer leur organisation propre sans avoir préalablement subi l'influence d'une matière, appelée sperme, qui a de l'affinité avec eux, bien qu'elle en soit différente. Le sperme propage bien aussi les qualités du genre, de l'espèce et même de l'individu, mais seulement par l'action qu'il exerce sur l'œuf. Celui-ci devient donc le théâtre de tous les changements qui ont trait à la production d'un nouvel individu.

Tantôt le sperme et les œufs se produisent chez des individus différents, et la fécondation s'opère, ou dans l'intérieur de l'organisme, les deux sexes s'unissant ensemble, ou au dehors de l'organisme, la semence de l'un des sexes entrant en rapport avec l'ovule de l'autre. Tantôt, au contraire, le sperme et l'ovule se forment chez un même individu, dans des organes différents, ce qui est le cas de tous les végétaux et animaux appelés hermaphrodites. Le dualisme des sexes n'implique donc pas nécessairement celui des individus; la procréation avec le concours des sexes peut, tout aussi bien que celle par gemmation ou scission, être accomplie par un seul individu.

Autrefois on admettait fréquemment l'existence d'espèces animales n'ayant que des individus femelles. On regardait comme tels les animaux inférieurs, les polypes, les acalèphes, les échinodermes, parce qu'on voyait des œufs chez tous les individus, et qu'on ne connaissait pas les organes mâles, qui sont plus difficiles à constater par la présence des animalcules spermatiques. Mais comme on connaît déjà des appareils sexuels doubles chez les échinodermes, et que les organes mâles ont été découverts chez les polypes, les méduses, les rotatoires, les infusoires, il n'est plus permis aujourd'hui de croire à des animaux dont tous les individus seraient femelles. D'ailleurs, un œuf qui n'aurait pas besoin, pour se développer, d'être préalablement fécondé par la semence masculine, serait non point un œuf, mais un bourgeon caduc, et l'individu qui le produirait n'aurait aucun titre à l'appellation d'animal femelle. Il ne manque pas d'animaux qui produisent des bourgeons; mais les bourgeons animaux ne tombent pas comme bourgeons, ils se développent sur le tronc même qui les a produits. Les animaux qui ne se propagent que par des bourgeons sont ceux des genres Conurus et Echinococcus. Les polypes

produisent à la fois des bourgeons et des œufs. Chez les hydres (1) les œufs parais

Fig. 198.

sent à la surface du corps cylindrique de l'animal, parce que c'est là que l'ovaire se trouve situé (2) ces œufs diffèrent des bourgeons par leur enveloppe dure et cornée.

Chez les végétaux, les organes mâles et les organes femelles sont, tantôt réunis dans une même fleur (hermaphrodisme), tantôt répartis dans des fleurs différentes, soit sur un même individu (monoécie), soit sur des individus différents (dioécie). Ce dernier cas, qui est très commun chez les animaux, général même chez les insectes, les arachnides, les crustacés et les vertébrés, est le plus rare de tous chez les végétaux. Il arrive souvent, chez les végétaux dioïques, qu'un sujet dont la plupart des fleurs appartiennent à un sexe, en produit cependant quelques unes qui renferment les organes de l'autre sexe; la mercuriale, l'épinard, etc., fournissent des exemples de cette particularité.

Les animaux hermaphrodites tantôt se fécondent réciproquement, et tantôt se fécondent eux-mêmes.

1o Dans le premier cas, où les deux individus se fécondent simultanément, comme il arrive chez beaucoup de mollusques et de vers hermaphrodites, les organes mâles de l'un fécondant les organes femelles de l'autre, et les organes mâles de celui-ci exerçant la même influence sur les organes femelles du premier, ou bien il n'y a qu'un seul des deux individus qui soit fécondé, les organes n'étant pas

(4) La figure 198 représente, d'après Laurent, en a, une hydre qui porte à la base du pied quatre œufs, dont trois sont visibles. L'un des œufs latéraux est mi-pondu, c'est-à-dire qu'il a déchiré la peau qui le recouvrait; mais il tient encore au corps de la mère par son hémisphère interne. En b, on voit un œuf séparé, d'où sort une jeune hydre.

(2) Les recherches de Laurent (Rech. sur l'hydre et l'éponge d'eau douce, Paris, 1844), confirmatives d'une partie de celles qu'avaient déjà faites Pallas, Wagner et Ehrenberg, ont établi que les hydres et les spongilles se reproduisent à certaines époques par des œufs. Chez l'hydre, c'est à la région de la base du pied, qui correspond au cul-de-sac stomacal, que ces œufs se manifestent dans l'arrière-saison; cependant il peut aussi en naître sur tous les points de la peau qui enveloppe le sac stomacal. Dans le premier cas, l'état normal est qu'il s'en trouve quatre, tous de même grandeur; dans le second, on en compte depuis cinq jusqu'à sept, douze, quinze et vingt, de taille très variable, depuis 1/5 à 1/4 de millimètre jusqu'à 1/2 millimètre. Ces œufs se développent sous la forme d'une pustule à base large, qui devient de plus en plus sphérique. Un moment arrive enfin où l'œuf déchire la peau très distendue, et s'échappe au dehors. Il se compose d'une coque mucoso-cornée, renfermant dans son intérieur une substance liquide et globulineuse. Ce qui caractérise ces productions comme œufs, c'est qu'elles sortent à travers une déchirure de la peau, et se détachent du corps de la mère sous forme de corps sphériques tout à fait immobiles; que la substance qu'elles contiennent se développe sous la coque, hors du corps maternel, et subit dans cette coque une sorte d'incubation; enfin que l'individu qui résulte de cette incubation sort de sa coque sans avoir jamais eu aucune continuité de tissu avec le corps de sa mère. Chaque œuf ne contient jamais qu'un seul individu, qui en sort tantôt par la tête et tantôt par l'autre extrémité. Laurent a tracé fort au long (p. 14, 13, 24, 40, 45) l'histoire de la formation et les résultats de l'examen microscopique de ces œufs. (Note du trad.)

disposés de manière que la fécondation réciproque puisse avoir lieu; c'est ce qui arrive, d'après les observations de Henle, chez les Helluo, où l'un des individus. introduit sa verge dans le corps de l'autre, qui tient la sienne allongée sans l'introduire. Cependant il peut se faire, dans cette seconde catégorie, que plusieurs individus se fécondent réciproquement, par accouplement en série, a, b, c, d, e, de telle sorte que a soit fécondé par b, b par c, c par d, d par e. Ce mode d'imprégnation a lieu chez les lymnées, qu'on rencontre nageant accouplées en chapelet. Le dernier individu de la chaîne n'est point fécondé; il ne fait que féconder celui qui précède.

2° Chez les animaux hermaphrodites qui peuvent se féconder eux-mêmes, tantôt la semence trouve, dans l'intérieur du corps, une voie ouverte qui lui permet d'arriver aux œufs, comme chez les rotatoires, d'après Ehrenberg, et les distomes suivant Siebold; tantôt, quand les organes dans deux sexes sont multiples sur un animal articulé, une partie du corps peut s'infléchir volontairement vers l'autre, et se comporter comine mâle à l'égard d'une autre qui joue le rôle de femelle. Il n'est pas rare de trouver deux tænias accouplés ensemble; cependant un jeune naturaliste, enlevé trop tôt à la science, F. Schultze, a vu une fois ce ver accouplé avec lui-même, et j'étais présent lorsqu'il montra le fait à Rudolphi (1).

La répartition des sexes, chez les animaux, a été réglée de telle manière que les articulés et les vertébrés n'offrent aucune trace d'hermaphrodisme normal; mais, ailleurs, la nature s'est si peu astreinte à des distinctions tranchées, qu'il n'est pas rare de rencontrer, dans une même classe, des animaux hermaphrodites et d'autres composés d'animaux à sexes séparés, qu'il y a même des ordres dans lesquels on trouve des familles offrant l'une et l'autre disposition.

Les infusoires, les rotatoires, les échinodermes (2), les vers articulés paraissent tous hermaphrodites, comme l'ont appris les recherches des anatomistes. Ehrenberg a démontré les organes sexuels mâles et femelles chez un grand nombre d'infusoires. Les polypes sont également hermaphrodites pour la plupart. Cependant il se trouve des polypes måles et des polypes femelles chez les campanulaires, d'après les observations d'Ehrenberg et de Lowen; en effet, beaucoup de polypes du tronc sont pourvus d'une organisation complète pour la vie individuelle; chez d'autres, au contraire, les bras et les organes internes essentiels à la vie individuelle sont comme atrophiés, et les polypes sont pour ainsi dire convertis en des ovaires; en effet, Cavolini et autres les ont décrits pour tels (3); Nordmann a publié des observations analogues sur la Tendra zostericola, chez laquelle on trouve des cellules måles et des cellules femelles à côté les unes des autres; les testicules des mâles consistent en huit organes vermiformes situés au voisinage des tentacules. Les œufs des cellules femelles sont fécondés par des animalcules spermatiques des polypes mâles (4). Les ovaires et les testicules sont connus chez d'autres polypes, ainsi

(1) RUDOLPHI, dans Abhandlungen der Akad. zu Berlin, 1825, p. 45.

(2) L'existence de sexes séparés chez les Echinodermes a été observée par Valentin dans les Holothuria et Spatangus (Repertorium, 1840, p. 301), par Wagner dans les holothuries, par Rathke dans les Asterias et Ophiura (FRORIEP's Notizen, XXI, p. 46, 269, 431), par Peters dans les oursins (MUELLER'S Archiv, 1840, p. 144).

(3) LOWEN, dans WIEGMANN'S Archiv, t. III, p. 249. (4) Ann. des sc. nat., II, 185.

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